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Par Justyna Bajda, «Les influences culturelles françaises sur la culture polonaise de la fin du XIXe siècle», Revue du Centre Européen d’Etudes Slaves [En ligne], Rayonnement culturel français dans les pays de l’Europe centrale et orientale, Numéro 3, La revue, mis à jour le : 01/12/2021, URL : https://etudesslaves.edel.univ-poitiers.fr:443/etudesslaves/index.php?id=619.

Résumé
L’article touche la problématique des influences culturelles primordiales sur la culture polonaise de la fin du XIXe siècle. La Belle Époque fut une période historique et culturelle importante pour toute l’Europe. Les progrès dans les diverses sphères de la vie : économique, technologique et industrielle, ont également influencé le développement de la culture et de la civilisation française. Afin de montrer l’emprise de la culture française sur les différents domaines de la vie en Pologne, nous proposons d’analyser ses empreintes dans les domaines de la littérature, de l’art et de la langue.


Table des matières
Introduction
1. La littérature
2. Les magazines
3. Les Beaux-arts
4. La langue
5. Conclusion


Introduction

La Belle Époque, une période historique et culturelle située entre la fin de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et la Première guerre mondiale, fut très importante pour toute l’Europe. Pendant presque cinq décennies de paix, les sociétés bourgeoises évoluent non seulement sur le plan économique et industriel mais aussi culturel. Les pays marquant un net progrès dans plusieurs sphères de la vie sont la France, mais aussi la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Italie et le Royaume-Uni.

Parallèlement, malgré une situation politique et économique difficile, la Pologne, oppressée depuis presqu’un siècle par les trois grandes puissances, vivait à cette période un renouveau sur le plan culturel, artistique et littéraire. La deuxième moitié du XIXe siècle fut marqué par une forte influence du romantisme. Cependant, des artistes de la jeune génération, souhaitant oublier le passé, se retournèrent vers l’Europe de l’ouest ainsi que vers des nouvelles tendances littéraires et artistiques. Ils souhaitaient établir des relations avec les centres culturels de l’époque et particulièrement avec Paris. Grâce au progrès technique, à la modernisation du pays et notamment à la mise en place des chemins de fer, les Polonais s’approchaient de plus en plus des pays européens. Le rapprochement culturel s’effectuait également par le biais de la presse qui effaçait avec aisance les frontières et apportait des nouvelles tendances aussi bien littéraires que culturelles. Le nouveau goût et les nouveaux critères esthétiques se manifestaient également dans le domaine de la mode en instaurant un style spécifique de l’époque.

Afin de mieux illustrer l’emprise de la culture française sur la culture polonaise à la fin du XIXe siècle nous allons analyser quelques exemples appartenant aux trois principaux domaines culturels : la littérature, l’art et la langue.


1. La littérature

En général, la littérature française, et surtout celle du XIXe siècle, fut particulièrement connue en Pologne dans les milieux aristocratiques, bourgeois et intellectuels. Le public littéraire polonais de l’époque connaissait les œuvres des réalistes et des naturalistes français comme celles d’Honoré de Balzac, de Victor Hugo, d’Henri Murget, de Guy de Maupassant, d’Emile Zola.

Le traducteur le plus connu pour la littérature française fut Tadeusz Boy-Żeleński (1874-1941).

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Tadeusz Boy-Żeleński fut médecin de profession mais, avant tout, il fut un grand admirateur et divulgateur de la culture française (en effet, il surnomma la petite ville de Cracovie « Paris du Nord ». Żeleński fut également écrivain, poète satirique ainsi que critique littéraire et de théâtre (il deviendra par la suite le chroniqueur de l’époque. En 1905, il crée le premier cabaret artistique « Zielony Balonik » (« Le ballonnet vert ») à Cracovie à l’instar du cabaret parisien « Le chat noir ». Mais Tadeusz Boy-Żeleński fut surtout le traducteur le plus productif de l’époque de la Jeune Pologne : il traduisit des centaines de romans et de drames français les plus célèbres. Il était particulièrement attiré par deux époques : le rationalisme français du XVIIIe siècle et le réalisme du XIXsiècle. Grâce à lui et à sa passion pour la littérature de ces deux périodes, la scène littéraire et culturelle polonaise fut enrichie par les œuvres issues de ces deux courants littéraires. Dans l’édition la « Bibliothèque de Boy », on trouve les œuvres les plus représentatifs de la littérature française parmi lesquelles se distinguent :

