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Alain GALOIN, « La guerre de Vendée », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 21/10/2022. URL : histoire-image.org/etudes/guerre-vendee-0

L’élément déclencheur de l’insurrection vendéenne est sans nul doute la levée en masse de 300 000 hommes décrétée par la Convention girondine le 23 février 1793
Contexte historique
L’Ouest catholique et royaliste manifeste très tôt une vive opposition aux bouleversements créés par les événements révolutionnaires de 1789. La Constitution civile du clergé, adoptée par l’Assemblée constituante le 12 juillet 1790, suscite une franche hostilité en Bretagne et en Vendée : plus de 80 % des prêtres refusent de jurer fidélité à leur nouveau statut, et l’arrestation de nombre de ces prêtres réfractaires aggrave les tensions. Les prêtres assermentés étant trop peu nombreux, beaucoup de paroisses restent sans curé, et l’exercice du culte prend un caractère clandestin.
Dans ces provinces essentiellement rurales, la population souffre du renchérissement des denrées, qui contribue à la recrudescence de la misère. En effet, en février 1793, les assignats ont déjà perdu la moitié de leur valeur, et l’écart entre le coût de la vie et la rémunération du travail s’est considérablement creusé. À l’inverse, les bourgeois des villes et des gros bourgs se sont beaucoup enrichis dans le commerce des assignats. Composée de négociants, de juges, d’avocats, de fonctionnaires de l’État et de propriétaires, cette bourgeoisie hétéroclite détient le pouvoir économique et politique et, dans l’ensemble, a adhéré aux idées de la Révolution. Les paysans bretons et vendéens sont beaucoup plus hostiles à ces patriotes nouveaux riches qu’à leurs anciens seigneurs.
L’élément déclencheur de l’insurrection vendéenne est sans nul doute la levée en masse de 300 000 hommes décrétée par la Convention girondine le 23 février 1793. Ce décret exempte de l’enrôlement dans l’armée tous les fonctionnaires et les membres de la garde nationale qui sont mobilisés sur place. La plupart des recrues virtuelles sont opposées à la conscription, et la majorité des Vendéens passe ainsi à la rébellion ouverte. Les massacres de Machecoul, qui se déroulent à partir du 11 mars 1793, sont l’un des tout premiers épisodes sanglants de cette guerre de Vendée.
Analyse des images
Élève de son père – le graveur et peintre Léopold Flameng (1831-1911) – avant d’être celui d’Alexandre Cabanel (1823-1889), d’Edmond Hédouin (1820-1889) et de Jean-Paul Laurens (1838-1921), François Flameng (1856-1923) est à la fois portraitiste, paysagiste, illustrateur, graveur et peintre d’histoire. Il reçoit des commandes de scènes historiques de la part de l’État pour décorer des bâtiments officiels, comme l’Assemblée nationale par exemple. La toile Les Massacres de Machecoul appartient à cette veine historique.
La scène se déroule dans les douves du vieux château de Machecoul où les insurgés avaient emprisonné les patriotes. Au premier plan à gauche, des victimes gisent en nombre au pied des hautes murailles : un sans-culotte, aisément identifiable à son pantalon rayé, une femme à la poitrine découverte, couchée sur le flanc à côté d’un enfant. Attaché à un arbre, un homme à la chevelure grisonnante dont seuls les liens retiennent le buste dénudé. Une large tache de sang macule ses vêtements à la hauteur du bassin. Probablement s’agit-il du curé constitutionnel Le Tort, percé de plusieurs coups de baïonnette par les insurgés, dont de nombreux documents affirment qu’« une femme lui ôta sa qualité d’homme ». À droite, l’un des chefs de l’insurrection, François de Charrette, se promène sur le théâtre de ces exécutions sommaires. Il est accompagné de trois élégantes aristocrates. Deux d’entre elles se penchent pour observer les cadavres avec curiosité. La troisième a un geste de recul. À droite, un insurgé armé d’un fusil arbore une cocarde blanche à son chapeau et tient un chien en laisse. À l’arrière-plan, les silhouettes d’un groupe d’hommes en armes se détachent devant des chaumières incendiées.
Interprétation
Ces jacqueries paysannes prennent bientôt la forme d’un mouvement contre-révolutionnaire explicitement royaliste et catholique
Située non loin de Nantes, capitale historique du pays de Retz, Machecoul est en 1793 une petite ville active de 3 600 habitants, connue pour la prospérité de son commerce de grains et de farines. À la bourgeoisie négociante se mêlent de nombreux fonctionnaires attirés par cette bourgade devenue chef-lieu de district. La population y est plutôt favorable à la république, mais sans excès. Le maintien de l’ordre y est assuré par trois brigades de gendarmerie et 1 140 gardes nationaux.
À partir du dimanche 10 mars 1793, les campagnes environnantes se soulèvent, et quelque 6 000 paysans décident de marcher sur Machecoul, qui représente pour eux la puissance administrative, le siège de la commission de recrutement, la force républicaine et, surtout, la bourgeoisie aisée qui s’est enrichie à la faveur des réformes. Ils entendent protester contre la conscription qui les frappe, mais la manifestation tourne à l’émeute, au carnage et au pillage, et la garde nationale est rapidement débordée. Les insurgés emprisonnent les républicains dans le château partiellement en ruines et dans le couvent des Calvairiennes. Un « Comité royal » est bientôt créé, dans lequel siègent de petits nobles locaux dont François de Charrette. Les prisonniers comparaissent liés deux par deux, constituant ainsi les « chapelets de Machecoul ». Après un jugement sommaire, ils sont fusillés au bord du fossé le long duquel ils ont dû s’agenouiller. 552 hommes, femmes et enfants sont ainsi assassinés.
Le carnage ne cesse que le lundi 22 avril, lorsque les troupes républicaines du général Beysser reprennent la ville. Les massacres de Machecoul, ceux de Noirmoutier, vont cependant faire tache d’huile. Ces jacqueries paysannes prennent bientôt la forme d’un mouvement contre-révolutionnaire explicitement royaliste et catholique, sous l’impulsion de hobereaux tels que Charrette, d’Elbée, Lescure ou La Rochejaquelein, ou de roturiers comme Stofflet ou Cathelineau, qui récupèrent la révolte paysanne. Dans ces régions de bocage propices à la guérilla, les Vendéens tiennent le plus souvent en échec les troupes républicaines. L’insurrection vendéenne ne rendra les armes qu’après plusieurs années d’une inexpiable guerre civile, jalonnée de violences et d’exactions réciproques.