source : https://journals.openedition.org/crcv/19361

Łukasz Mikołaj Sadowski, « L’historicisme français dans l’architecture en Pologne (v. 1870- 1914) : une mode ou un substitut au style national ? », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne],  | 2021, mis en ligne le 26 avril 2021, consulté le 01 octobre 2022

Cet article a été traduit du polonais par Magdalena Kotowska et revu par les directeurs de publication, Maciej Forycki, Katarzyna Kula et Flavie Leroux.

L’invraisemblable carrière du style français dans l’architecture mondiale de l’époque est un indicateur de sa popularité. Malgré une rivalité politique ancestrale, on le retrouve même sur les îles Britanniques


Résumé

À partir de la seconde moitié du xviie siècle, l’architecture française a été une source d’inspiration pour des résidences dans toute l’Europe, y compris en Pologne. Notamment au xviiie siècle, le modèle du château de Versailles, avec son schéma « entre cour et jardin », devient dominant. Pour l’élite polonaise, l’imitation de l’architecture française est une question de mode, de stature sociale et de cosmopolitisme jusqu’au milieu du xixe siècle. Outre l’aristocratie, le ziemiaństwo (la noblesse terrienne) et la haute bourgeoisie construisent aussi souvent leurs résidences « à la française ». L’on retrouve la même tendance partout dans le monde : en Allemagne (Bavière), au Royaume-Uni, en Autriche, en Russie et même aux États-Unis. Cependant, après 1870 en Pologne, le style français prend un sens supplémentaire : il s’impose progressivement comme un substitut au style national, alors que le pays tombe sous le joug étranger. Ainsi le style Henri IV, Louis XIII ou celui du Grand Siècle deviennent un manifeste politique, une démonstration de soutien à la France – alliée historique de la Pologne – contre la domination de la Prusse. Dans les territoires occupés par la Russie ou l’Autriche, il s’agit plutôt d’une déclaration d’européanité et de cosmopolitisme. Cette situation a duré jusqu’à la renaissance du style national polonais, au début du xxe siècle.

L’historicisme français dans l’architecture en Pologne (v. 1870- 1914) : une mode ou un substitut au style national ?

EXTRAITS

INTRODUCTION

Les modèles résidentiels français ont considérablement influencé le développement de l’architecture dans le monde entier

Les modèles résidentiels français ont considérablement influencé le développement de l’architecture dans le monde entier. Jusqu’à la seconde moitié du xixe siècle et après de nombreuses résidences en Allemagne, en Angleterre, en Italie, ils ont atteint les colonies et les pays en dehors de l’Europe. En Pologne, ils ont joué un rôle particulier, aussi bien dans la seconde moitié du xixe qu’au début du xxe siècle. Dans la terminologie polonaise architectonique contemporaine, il existe même le terme de « costume français » (« kostium francuski »), introduit par le professeur Tadeusz Stefan Jaroszewski pour qualifier les bâtiments construits à cette époque et dont le style était inspiré par les précurseurs français. Cependant, même si cette tendance avait de nombreux équivalents dans le monde, elle était sûrement davantage qu’un simple « costume » sur le territoire polonais.

Presque immédiatement après la construction du château de Versailles et l’installation sur place du centre de pouvoir par Louis XIV, le schéma de la résidence « entre cour et jardin » devint à la mode, et pas seulement en France. Il fut reproduit dans pratiquement toute l’Europe, faisant de Versailles une résidence-modèle pour les plus puissants monarques (les palais russes Peterhof et Tsarskoïe Selo, le palais autrichien Schönbrunn, le palais espagnol La Granja), mais aussi pour des souverains plus modestes (Turin, Queluz, Würzburg) et de riches aristocrates (Blenheim). Dans la République polono-lituanienne, cette tendance se manifesta assez tôt, dès le début du règne du Roi-Soleil en France. Jusqu’alors, c’étaient plutôt les influences architecturales italiennes et néerlandaises qui dominaient. Quant à l’artisanat, à la mode, à l’armement « des Sarmates » – comme s’appelaient, eux-mêmes, les Polonais de ce temps-là –, il s’y dégageait plutôt une fascination croissante pour l’Orient, et avant tout pour l’art turc.

