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Cécile SOUCHON et Pierre-Dominique CHEYNET, « La France après les conquêtes révolutionnaires », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 21/10/2022. URL : histoire-image.org/etudes/france-apres-conquetes-revolutionnaires



Les premiers FT sont engagés avec succès à Amiens le 8 août 1918, puis dans différentes contre-offensives alliées, dont la bataille de Champagne de septembre-octobre 1918. L’utilisation repensée de ces chars d’assaut modernes apparaît comme l’un des facteurs de la victoire finale
Contexte historique
Les chars Renault FT dans la Grande Guerre
Le 15 septembre 1916, les Britanniques utilisent pour la première fois des chars d’assaut dans l’offensive de la Somme. Conçus comme une arme autonome, leurs Mark I, très lourds (28 tonnes) et très lents, sont envoyés en éclaireurs pour opérer des percées dans les lignes ennemies. En France, les chars Schneider, puis Saint-Chamond sont réalisés sur le même modèle en 1916 et 1917. Devant leurs résultats mitigés dans les opérations militaires, l’état-major français, notamment le colonel Estienne, repense le char d’assaut : il doit pouvoir accompagner les mouvements de l’infanterie et, pour cela, être plus léger, plus rapide et disponible en plus grand nombre.
Renault relève le défi, et, en juillet 1917, le prototype du FT est achevé. Pesant de 6 à 7 tonnes, beaucoup plus petit, plus rapide (il peut aller jusqu’à 8 km/h) et plus mobile que ses prédécesseurs, il peut être considéré comme le premier char moderne de l’histoire. Sa production en série est par ailleurs plus aisée et moins coûteuse : les usines Renault en construisent 10 en 1917 (d’où « FT 17 ») et 1 750 en 1918 (et près de 3 000 en tout avec la collaboration d’autres fabricants). De leur côté, les Allemands ne croient pas à cette arme que, par ailleurs, ils n’ont pas forcément les moyens de produire.
Les premiers FT sont engagés avec succès à Amiens le 8 août 1918, puis dans différentes contre-offensives alliées, dont la bataille de Champagne de septembre-octobre 1918. L’utilisation repensée de ces chars d’assaut modernes apparaît comme l’un des facteurs de la victoire finale.
Analyse des images
Le FT : détails techniques et mise en situation
Pris de très près, le cliché Char Renault FT 17 traduit la puissance de cet engin d’acier, long de 4,1 mètres, haut de 2,14 mètres, large de 1,73 mètre, lourd de 7 tonnes et doté d’un moteur de 35 chevaux. Peint en vert kaki tirant sur le brun pour plus de discrétion, il se caractérise par ses canons mitrailleurs de 37 mm, pointés vers le spectateur, montés sur une tourelle capable de pivoter sur 360°. En bas de l’engin on peut lire le numéro 3523.
Une colonne de chars Renault FT 17 camouflés représente le FT en action. Arrêtés en bon ordre sur un chemin de terre bordé d’arbres, les engins apportent à l’image une puissante ligne de fuite centrale. Au premier plan, des branchages qui ont servi ou vont servir à camoufler les chars, déjà peints (parfois par des artistes peintres) de taches brunes pour se soustraire aux yeux de l’ennemi, notamment lors des attaques aériennes. Le cliché ne montre que quatre hommes : deux mécaniciens (leurs costumes ne sont pas des uniformes) qui s’affairent parmi les machines, un soldat dont le casque apparaît derrière eux sur la droite, et un autre soldat près du troisième char de la file.
Groupe de tanks Renault montant en ligne est une photographie réalisée par Émile Le Play, né en 1875 et auteur de nombreux clichés de batailles de la Grande Guerre. Elle montre des chars FT à l’arrêt sur une large route bordée de grands arbres, dans la plaine de Champagne. Chacun porte le symbole (trèfle ou carreau, etc.) de la compagnie à laquelle il appartient. La file d’engins, qui semble devoir sortir du cadre à gauche, trace une diagonale qui structure fortement l’image. Au premier plan, la route, sur laquelle deux hommes discutent. À l’arrière-plan apparaissent les vastes champs ouverts et plats caractéristiques de la région.
Interprétation
Le FT, une arme moderne et décisive
Les images du FT donnent l’impression d’une arme redoutable. Dans Char Renault FT 17, l’engin, ramassé et compact, semble paré pour le combat et impossible à arrêter. Symbole d’une guerre où les succès dépendent des progrès techniques et de la capacité du pays à mobiliser l’industrie et la technologie pour produire et inventer, en cours de conflit, de nouvelles armes répondant à une situation (ici, les impasses de la guerre de tranchées, et les premières expériences de blindés). Ce que confirment Une colonne de chars Renault FT 17 camouflés et Groupe de tanks Renault montant en ligne, où les engins, alignés en nombre indéterminé, suggèrent une organisation parfaite et, surtout, l’idée qu’ils avanceront inexorablement quand ils reprendront leur progression. L’image, probablement publiée par la presse, remplit par là pleinement son rôle d’outil de propagande : la victoire est en marche.
Dans les faits, la contre-offensive alliée qui débute à l’été 1918 confirme cette impression. Les plaines de la Champagne permettent aux FT de déployer tout leur potentiel. La guerre jusque-là assez peu mobile évolue ainsi vers une guerre de mouvement plus rapide, préfiguratrice de la guerre moderne.
Une modernité multiforme, symbolisée et permise par ces chars. D’une part, une guerre plus technique, où les véhicules jouent un rôle croissant de même que les mécaniciens chargés d’assurer leur bon fonctionnement. D’autre part, une guerre où la coordination entre les armes devient essentielle. Répondant à la menace de l’aviation ennemie, les chars constituent aussi le meilleur moyen d’accompagner l’infanterie dans des attaques surprises plus rapides et plus décisives.


