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Popescu Stefan, « Les Français et la République de Kortcha. (1916-1920) », Guerres mondiales et conflits contemporains, 1/2004 (n° 213), p. 77-87. http://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2004-1-page-77.htm.

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RÉSUMÉ

Pendant la Première Guerre mondiale, le territoire de l’Albanie a été occupé par les armées de plusieurs belligérants : austro-hongrois, italiens et français. Les occupants ont donné aux territoires respectifs une organisation administrative basée sur une large participation des éléments locaux. Ils ont réalisé également des routes, des écoles, des hôpitaux, etc., et les premiers recensements modernes de la population albanaise. C’est le séjour des Français dans le sud-est de l’Albanie qui est retracé dans cet article.


Plan de l’article

  • Le parcours de l’Albanie au début de la Première Guerre mondiale. L’établissement de la mission militaire française
  • Dynamique locale et tutelle française
  • La République de Kortcha
  • La fin de la mission française en Albanie. Les conséquences de la présence française

TEXTE INTÉGRAL

La célèbre remarque du Premier ministre britannique Neville Chamberlain sur la Tchécoslovaquie – « a far away country of which we know nothing » (un pays lointain sur lequel on ne connaît rien) – peut être mieux appliquée à l’Albanie, même aujourd’hui, car sa place dans l’historiographie universelle n’est pas l’une des privilégiées. Si des études, concernant les autres domaines de l’histoire albanaise, ont été plus ou moins abordées, les rapports franco-albanais et la place de la France dans son histoire politique et diplomatique restent pratiquement inconnus. Il y a des travaux sur les relations anglo-albanaises , encore plus sur les rapports italo-albanais, mais sur la France, fort peu. La politique albanaise de la France reste à traiter. Cet article concerne la période de 1916 à 1920 qui correspond à la durée du séjour des Français dans le sud-est de l’Albanie. Elle s’est révélée riche dans ses multiples aspects, politiques, militaires, économiques et culturels. Les sources utilisées sont principalement les archives du Service historique de l’Armée de Terre et, au ministère des Affaires étrangères, celles des fonds de la Correspondance politique et commerciale.


Le parcours de l’Albanie au début de la Première Guerre mondiale. L’établissement de la mission militaire française

Érigée en principauté autonome à la suite des guerres balkaniques, l’Albanie était en train de disparaître. Guillaume de Wied, son éphémère souverain, quitta le pays le 3 septembre 1914. La nouvelle crise interne coïncidait avec la crise européenne conduisant à la Grande Guerre, dont le début changera les dates du problème albanais. Il ne s’agit plus seulement du statut de l’Albanie, ni de quelques districts contestés de cette région : l’édifice des traités élevé au cours d’un siècle s’effondre. La question adriatique est rouverte et ne sera résolue qu’après dix années de combats et de débats.

Le sort de l’Albanie a fait l’objet d’une grande discussion lors des négociations du traité de Londres du 26 avril 1915. Cet accord est un compromis difficilement aménagé par la France entre l’Italie et la Russie qui veut éviter un second sacrifice de la Serbie dans la question de l’accès à la mer.

Dès avant l’ouverture des négociations avec Rome, d’ailleurs, l’Albanie était vouée par les Alliés au démembrement ; le 21 novembre 1914, déjà, le Tsar exprimait à l’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, Maurice Paléologue, son plan à cet égard : « Déployant une carte des Balkans, il m’expose à grands traits que la Serbie s’annexerait la Bosnie, l’Herzégovine, la Dalmatie et le nord de l’Albanie ; la Grèce obtiendrait le sud de l’Albanie, sauf Valona, qui serait dévolu à l’Italie ; la Bulgarie, si elle restait sage, recevrait de la Serbie une compensation en Macédoine… » Ce projet de démantèlement ne resta pas lettre morte. René Girault, à ce sujet, parle d’un terrain de rencontre propice à tous les nationalismes de puissance des Balkans. Les Serbes, après l’attentat de Sarajevo et la déclaration de guerre autrichienne, avaient franchi également la frontière albanaise, le 12 juin 1915, et occupaient tout le centre et le nord de l’Albanie : Pogradetz, Elbasan, Tirana, Kavaja et Ishmi. Le 11 juin 1915, le gouvernement monténégrin décida d’occuper les territoires albanais situés sur la rive droite du Drin jusqu’à Scutari. Le 15 juin, Scutari était occupée. À l’issue de leur retraite, moins de sept mois après, les Autrichiens prirent la place des Serbes et des Monténégrins. Ils occupèrent tout le pays au nord de la vallée de la Vjosa, au sud de laquelle bivouaquaient les Italiens. Les Autrichiens administrèrent alors le pays comme une véritable colonie, le divisant en districts administratifs, construisant des routes, organisant les postes et les finances. Ils recensèrent soigneusement les populations en poursuivant l’œuvre de connaissance scientifique entreprise depuis longtemps sous l’égide de leurs consuls.