Malgré son attachement à l’idéologie sarmate, le roi de Pologne Jean III Sobieski fut grandement influencé par la culture française. Aussi, dans les années 1681-1696, transforma-t-il sa résidence près de Varsovie – Wilanów (Villa Nova) – en palais, situé précisément sur un axe entre cour d’honneur et jardin, comme c’était le cas à Versailles ou à Vaux-le-Vicomte. En dépit du caractère italien (romain) de son architecture, l’agencement du lieu faisait clairement référence à ses originaux français. L’une des plus importantes réalisations se rapportant au même schéma était le palais et les jardins de Saxe, commandés par le roi de Pologne suivant, Auguste II, au début du xviiie siècle. Cette fois-ci, toute la réalisation se trouvait pratiquement au centre de Varsovie, orientée vers l’ouest sur un axe qui devait en principe compter environ 1 600 mètres de longueur.

Peu après, suivant l’exemple de leur monarque, plusieurs magnats polonais commencèrent à faire construire des résidences similaires : le palais de Sanguszko et ensuite celui de Brühl à Varsovie, les châteaux de Choroszcz, de Radzyń Podlaski, de Krystynopol, de Wolbórz, de Nieborów et de Narol (entre autres). Le palais de Białystok, reconstruit durant la première moitié du xviiie siècle pour Jan Klemens Branicki, était parmi les plus splendides de ces résidences provinciales, « un grand ensemble monumental palais-jardin dans le style du baroque tardif avec des cours, des galeries et des corps de bâtiments annexes », appelé « Versailles de Podlasie » (« Wersal Podlasia ») ou « Versailles du Nord » (« Wersal Północy »). Au cours du xviiie siècle, une douzaine de résidences virent ainsi le jour. Comme l’écrivait Łoziński en 1921 – propos repris et propagé par Ciołek en 1978 –, il s’agissait de « résidences splendides […], comme si une baguette magique les avait déplacées, déjà toutes prêtes, sur la terre polonaise, directement depuis la patrie des ducs italiens et des marquis français », d’autant plus que cela contrastait avec le paysage de la province polonaise du xviiie siècle, où dominaient encore les constructions en bois.

Outre les contacts architectoniques, les contacts politiques ont également joué un rôle fondamental. Dans les yeux de la société polonaise, la France était un allié naturel car partageant les mêmes ennemis – la Prusse, l’Autriche et (plus rarement) la Russie. En 1795, la Pologne perdit son indépendance et fit l’objet d’un troisième et dernier partage : elle fut alors placée sous le joug des puissances voisines (la Russie, la Prusse et l’Autriche). Suite à ces événements, Paris devint pour de nombreux immigrants politiques polonais un lieu de séjour et de rassemblement privilégié. Mais la conviction d’une particularité des contacts franco-polonais se consolida surtout suite à l’épopée napoléonienne, à laquelle des formations militaires polonaises avaient participé activement. Tout cela contribua à la popularité de la France, d’autant plus qu’en 1807, Napoléon Ier rétablit un État polonais sous le nom de duché de Varsovie (définitivement éteint en 1815 suite à la défaite face aux Russes et au nouvel ordre établi lors du Congrès de Vienne). L’architecture résidentielle née sur le territoire de la Pologne durant une grande partie du xixe siècle peut ainsi être qualifiée de « cosmopolite » plutôt que de seulement « française ». Mais la situation changea avec l’apparition et la popularisation des styles nationaux, qui font référence à la tradition architecturale vernaculaire des pays d’Europe occidentale.

Nous nous proposons d’examiner ici cette question, en nous focalisant sur les influences françaises, notamment versaillaises, ayant eu cours dans le domaine de l’architecture. En prenant pour exemple des cas d’étude illustrant ces transferts, nous nous interrogerons sur ce phénomène que l’on ne peut qualifier de plates imitations, mais d’inspirations – aux composantes d’ailleurs multiples. Nous reviendrons ainsi, d’abord, sur les spécificités de l’architecture dite nationale en France, au xixe siècle, avant d’en observer les effets, ailleurs dans le monde et, plus spécifiquement, en Pologne jusqu’au début du xxe siècle.


