Françoise ARMENGAUD, « MERSENNE MARIN – (1588-1648) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 10 septembre 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/marin-mersenne/
Première page
Philosophe et religieux français, Mersenne est l’une des figures les plus influentes de la révolution scientifique du XVIIe siècle, au sein de laquelle, sans être proprement homme de science, il a joué un rôle considérable de témoin et d’animateur. Né à Oizé, près de La Flèche, il fit ses études au collège jésuite de cette ville, un peu avant Descartes, de huit ans plus jeune que lui ; il entra dans l’ordre des Minimes en 1611, enseigna la philosophie à Nevers et, en 1619, rejoignit Paris, où, jusqu’à sa mort, sa cellule du couvent de la place Royale, fut l’un des centres de l’activité philosophique et scientifique européenne, centre qui a préparé l’Académie des sciences, fondée en 1666. Mersenne est, en effet, d’abord connu pour avoir été « le secrétaire de l’Europe savante », le correspondant de Descartes, Galilée, Constantin et Christiaan Huygens, Fermat, Torricelli, Gassendi, Hobbes, Crusius. Traducteur et éditeur, de manière paraphrastique, des Mécaniques de Galilée (en 1634, au lendemain du procès de Rome) et des Nouvelles Pensées de Galilée (en 1639, un an après la parution à Leyde des Discorsi), il a aussi fait imprimer à Paris la première édition des Méditations de Descartes et rassemblé les Objections que celui-ci lui demandait d’y joindre. Mais parfois, il prit lui-même la plume pour les rédiger, ce qui prouve que sa pensée n’était pas un simple reflet de celle de son ami Descartes ; l’empirisme et l’esprit positif, en effet, l’emportaient à ses yeux sur la métaphysique. Mersenne, d’autre part, s’est fait l’éditeur de plusieurs ouvrages de ses amis, tels Roberval, Hobbes (De Cive), La Mothe Le Vayer, Fermat.
La spécialité de Mersenne était la musique théorique. Il publie, après quelques essais, deux gros volumes intitulés De l’harmonie universelle (1636), où il traite de toutes les questions physiques et mathématiques intéressant les instruments et la voix. Mais il s’intéresse, par-delà les publications qu’il consacre à ce savant, aux divers travaux de Galilée, reprenant parfois ses expériences et les précisant. D’un voyage en Italie, en 1645, il rapporte l’expérience barométrique, dont Pascal poussera jusqu’à leur perfection les résultats théoriques. Son nom est lié, d’autre part, au problème de la cycloïde, sur lequel il lance Roberval en 1630 et dont il est le premier à mentionner la notion en marge de L’Harmonie universelle.
Son intérêt allait à toutes les questions philosophiques et scientifiques de son temps et, s’il n’a pas été un philosophe de premier plan, dit Robert Lenoble dans l’ouvrage qu’il lui a consacré (Mersenne ou la Naissance du mécanisme, Paris, 1943), il est représentatif du public cultivé de l’époque : « Son itinéraire philosophique est celui de toute la génération qui quitte la scolastique pour le mécanisme. » On trouve chez lui une critique virulente des fausses sciences (alchimie, sorcellerie) et des penseurs naturalistes de la Renaissance, ceux qui croient à l’astrologie et à l’Ame du monde (les « panpsychistes » et les animistes) : Pomponazzi, Cardan, Paracelse. Contre la confusion de la Nature et de l’Esprit, la scolastique avec sa physique dépassée est désormais impuissante, seul le mécanisme permet une distinction nette en même temps qu’une défense efficace contre les libertins. C’est ce qu’expriment deux des principales œuvres de Mersenne : L’Impiété des déistes, athées et libertins de ce temps, combattue et renversée de point en point par des raisons tirées de la philosophie et de la théologie, 1624 ; La Vérité des sciences contre les sceptiques et les pyrrhoniens, 1625. Les amis de Mersenne sont ceux qui tirent la pensée de l’ornière du panpsychisme — Descartes, Gassendi, Roberval, Pascal, Hobbes — et qui élaborent la physique nouvelle comme science des phénomènes, totalement distincte de la pensée magique. Comme le nota plus tard Léon Brunschvicg, la prise en considération du principe d’inertie permet d’appeler « science ce qui est science, et âme ce qui est âme ». Dès 1634, Mersenne formule les règles de la nouvelle méthode : rejet du principe d’autorité, recours à l’expérimentation, mathématisation de la nature, « volonté de faire du monde une immense horloge sans intention propre et sans âme ». Il est tout à fait remarquable qu’il n’accepte pas cependant la métaphy […]
Écrit par :
Françoise ARMENGAUD : agrégée de l’Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l’université de Rennes