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Qu’est-ce que la tragédie lyrique ? Tout simplement, la forme musicale et théâtrale la plus complète et la plus importante du règne de Louis XIV : une forme inventée par le roi lui-même

Biographie. William Christie
Claveciniste, chef d’orchestre, musicologue et enseignant, William Christie est l’artisan de l’une des plus remarquables aventures musicales de ces trente dernières années. Pionnier de la redécouverte de la musique baroque, il a révélé à un très large public le répertoire français des XVIIe et XVIIIe siècles. La carrière de ce natif de Buffalo, formé à Harvard et à Yale, installé en France depuis 1971, a pris un tournant décisif lorsqu’il a créé en 1979 Les Arts Florissants.
À la redécouverte de la tragédie lyrique : une aventure française
Par William Christie, de la section des Membres libres, claveciniste et chef d’orchestre
Aujourd’hui, il n’est plus une maison d’opéra, en France, qui ne programme dans sa saison musicale un opéra baroque. Monteverdi, Haendel, Lully, Purcell, Rameau sont des noms familiers du public mélomane. Mais il n’en a pas toujours été de même – loin s’en faut. Lorsque j’ai créé mon ensemble Les Arts Florissants, en 1979, ces mêmes salles étaient plus que rétives à présenter un répertoire « pré-mozartien », et plus encore les tragédies lyriques, les opéra ballets, les pastorales ou les comédies lyriques de compositeurs français. Alors me direz-vous, comment un tel retournement de situation a-t-il pu se produire ? Comment est advenu ce que je caractériserais comme l’un des événements musicaux les plus importants de la fin du XXe siècle – je veux parler de la redécouverte de la musique baroque en France, et plus particulièrement, de la tragédie lyrique ?
Mais d’ailleurs, qu’est-ce que la tragédie lyrique ? Tout simplement, la forme musicale et théâtrale la plus complète et la plus importante du règne de Louis XIV : une forme inventée par le roi lui-même. N’oublions pas que pendant tout le XVIIe siècle, le théâtre était considéré comme l’une des formes les plus prisées, les plus évoluées de la culture française. La langue française – et c’est là un sujet qui fascine Les Arts Florissants depuis leur création – était alors arrivée à son apogée : une langue qui servait comme modèle d’éloquence, de raffinement, de beauté, de compréhension pour le monde entier ; une langue qui suscitait l’envie de toutes les autres cours royales d’Europe ; une langue qui inspira les Racine, les Corneille, les Molière et les Quinault. C’est dans ce même moment que naît la tragédie lyrique : témoignage d’une synthèse parfaite entre le théâtre classique et le récitatif musical venant d’Italie dans les bagages d’un certain Lully. Et c’est le roi, avec la complicité de Lully, qui provoque cette synthèse de génie en alliant la musicalité de la langue avec la musique – toute la richesse du continuo italien, associée à la beauté du théâtre classique français. Pour moi, la tragédie-lyrique est une forme quasi parfaite. Le plaisir que j’éprouve en écoutant cet extraordinaire équilibre entre paroles et musique m’émeut et je m’efforce de le partager avec un public de plus en plus nombreux.
Pourtant, passé le temps du roi-soleil, ces pièces eurent à subir plusieurs siècles d’oubli. Et il aura fallu plus de 300 ans pour que revoie le jour l’une des plus glorieuses tragédies-lyriques de Lully : Atys, surnommée « la tragédie du roi » ou « l’opéra du roi », du vivant même de Louis XIV…
La recréation d’Atys en 1987 a marqué un tournant. Et je peux dire en toute modestie que mon ensemble Les Arts Florissants a largement contribué à cette redécouverte. C’est en 1985 que Massimo Bogianckino – qui était alors directeur de l’Opéra de Paris – fit appel à moi pour un projet de grande envergure : recréer Atys, à l’occasion du tricentenaire de la mort de Lully. Pour une institution telle que l’Opéra de Paris il s’agissait d’une entreprise tout à fait nouvelle, qui mettait soudain en lumière le travail d’une poignée de musiciens, musicologues et chercheurs passionnés qui depuis quelques décennies s’étaient emparés de ce matériau quasiment inédit. Pour moi, c’était l’opportunité d’une vie. Imaginez-vous cela : recréer une œuvre qui n’avait plus été jouée depuis sa création en 1676, du vivant même de Louis XIV ! Avec mon Ensemble Les Arts Florissants, nous avons donc mis à profit nos quelque quinze années de travail, de recherche et d’interprétation, pour redonner vie à Atys.
Nous avons pu révéler à un public français et international la grandeur musicale et théâtrale de ces œuvres qui avaient langui dans l’oubli et le manque d’appréciation.
Mais nous n’étions pas seuls : il nous fallait un complice du côté du théâtre, pour nous aider dans cette résurrection. Cette personne fut Jean-Marie Villégier. Il devint mon conseiller, mon inspirateur, en quelque sorte mon catalyseur pour approfondir les rapports entre paroles et musique. Avec lui ont commencé des années riches de découvertes et de créations, dont l’événement le plus spectaculaire fut certainement la production d’Atys, où nous travaillâmes tous deux avec Francine Lancelot, historienne de la danse et chorégraphe. Grâce à ces glorieuses collaborations, nous avons pu révéler à un public français et international la grandeur musicale et théâtrale de ces œuvres qui avaient langui dans l’oubli et le manque d’appréciation.
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