L’architecture « nationale » en France au xixe siècle

https://journals.openedition.org/crcv/19361#tocto1n2


La réception de l’architecture française dans le monde au milieu du xixe et au début du xxe siècle

L’invraisemblable carrière du style français dans l’architecture mondiale de l’époque est un indicateur de sa popularité. Malgré une rivalité politique ancestrale, on le retrouve même sur les îles Britanniques

Le type d’architecture créé en métropole était ensuite repris dans les colonies. Cela concernait en principe tout un vaste territoire que la France possédait à l’époque. Par conséquent, villes et centres administratifs furent fondés selon le modèle parisien, dont les exemples les plus spectaculaires se trouvent en Afrique du Nord ou en Indochine. Les formes étaient éclectiques : ainsi, l’hôtel de ville d’Annaba en Algérie (anciennement Bône) est marqué par un style néo-Renaissance, tandis que le néo-baroque dominait à l’opéra de Hanoï ou bien à l’hôtel de ville de Saïgon (Hô Chi Minh-Ville).

L’invraisemblable carrière du style français dans l’architecture mondiale de l’époque est un indicateur de sa popularité. Malgré une rivalité politique ancestrale, on le retrouve même sur les îles Britanniques. En 1863, Prosper Mérimée écrivait de Londres à Eugène Viollet-le-Duc que se construisaient là beaucoup d’hôtels gigantesques « dans le goût du Louvre ». Il s’agissait plutôt d’un mélange du style indigène, néogothique victorien, avec de hauts toits convexes « à la française », appelés mansardes. La terminologie anglo-saxonne contemporaine faisait explicitement référence au modèle, définissant ce style comme « Second Empire ». Les résidences construites à l’époque en province s’inspiraient encore davantage de l’architecture française. Parmi les plus spectaculaires, Waddeson Manor et Halton au comté de Buckingham, commandées par la famille Rothschild. Le goût pour le luxe et la richesse de décorations sont autant de références à l’ancienne architecture royale, particulièrement appréciées par la famille de banquiers qui venait d’être anoblie. Le fait que leurs résidences autrichiennes (hôtel situé rue Heugasse à Vienne et palais à Reichenau) possédaient des traits similaires confirme parfaitement cette inspiration.

La renommée des modèles français dans les pays germaniques était un phénomène spécifique

La renommée des modèles français dans les pays germaniques était un phénomène spécifique. En dehors des exemples déjà mentionnés et des fondations spectaculaires en Autriche, c’est surtout en Bavière qu’on les retrouve. Après Neuschwanstein, le palais fantasmagorique, Louis II de Bavière désirait un château inspiré de Versailles mais dépassant encore le modèle. Sur une île du lac de Chiemsee, il fit ainsi construire Herrenchiemse qui était une interprétation certes inachevée mais monumentale de la résidence du Roi-Soleil. Le style français devenait également à la mode dans le milieu des aristocrates prussiens. Il est vrai que, le plus souvent, ils s’inspiraient du néogothique ou de la néo-Renaissance mêlés aux traditions locales. Néanmoins, la France suscitait une véritable fascination, en dépit de son hostilité sur le plan politique. L’on retrouve ainsi son influence dans plusieurs résidences de grande importance au royaume de Prusse (y compris sur les territoires polonais acquis lors des partages). La reconstruction de celle des princes von Pless à Pszczyna (Pless) en est un illustre exemple : elle a été conçue par l’architecte français Hyppolyte Destailleur, également à l’origine des projets déjà mentionnés commandés par les Rothschild en Angleterre et en Autriche. Une décoration en brique et pierre était ainsi apposée sur les murs des châteaux anciens, tandis que l’on couvrait l’ensemble avec de hautes mansardes. On transformait aussi les intérieurs en leur attribuant un caractère solennel. Les matériaux utilisés et les riches éléments de décor intérieur, de même que le luxueux mobilier, étaient amenés de Paris.

Le palais Neudeck (aujourd’hui Świerklaniec) – résidence d’aristocrates silésiens – avait un caractère complètement différent dans le sens où il fut créé ex nihilo. Sa construction fut ordonnée par le comte Gwidon Henkel von Donnersmarck, qui connaissait très bien Paris, l’art et la culture française. Il avait même épousé en premières noces Esther Lachmann, dite « la Païva » – fameuse courtisanne parisienne de l’époque du Second Empire. Après la fin de l’occupation prussienne de Paris (dans laquelle le comte joua d’ailleurs un rôle proéminent), le couple décida de déménager à la région frontalière de l’Allemagne et d’y reconstruire son univers français avec le palais de Świerklaniec. Ce projet était pour le comte une sorte de revanche vis-à-vis de l’ennemi vaincu : la construction, commencée au début des années 1870, mit à contribution des prisonniers de guerre français et des fonds provenant des réparations de guerre françaises. Plusieurs auteurs du projet étaient également français, notamment Hector Lefuel pour l’architecture et Emmanuel Frémiet pour la sculpture. L’ensemble faisait référence au pavillon de chasse de Louis XIII à Versailles et au château de Pontchartrain.