Pendant ce temps et alors qu’ils n’étaient pas encore entrés en guerre, les Italiens occupèrent la petite île stratégique de Saseno (30 octobre 1914) et, deux mois plus tard, le port de Valona. À partir de 1916, l’importance du corps expéditionnaire italien s’accrut considérablement. Les Grecs furent aussi rapides et occupèrent le sud de l’Albanie dès octobre 1914, avec l’accord des Alliés, qui préféraient y voir les Grecs plutôt que les Autrichiens. Profitant de la situation, par un décret d’avril 1916, ils annexèrent l’Albanie méridionale à la Grèce. Les Alliés protestèrent, surtout à cause des sentiments germanophiles du roi Constantin et de leur crainte de voir la Grèce basculer dans le clan des Empires centraux. Sous la pression des Alliés, les Grecs furent contraints de se retirer d’Albanie.

En juin 1916, pour se couvrir sur son aile gauche, le général Sarrail fit occuper le kaza de Kortcha et établit la liaison avec les troupes italiennes se trouvant à Valona. Il s’agit d’une région stratégique, le carrefour des routes de Florina, de Kastoria, de Janina et de Saranda : « Il semble bien en effet que le moment soit venu de considérer cette voie comme une ligne de communication, auxiliaire mais importante, de l’Armée d’Orient. Les deux avantages de cette ligne nouvelle appliquée aux besoins de l’aile gauche de cette armée seraient à première vue la réduction au minimum des risques de mer et le dégagement des quais de Thessalonique, probablement aussi de la durée du trajet, sans parler de l’importance qu’elle pourrait peut-être prendre ultérieurement au point de vue des opérations elles-mêmes. » Le 2 octobre 1916, le 1er Chasseur d’Afrique, conduit par le colonel de Fourtou, prenait possession de Kortcha ; il en expulsait le 46e Régiment d’infanterie grec, arrêtait les fonctionnaires royalistes (avant de les envoyer à Salonique) et refoulait les bandes d’irréguliers sur le sol grec. La limite entre Français et Italiens s’établit à mi-chemin de Selenitza et d’Erseka. Le 10 septembre, la ville de Pogradetz est intégrée dans les Confins albanais administrés par la France. Ainsi, les Confins militaires français s’étendent sur environ 60 km d’est en ouest et de 100 km du nord au sud. La population du Kaza de Kortcha et des localités environnantes compte 122 315 habitants, dont 40 070 chrétiens et 82 245 musulmans. Du point de vue ethnique, cette région est majoritairement albanaise, à l’exception de quelques localités, Moscopoli, Plasa, Nicea, Frasari, etc., peuplées d’aroumains. Il y a d’autres minorités moins importantes : grecque et bulgare.

Les troupes françaises souhaitaient éviter une éventuelle jonction entre les troupes autrichiennes stationnées en Albanie et les Bulgares eux-mêmes, ralliés aux Empires centraux depuis 1915, ensuite, empêcher les communications entre la cour d’Athènes et les Puissances centrales. « C’est par la route Janina-Kortcha-Pogradetz que les courriers allemands et autrichiens passaient plusieurs fois par semaine à destination ou en provenance d’Athènes. » Le 15 novembre, c’est le colonel Descoins, ancien chef d’état-major de l’expédition des Dardanelles, qui est chargé de commander la mission militaire française en Albanie. Il dispose au début « d’un bataillon du 242e d’infanterie (commandant Voizard), remplacé à la fin de décembre par le 13e bataillon territorial d’infanterie (commandant Cosie), le 2e bataillon de marche indochinois (commandant Koechly, puis commandant Paponnet) ; deux escadrons de chasseurs d’Afrique (capitaine Mousset du 5e régiment, capitaine Durand, du 1er) ; une section d’artillerie (lieutenant Bonvin). Après le départ du bataillon Voizard, une section de mitrailleuses fut envoyée de Salonique ».


