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Alban SUMPF, « Le Vin et les colonies », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 23/10/2022. URL : histoire-image.org/etudes/vin-colonies

L’État aide alors au développement de la viticulture dans le Maghreb. Si le Maroc, et encore plus la Tunisie, consacrent des superficies assez importantes à la vigne, c’est bien en Algérie qu’elles vont progresser le plus : 15 000 hectares en 1878, 110 000 en 1890, 167 000 en 1903 et 396 000 en 1930
Contexte historique
La viticulture dans les colonies d’Afrique du Nord de la fin du XIXe siècle aux années 1930
Les exploitations agricoles du Maghreb connaissent leur âge d’or de la fin du XIXe siècle aux années 1930. Compagnies mettant en valeur de vastes terres, petits et moyens propriétaires (d’abord presque exclusivement des colons, puis de plus en plus d’indigènes), s’adonnent le plus souvent à la monoculture – cultures maraîchères, vergers ou vigne. Les travaux d’assainissement et d’irrigation des terres ainsi que l’amélioration des transports, qui garantissent un acheminement rapide des fruits et légumes frais, conduisent à une forte augmentation des exportations vers la France.
Ce contexte favorable bénéficie en premier lieu à la viticulture. Les découvertes de Pasteur sur la fermentation du vin (années 1850) et sur la manière de réfrigérer les moûts pendant les grosses chaleurs (1867) rendent possible une meilleure vinification. La crise du phylloxéra qui débute en 1864 et anéantit les vignobles de métropole ouvre de nouveaux débouchés aux vins des colonies. L’État aide alors au développement de la viticulture dans le Maghreb. Si le Maroc, et encore plus la Tunisie, consacrent des superficies assez importantes à la vigne, c’est bien en Algérie qu’elles vont progresser le plus : 15 000 hectares en 1878, 110 000 en 1890, 167 000 en 1903 et 396 000 en 1930. Avec près de 20 millions d’hectolitres produits en 1930, soit 45 % de la valeur de ses exportations, l’Algérie devient alors le quatrième producteur mondial de vin.
Analyse des images et interprétation
La vigne, un exemple de l’excellence des produits coloniaux
[Retrouver l’article intégral sur HPI – l’Histoire par l’image]
Les bienfaits de la colonisation illustrés par la viticulture
L’œuvre cherche à convaincre les Français de métropole des bienfaits de la colonisation, ici en matière agricole, et à leur montrer tout ce que les colonies apportent à la France. La profusion des produits locaux prouve la grande fertilité de ces terres lointaines, pour peu qu’elles soient bien exploitées. Au-delà de l’intention « exotique », le fait que ce sont des indigènes qui présentent leur production veut peut-être signifier que, bien formés et bien encadrés, ils sont capables, pour leur prospérité et celle de la métropole, de tout cultiver.
C’est alors le principe même de la colonisation qui viserait à être légitimé, l’abondance de la récolte montrant que la mission civilisatrice exercée par la France et par les colons sur place profite à tous. Les terres « exotiques » ont été domptées pour donner le meilleur d’elles-mêmes. Les indigènes aussi, qui semblent surtout dociles, apaisés, confiants en leur travail et leur avenir (surtout l’homme). Si le regard fier de la femme exprime une sorte d’insoumission, celle-ci procéderait de sa réussite dans le processus agricole et commercial induit par la colonisation plutôt qu’elle ne le contesterait.
La vigne et le vin (comme le blé ou les légumes d’ailleurs) ne sont certes pas des produits exotiques. Mais, véritables fruits d’un réel travail, ils méritent de figurer au tableau d’honneur des richesses agricoles que les colonies apportent à la France, pays de vin par excellence. Peut-être s’agissait-il ici de rassurer les consommateurs et de « répondre » aux viticulteurs métropolitains mécontentés par la concurrence des vins d’Algérie – le secteur connut une grève en 1907 et de nombreuses crises par la suite.