La mode de l’architecture française se répandit au-delà des colonies et de l’Europe

La mode de l’architecture française se répandit au-delà des colonies et de l’Europe. La maison de Smirnov à Sokolniki (près de Moscou) et le domaine Poduschkino en gouvernorat moscovite en sont les exemples les plus connus pour la Russie. De l’autre côté du globe, aux États-Unis, l’on retrouve également des imitations plus ou moins fidèles de l’architecture française, réalisées à l’initiative de ploutocrates. Le château de Biltmore près d’Ashville en Caroline du Nord en est un exemple célèbre, particulièrement représentatif de l’architecture dite « châteauesque ». Il faisait référence aux châteaux de la Loire et comportait en son pavillon central une réplique de l’escalier du château de Blois. Les influences françaises étaient également très visibles dans les édifices publics tels que le War and Navy Department (connu à présent sous le nom de Bureau exécutif d’Eisenhower) à Washington, les hôtels de ville à Boston et Philadelphie, ou encore le Bureau de poste principal (General Post Office Building) à New York. L’on retrouve également dans cette dernière ville d’autres bâtiments dans le style des châteaux français, notamment sur la Cinquième Avenue. Ces constructions s’inspirent de différents styles associés à la France, appelés dans la terminologie américaine contemporaine « Second Empire », « châteauesque », « Beaux-Arts » ou « Éclectisme Français » (French Ecclectic). L’un des transferts les plus spectaculaires de l’architecture française dans le Nouveau Monde est l’urbanisation de Buenos Aires. Vers la fin du xixe et au début du xxe siècle, la ville devint une réplique architectonique de Paris. Des immeubles provenant du début du siècle passé, mais aussi des hôtels particuliers comme la résidence de Juan A. Fernandez ou encore le Palacio Paz, incarnent cette fascination exercée par la France sur l’Amérique du Sud. Au même moment (1899-1909), un impressionnant palais commandé par l’héritier du trône japonais fut construit dans le quartier d’Akasaka à Tokyo. Il s’inspirait notamment du château de Versailles et de l’aile est du Louvre. On peut aussi discerner des éléments français dans les bâtiments du Musée national (1908) et de la gare principale de Tokyo (1914). Cependant, l’un des exemples les plus classiques – et les plus tardifs (1922) – de la réception du pavillon de Louis XIII se trouve à Shanghaï, avec une villa construite dans le style néo-Renaissance sur le terrain d’une ancienne concession française.

Nous avons cité ici les plus importants et probablement les plus connus des cas où l’architecture française a servi de source d’inspiration. Il y en a néanmoins beaucoup d’autres, dans les colonies et concessions britanniques et allemandes, mais aussi dans le royaume de Siam (Thaïlande) ou dans les pays d’Amérique latine. Ce phénomène est la preuve directe d’une expansion culturelle française qui touche le monde entier, en particulier entre 1865 (pour l’Europe, 1880 pour le reste du globe) et 1914, bien que – comme nous l’avons évoqué – des exemples peuvent encore être trouvés après la Première Guerre mondiale.


Le « costume français » des résidences polonaises 

Lire sur openedition : https://journals.openedition.org/crcv/19361#tocto1n4

Lire sur Traces de France : 
https://tracesdefrance.fr/2022/10/01/le-costume-francais-des-residences-polonaises-openedition-journals/


 

Conclusion

La diffusion du style français dans l’architecture mondiale est un phénomène sans précédent : il embrasse presque tous les territoires touchés par l’architecture européenne, y compris au-delà du Vieux Monde