Dynamique locale et tutelle française

Le colonel Descoins présentait l’avantage de bien connaître Argyropoulos, ministre du gouvernement de la Défense nationale, et représentant de Venizélos à Kortcha. Sarrail misait sur la nature cordiale de leurs relations pour faire admettre plus facilement à ce dernier la décision de son rappel à Salonique. Le 22 novembre, Argyropoulos remit les différents services de la région de Kortcha au colonel Descoins. Celui-ci fit savoir aux notables de Kortcha qu’il souhaitait parvenir à un accord avec les principaux chefs albanais. Le 10 décembre 1916, eut lieu à Kortcha une grande réunion des représentants de la population qui, vu la situation de la région, séparée du reste de l’Albanie par le fait de la guerre, se proclama autonome. Un protocole fut signé entre les autorités françaises et les notables albanais pour organiser la collaboration entre les pouvoirs locaux et les occupants. Il s’agit du Protocole signé le 10 décembre 1916. Selon son premier article, la zone d’occupation française couvre le territoire du kaza de Kortcha, « avec ses dépendances de Biklista, Kolonia, Opari et Gora ». L’administration est confiée à un Conseil de 14 membres, 7 musulmans et 7 chrétiens (art. 2). Le texte du protocole révèle l’intention des autorités françaises de maintenir l’équilibre. Un officier était le délégué du commandant militaire auprès du Conseil. Ce fut le lieutenant de réserve Bargeton. Après son rappel au ministère des Affaires étrangères, vers le milieu du janvier 1917, il sera remplacé par le lieutenant Siegfried. L’autorité militaire pouvait seule nommer les fonctionnaires des services publics (art. 3). Les forces de police et la gendarmerie mobile albanaise, chargées de maintenir l’ordre intérieur, étaient placées sous l’autorité du commandant militaire français (art. 7). Enfin, le drapeau de Skanderbeg, cravaté aux couleurs de la France (art. 9), entendait symboliser « un ombrage qui abrite mais n’écrase pas ».

Véritable constitution le Protocole confirme la naissance d’une Krahina autonome (Région autonome). Dès janvier 1917, cette appellation céda la place, dans les actes officiels, à celle de Shqipëria Vetqeveritare (Albanie autonome). Cette modification affirme le caractère albanais de kaza de Kortcha et la volonté du régime instauré d’apparaître le continuateur de l’État albanais reconnu en 1913. L’administration de cette République albanaise décida au mois de mars 1917 l’installation de bureaux de douanes à la frontière avec la Grèce. La nomination de laïcs à la direction des monastères (avril 1917) et, ensuite, la gestion des affaires religieuses par une Direction de l’enseignement (juillet 1917) nous obligent à deviner le modèle français dans cette initiative.

La signature de ce Protocole contrevient aux stipulations du traité de Londres conclu avec l’Italie le 26 avril 1915. Par conséquent, l’Italie demanda des explications au quai d’Orsay, par l’intermédiaire de son ambassadeur, le 12 décembre 1916. La réaction des Affaires étrangères ne tarda pas : « Le rôle de cet officier supérieur [Descoins] qui, sans que mon Département ait été appelé à se prononcer, a, sous prétexte de rétablir l’ordre, provoqué la création d’un régime politique local qui a suffi à nous attirer des réclamations à la fois des Grecs, des Italiens, des Serbes et du chef albanais [Essad Pacha], paraît éminemment regrettable. » Diplomates et militaires ont des intérêts qui divergent. La réponse du général Sarrail, en date du 21 mars 1917, illustre très bien cet état des choses : « J’ai toujours laissé la population faire ce qu’elle voulait, je vous ai rendu compte ; il ne m’appartient pas me mêler des questions de politique intérieure grecque ou des Balkans ; Kortcha a voulu être indépendant, il l’a été. Depuis lors le calme règne dans cette région. Cinq cents réguliers gendarmes ont été recrutés et se sont bien battus dernièrement à nos côtés. J’ai mon flanc gauche couvert par une sorte de zone tampon. Le colonel Descoins, après avoir a posteriori dans un Protocole résumé la situation créée par habitants Kortcha, commande cette sorte de territoire confine militaire. Au point de vue militaire, qui seul m’occupe, je ne puis que me féliciter d’état de choses. »

