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Cl. WALLART et Ch. DOUYÈRE-DEMEULENAERE, « Le télégraphe Chappe », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 23/10/2022. URL : histoire-image.org/etudes/telegraphe-chappe
Le système télégraphique se maintient pendant cinquante-neuf ans bien qu’il ne fonctionne ni la nuit ni par mauvais temps. Les machines se perfectionnent et le vocabulaire devient plus sophistiqué. Au milieu du XIXe siècle, on compte plus de 550 postes en France, 200 hors du territoire national et plus de 5 000 km de réseau



Contexte historique
Communiquer à distance
A la suite d’autres inventeurs, Claude Chappe (1763-1805) recherche un système permettant de transmettre des informations à distance. Après avoir envisagé d’utiliser l’électricité, il choisit un système optique. Après des premiers essais qui ont éveillé les soupçons de la population et entraîné la destruction de son appareil, il met au point, avec le soutien de Le Peletier de Saint-Fargeau qui lui ouvre son domaine de Ménilmontant, près de Paris, son « tachygraphe », rebaptisé ensuite « télégraphe ». Le 26 juillet 1793, Lakanal, enthousiaste, présente à la Convention les premiers essais en grandeur nature qui ont eu lieu le 12 juillet précédent entre Ménilmontant, Ecouen et Saint-Martin-du-Tertre.
Chappe se voit décerner le titre d’« ingénieur télégraphe ». Le 4 août 1793, la Convention décide la construction d’une première ligne entre Paris et Lille, afin de pouvoir correspondre avec les armées du Nord.
Analyse des images
Chappe et les débuts du télégraphe optique
Malgré de nombreuses difficultés, la ligne Lille-Paris est achevée en juillet 1794. Ses quinze stations, distantes de 14,6 kilomètres en moyenne, sont le plus souvent établies sur des tours ou des clochers d’église. Une photo de 1855 permet d’apercevoir les bras grêles d’un télégraphe en haut du clocher de l’église Sainte-Catherine de Lille.
Placé en haut d’un mat d’environ 4 mètres, l’appareil est composé de deux grands bras appelés indicateurs et fixés sur une barre médiane, le régulateur. Ces trois pièces mobiles sont manipulées au moyen de cordes et de poulies : chaque indicateur peut occuper huit positions en variant de 45°, et le régulateur quatre. Les stationnaires observent à la lunette la position des bras de la machine précédente, la notent et la retransmettent à la station suivante. Ce dispositif peut être ambulant et équipé de fanaux pour fonctionner la nuit. Mais en moyenne le télégraphe n’est opérationnel que six heures par jour et ne peut transmettre en cas de brouillard ou de fortes pluies.
Le registre cartonné de 45 x 13 x 4 cm, recouvert de parchemin et muni de petits onglets contient les premières dépêches envoyées sur la ligne Lille-Paris en 1794 (le deuxième registre des transmissions de la ligne du Nord (21 décembre 1794-21 octobre 1795) est conservé au Musée postal de France). Celles-ci sont transcrites en reproduisant par des traits la position des bras de l’appareil. Un vocabulaire de 9 999 mots a été mis au point par Chappe : chaque position des indicateurs et du régulateur correspond en fait à un chiffre, qui correspond lui-même à un mot ; le secret de ce vocabulaire est jalousement gardé. Les signaux sont inintelligibles pour les opérateurs intermédiaires qui ne connaissent que les signaux de service, et seules les têtes de ligne comprennent la signification des chiffres.
Le 28 messidor an II (16 juillet 1794), le Comité de salut public donne l’autorisation de transmettre. Un signal de service met vingt minutes entre Lille et Paris ; il faut compter deux heures pour transmettre un message simple. C’est probablement le temps qu’il a fallu à la nouvelle de la reddition du Quesnoy (15 août 1794) pour parvenir à la Convention, première victoire annoncée par le télégraphe.
Interprétation
Le début des télécommunications
Des lignes télégraphiques sont installées progressivement sur le territoire national, à l’origine seulement à l’usage du gouvernement et de l’Etat. Les imprimés de service du Directoire portent un en-tête gravé où figure un Mercure ailé tenant un télégraphe à la main à travers les nuées. En 1799, quand Bonaparte de retour d’Egypte débarque à Fréjus le 17 vendémiaire an VIII (9 octobre), un bulletin télégraphique du 22 vendémiaire (14 octobre) annonce la nouvelle, par Paris, à Dunkerque et Strasbourg. Le 24 vendémiaire (16 octobre) Bonaparte est à Paris. Trois semaines plus tard intervient le coup d’Etat du 18 brumaire (9 novembre).
Le système télégraphique se maintient pendant cinquante-neuf ans bien qu’il ne fonctionne ni la nuit ni par mauvais temps. Les machines se perfectionnent et le vocabulaire devient plus sophistiqué. Au milieu du XIXe siècle, on compte plus de 550 postes en France, 200 hors du territoire national et plus de 5 000 km de réseau.