La diffusion du style français dans l’architecture mondiale est un phénomène sans précédent : il embrasse presque tous les territoires touchés par l’architecture européenne, y compris au-delà du Vieux Monde. Le style français devient ainsi une mode globale qui d’un côté associe la modernité et le confort parisien de l’époque, et d’un autre côté fait référence à l’architecture historique, dans toutes ses nuances. Cosmopolite, adopté aussi bien par des aristocrates que par des plutocrates y compris à l’autre bout du globe, il incarne un exemple vivant de la domination culturelle exercée par la France dans la seconde moitié du xixe siècle. Ce style ne s’inspire cependant pas uniquement de Versailles. Plusieurs châteaux polonais de la seconde moitié du xixe et du début du xxe ont certes repris le plan entre cour et jardin, mais celui-ci était typique des résidences européennes depuis la seconde moitié du xviie siècle. Dans leurs élévations, les décors faisaient davantage référence aux styles d’Henri IV et de Louis XIII qu’à celui de Louis XIV. Ce dernier ne convenait qu’aux bâtiments les plus prestigieux, notamment les palais des plus grands magnats, dans une perspective aussi idéologique et politique (le château de Gołuchów) qu’architecturale (la chapelle du palais de Kozłówka).

Les territoires polonais s’inscrivent donc dans ce courant global s’inspirant des styles français. Il faut néanmoins noter la situation spécifique de ce pays qui n’existait pas formellement, tout en attirant l’attention sur l’idée d’« architecture parlante », très populaire à partir du xviiie siècle. Selon cette idée, l’architecture s’adressait à un (ou plusieurs) destinataires et délivrait un message, d’où le choix du style français en Pologne qui permettait aux aristocrates d’affirmer leur pouvoir et leur statut (Łańcut, Kozłówka). Le palais de la famille Potocki à Lviv était quant à lui un exemple typique de résidence institutionnelle, destinée au gouverneur polonais représentant la monarchie austro-hongroise. Le palais de Gołuchów se voulait une future résidence pour le roi de Pologne dans le style ancien. Cela était d’une importance particulière surtout en Grande-Pologne (Wielkopolska), cette partie du pays sous dépendance prussienne à l’époque.

L’architecture polonaise n’a donc pas réussi à créer son propre style national avant le début du xxe siècle, en raison de la situation politique et des restrictions liberticides. Au bord de la Warta, de la Vistule ou du Niémen, l’on s’inspirait alors des styles nationaux qui avaient vu le jour dans les pays indépendants d’Europe occidentale, au début du xixe siècle. En Pologne, les premières tentatives eurent lieu dans les années 1890 avec le style dit de Zakopane, qui mettait l’accent sur les spécificités locales mais suscitait peu d’enthousiasme. C’est seulement dans les premières décennies du xxe siècle qu’un style national, familier, se distingua véritablement, faisant référence à la tradition architectonique polonaise d’autrefois. Il se développa surtout après que la Pologne eut recouvré son indépendance, en 1918, et devint ensuite le style en vigueur, celui des édifices officiels et des administrations étatiques. Cette chronologie étaye notre hypothèse selon laquelle la popularité de l’architecture française sur les territoires polonais avait le caractère d’un manifeste politique. Gołuchów, déjà cité, en est un parfait exemple, mais la situation des autres résidences est analogue. Ainsi du palais de Posadów qui, à l’extérieur, était conçu dans un style français et, à l’intérieur, était rempli de curiosités, de reliques et d’objets rappelant l’époque de la grandeur de la République de Pologne. Dans ce cas précis, l’aspect français avait surtout une valeur décorative et constituait donc une sorte de coquille abritant des intérieurs plutôt dans le style sarmate.

Compte tenu de la diversité des créations architecturales de l’époque, le style français s’inscrit dans un effet de mode. Mais si l’on considère la spécificité des contextes locaux, il apparaît également comme une manifestation de la recherche d’un style propre qui pouvait se substituer au style national, en particulier pour des nations comme la Pologne privées du statut d’État.

Auteur
Łukasz Mikołaj Sadowski
Docteur en histoire de l’art, Łukasz Mikołaj Sadowski est enseignant à l’Académie des beaux-arts de Łódź et directeur de l’Institut de théorie et d’histoire de l’art. Depuis 2012, il est président de la Société des historiens de l’art à Łódź. Il est également membre de l’Institut polonais d’études sur l’art mondial à Varsovie et de l’Association des amis des armes et uniformes anciens à Cracovie. Il a publié sa thèse sur les influences françaises dans l’architecture de l’aristocratie et de la noblesse polonaises. Il est également l’auteur d’articles en polonais, anglais, russe et traduits en chinois sur l’architecture occidentale en Extrême-Orient. En 2009, il a obtenu une bourse de l’Académie polonaise des sciences en Chine (Beijing, Harbin). Il est également auteur de sculptures et reliefs architecturaux à petite échelle.

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