Pourtant, Descoins est relevé de son commandement le 11 mai 1917. Le 27 septembre, le général Sarrail avait doté la région d’un nouveau statut qui abrogea le protocole du 10 décembre 1916 (art. 1) . Son administration est confiée au commandant du Groupement de Malik (art. 2). Le Conseil d’administration est remplacé par un Conseil consultatif, réduit à 12 membres, mi-partie chrétiens, mi-partie musulmans (art. 4). La zone d’occupation française sera divisée en deux, au nord et au sud de Devolli : la zone Sud (la République de Kortcha) et la zone Nord (le territoire de Pogradetz). Stephen Pichon, revenu au quai d’Orsay en novembre 1917, demande l’abrogation de l’autonomie albanaise de Kortcha. Le 16 février 1918, le général Salle, commandant du groupe Malik, supprime l’autonomie déjà réduite de la République albanaise.


La République de Kortcha

La position secondaire du front albanais a permis les activités les plus diverses de la part des militaires français. Ainsi les Français purent se consacrer au développement de la région. Les lignes qui suivent s’efforcent de montrer l’expérience civilisatrice française qui s’opéra en l’espace de trois années, et ce dans les domaines économique, financier, postal, juridique, sanitaire, éducatif, religieux et administratif. D’ailleurs, à notre connaissance il s’agit de la première et de la seule introduction de réformes structurelles en Albanie.

Nous disposons pour ces faits d’un rapport adressé au général Sarrail en date du 9 janvier 1917 par le colonel Descoins. C’est à la fois un bilan et une analyse politique. Le fil directeur est simple. Il s’agit de montrer que les réformes doivent être poursuivies au bénéfice des Albanais et dans l’intérêt de l’influence française.

Dans le domaine économique, la politique des autorités militaires françaises devait éviter une famine et améliorer les conditions de vie de la population. Afin d’obtenir l’autosuffisance alimentaire, le Service agricole fut créé. « Le lieutenant Vuillier, ingénieur agronome, mit sur pied un plan complet pour l’exploitation agricole des plaines de Korytza et de Biklista. Par ses soins, des contrats de prêts de semences furent passés avec les cultivateurs aux conditions suivantes : nous donnions gratuitement les graines aux cultivateurs qui en faisaient la demande mais, à la récolte, il devait nous être rendu le double de ce que nous avions prêté ; le reste demeurait la propriété du cultivateur. »

Après la remise des pouvoirs par les Vénizélistes, les autorités militaires françaises décidèrent de mettre en ordre les finances du territoire. Le 27 décembre 1916, un Règlement sur la comptabilité publique était adopté pour contrôler les entrées et les sorties des fonds publics du kaza de Kortcha. D’autres règlements ont institué : un budget des dépenses, l’impôt sur le revenu, l’impôt du timbre sur les contrats et actes judiciaires. Pour combattre la spéculation sur la monnaie, le 1er février 1917, le Conseil d’administration décida d’imprimer des billets divisionnaires, les francs albanais. Les billets de banque, comme d’ailleurs les timbres-poste, ont été gravés par le soldat Davier, ancien élève d’Oscar Roty, et imprimés à Kortcha.

Dans le domaine de la justice, les Français mirent sur pied des institutions judiciaires : le Conseil de guerre du territoire de Kortcha, composé d’officiers français, fut créé le 19 mars 1917. Le 21 mai 1917, un Code pénal entre en vigueur, qui prévoit la création d’un Conseil de police avec des compétences limitées : lutte contre la spéculation, respect de l’ordre public, ravitaillement, etc. Le Tribunal prévôtal du territoire de Kortcha a été institué le 17 juin 1918 pour juger « des infractions aux règlements relatifs à la discipline générale du territoire ». « Les tribunaux religieux continueront, comme par le passé, à connaître de l’état des personnes (filiation, mariage, etc.). »

L’administration sanitaire, dirigée par le médecin major Danos, soigne les troupes ainsi que l’ensemble de la population. Un hôpital civil a ouvert ses portes en octobre 1918. Le service vétérinaire avait à sa tête le vétérinaire aide-major de 1re classe Bonhomme.

