Quatrième de couverture

De la Grèce antique au xviie siècle, les médecins s’efforçaient avant tout de bien nommer les maladies. Tout change au xviiie siècle. En 1801, Xavier Bichat (1771-1802), médecin à l’Hôtel-Dieu de Paris, peut écrire de façon révolutionnaire : « On cherche dans des considérations abstraites la définition de la vie ; on la trouvera, je crois, dans cet aperçu général : la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. » Dès lors, une nouvelle médecine est née, beaucoup plus attachée à la biologie de l’être humain. Dans ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort, Xavier Bichat sépare clairement les fonctions physiologiques liées à la « vie animale » (sensibilité, irritabilité, locomotion, voix) des fonctions physiologiques liées à la « vie organique » (nutrition, respiration, circulation du sang, reproduction). Dans son Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine, il crée l’histologie et montre que c’est le tissu d’un organe qui est malade plutôt que l’organe entier.


INTRODUCTION

La médecine a toujours accompagné les hommes. La nécessité la leur a dictée et ils l’ont cultivée comme ils ont appris à cuire leurs aliments. En cas de maladie, ils ont dû tenter de se soulager comme ils ont appris à se couvrir, à se loger et à se garantir de tous les accidents possibles. Les pères apprirent cette médecine rudimentaire à leurs enfants, et la médecine empirique se transmit ainsi de génération en génération.

Dans les petits clans de chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, puis parmi les éleveurs-agriculteurs du Néolithique, des individus compatissants, guérisseurs, chamanes ou devins, se penchèrent sur les membres blessés   ou   les   patients   malades   des   premières communautés humaines.

Puis dès 5000 à 3000 ans av. J.C., dans les premières civilisations antiques de Mésopotamie ou d’Égypte, les maladies   furent   tenues   pour   des   châtiments,   des malédictions infligées aux hommes impies par des dieux vengeurs. Dans les siècles suivants, cette résignation tragique accorda progressivement  une  place  à  une médecine plus rationnelle. Déjà en Chine, vers l 000 av. J.C., la maladie était considérée comme résultant d’un déséquilibre entre les deux forces régissant le inonde : le yin (froid et féminin) et le yang (chaud et masculin). En Grèce, même si les prêtres-servants d’Esculape, dieu de la médecine, prônaient « l’incubation » des malades dans les temples, pour obtenir leur guérison, les disciples d’Hippocrate de Cos créèrent, au IVe siècle av. J.C., la clinique médicale.

De la Grèce antique au XVIIe siècle, tous les médecins du monde soignent les hommes malades avant tout pour préserver leur vie. Et qu’est-ce que la vie ? C’est, depuis l’Antiquité, et pour tous les philosophes du monde : le don d’un dieu. Ce dieu a insufflé aux hommes : une âme (anima chez Aristote), un souffle (prâna) en Inde, une énergie vitale (un Qi) en Chine. Cette « âme » rend vivants les plantes, les animaux  et les hommes ; les minéraux n’ont pas d’âme. Les médecins s’occupent avant tout de bien entretenir la vie des hommes, sains ou malades, toujours munis de leur âme triple : nutritive, sensitive et rationnelle. Voyez Aristote : « La naissance et la mort sont communes à tous les animaux. […] Ce n ‘est pas lorsqu ‘il se trouve dépouillé de son âme que le corps a la puissance de vivre, mais lorsqu ‘il la possède ».

Mais dès la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, quelques  philosophes ont pensé la  vie  d’une tout autre manière. Voyez Jean Baptiste Lamarck :

« Tout corps vivant est inévitablement assujetti à la mort, car le propre même de  la vie […) est d’amener au bout d ‘u n temps quelconque, dans ce  corps, un  état  des organes  qui rend à la fin impossible l’exécution de leurs fonctions et qui, par conséquent, anéantit dans ce même corps la possibilité d’exister. « 

Voyez Georg Wilhelm Friedrich Hegel :

« L’être vivant est toujours en danger, il a toujours au-dedans de lui un terme autre que lui [la mort] 1nais il peut porter cette contradiction. La  vie  est  la  solution  de  cette contradiction. […] La vie en tant que telle porte en elle le germe de la n1ort. […) L’être vivant n’est que ce processus qui se renouvelle sans interruption au-dedans de lui-même. »

Voyez encore Friedrich Engels :

« Dès maintenant, aucune physiologie ne passe pour scientifique qui ne conçoive la mort comme moment essentiel de la vie, qui ne comprenne la négation de la vie comn1e essentiellement contenue dans la vie même ; […] Vivre c’est mourir. »

Et voilà qu’en 1801, sur ces bases philosophiques nouvelles, un jeune médecin de trente et un ans, Xavier Bichat, ose écrire :

« On cherche dans des considérations abstraites la définition de la vie ; on la trouvera, je crois, dans cet aperçu général : la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. « 

Une nouvelle médecine est née. « Perçue par rapport à la mort,  la maladie  devient exhaustivement  lisible, ouverte sans résidu à la dissection souveraine du langage et du regard »

 

Biographie des auteurs
Professeur retraité de biologie cellulaire de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris), Paul Mazliak a dirigé pendant vingt ans le laboratoire de physiologie cellulaire et moléculaire des plantes (associé au CNRS). Docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel, il a publié de nombreux articles scientifiques et ouvrages d’enseignement. Il se consacre désormais à l’histoire des sciences (biologie et médecine).

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