Pour « tout ce qui touche les affaires d’école » fut instituée le 5 avril 1917 la Direction de l’enseignement. Quelques mois après le départ du colonel Descoins, le lycée français, si l’on peut dire, ouvre ses portes. Le personnel enseignant était formé par Vital Gerson, le directeur, venu de Salonique. Trois professeurs albanais l’assistaient. La première année, 1917-1918, le lycée comptait 36 élèves. Il y en eut une cinquantaine les trois années suivantes.

Les militaires français se sont intéressés particulièrement aux transports : « Nous avions donc organisé, avec des animaux de bât du pays, des convois libres analogues à ceux qui fonctionnent au Maroc. Ces excellentes petites bêtes faisaient un trajet journalier moyen de 50 km avec une charge utile de 80 kg. Douze cents chevaux de bât étaient ainsi en service au début de mai 1917. »

Enfin, le lieutenant du génie Bidon, ingénieur des mines, s’occupait de la reconnaissance des ressources minières ainsi que de leur mise en valeur. Le géographe de la Sorbonne, Jacques Bourcart, mobilisé en Albanie, entreprend, lui aussi, une minutieuse reconnaissance des ressources naturelles des confins albanais administrés par la France.

Un dernier mot concernant les rapports entre les deux missions de l’Entente, française et italienne, s’impose. Les Italiens pratiquaient vers la République de Kortcha une pénétration pacifique, grécophobe et francophobe à la fois. L’agent consulaire italien à Kortcha, Moncieri, et Vona, son secrétaire, étaient en relations avec les milieux albanais militants. Le colonel de Fourtou, prenant possession de son commandement, lui déclara : « Nous sommes ici pour la même cause générale, celle de l’Entente. Je ne veux pas qu’on me mette des bâtons dans les roues. » En attendant les projets de liaison par chemin de fer qui, de Monastir ou d’Uksub, détournerait sur les ports adriatiques le commerce macédonien, le protectorat italien d’Albanie ne renonçait point à Kortcha. Leur propagande scolaire et économique visait à préparer avec l’Italie des liens pour l’après-guerre. On voit donc émerger un conflit latent franco-italien pour l’exercice d’une future hégémonie dans les Balkans.


La fin de la mission française en Albanie. Les conséquences de la présence française

Après l’armistice il fut convenu que Français et Italiens administreraient chacun les territoires qu’ils occupaient, tandis qu’une administration franco-italo-anglaise était organisée à Scutari, au nord de l’Albanie, et placée sous le commandement du général de Fourtou. Les deux bataillons français détachés en Albanie ne seront supprimés que vers le 1er mars 1920. Cet état de choses ne paraît comporter aucun inconvénient pour Scutari. La situation était différente en ce qui concerne le bataillon de Kortcha. Cette unité était chargée de l’occupation du kaza de Kortcha et assurait la surveillance du territoire de Pogradetz et de la vallée de Tomoritza. La décision de rapatrier tout le personnel administratif français sera prise le 5 juin 1920.

Une question se pose : quelles sont les conséquences de la présence française à Kortcha ? ou comment cette présence a-t-elle influencé les relations franco-albanaises dans l’entre-deux guerres ? Il est incontestable que l’influence française est nettement assise dans le sud-est de l’Albanie et que la langue française est étudiée partout, dans les 150 écoles élémentaires ouvertes par les autorités militaires. Mais la liquidation des finances du kaza de Kortcha va influencer d’une manière négative les relations entre Paris et Tirana. Un an après la fin de la Grande Guerre, le capitaine Bouchard de l’état-major de l’Armée française de Macédoine avait reçu des Finances de Kortcha la somme de 1 200 000 francs français provenant des excédents budgétaires réalisés au cours de l’administration des troupes françaises. Le reste, soit deux millions, fut retenu par les autorités locales. Les fonds qui se trouvaient entre les mains du commandement français, ont été déposés au Trésor. Quant aux deux millions environ retenus par les Albanais, sur lesquels plus d’un million et demi en bons et obligations de la Défense nationale, ils ont été frappés d’opposition par le gouvernement français. En 1920, le ministère français de la Guerre a exprimé l’opinion que les services effectifs rendus par la France à l’Albanie justifient l’encaissement définitif par le Trésor des fonds qui y avaient été déposés. La non-restitution de ces fonds à l’Albanie a influencé d’une manière négative les relations commerciales franco-albanaises dans les premières années d’après la guerre.

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