– La Comédie humaine d’Honoré de Balzac ; – tous les drames de Molière, de Pierre de Marivaux, de Jean Baptiste Racine, de Pierre Corneille ainsi que les pièces d’Alfred de Musset ; – les romans de Gustave Flaubert (Madame BovarySalammbô), de Stendhal (Le Rouge et le NoirLa Chartreuse de Parme)d’Henri de Murget, de Marcel Proust (À la recherche du temps perdu) ; – la littérature de la Renaissance et des Lumières (François Villon, François Rabelais, Michel de Montaigne, Denis Diderot, Montesquieu) – les poètes du XIXe siècle : François-René de Chateaubriand, Théophile Gautier.

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Le très riche opus du célèbre traducteur polonais Tadeusz Boy-Żeleński fut renforcé et accompagné par les travaux des autres connaisseurs et traducteurs polonais de la littérature française. Parmi eux, il faudrait particulièrement distinguer Wacław Rolicz-Lieder (1866-1912), Antoni Lange (1861-1929) et Zenon Przesmycki (1861-1944).

Wacław Rolicz-Lieder fut un poète assez méconnu en Pologne à la fin du XIXe siècle. Il étudia à l’École des Langues Orientales à Paris et fut très proche de la France et de la culture française. Traducteur de Charles Baudelaire et de Théophile Gautier, Wacław Rolicz-Lieder fut également un grand connaisseur du symbolisme.

L’un des plus grands intellectuels polonais de l’époque, polyglotte (il connaissait quinze langues), Antoni Lange fut également écrivain, poète et dramaturge. Dès la publication duManifeste du symbolisme de Jean Moréas et Paul Adam dans « Le Figaro »en 18866, il s’engagea à divulguer la théorie du symbolisme français en Pologne.

Antoni Lange a vécu plusieurs années à Paris où il a fréquenté le milieu artistique de l’époque et a notamment rencontré Stéphane Mallarmé qui l’invitait souvent à ses célèbres « Mardis mallarméens ». C’est ainsi qu’à son retour en Pologne, Lange deviendra le pionnier et le diffuseur du décadentisme et du parnasse. Il traduisait beaucoup d’œuvres, entre autres des œuvres de Charles Baudelaire, d’Arthur Rimbaud, de Jean Moréas, de Gustave Flaubert, de Théodore Banville et de Leconte de Lisle. Grâce à son engagement intellectuel ainsi que celui des autres connaisseurs du mouvement symboliste, la poésie polonaise sera aussitôt exposée aux fortes influences de ce courent esthétique et poétique.

Zenon Przesmycki s’est quant à lui consacré aux traductions de la poésie d’Arthur Rimbaud, de Stéphane Mallarmé et des drames de Maurice Maeterlinck. Il est également connu pour sa célèbre étude sur le symbolisme européen ; son livre fut publiée en Pologne en 1891 au moment où les idéaux symbolistes se répandaient par tout en Europe. Zenon Przesmycki fut également l’auteur de fameuse anthologie de la poésie française U poetów (Chez les poètes)éditée en1921.

Pour conclure sur les emprunts et les influences esthétiques et poétiques que la littérature française avait exercées sur la littérature polonaise de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, il serait judicieux de se référer aux écrits du célèbre écrivain polonais Stefan Żeromski.

En effet, en 1924 la revue littéraire polonaise les « Nouvelles Littéraires »questionne le grand écrivain sur la relation interculturelle franco-polonaise. En répandant à ces questions, Stefan Żeromski constate que depuis plusieurs siècles un intérêt particulier pour la France et la littérature française était présent sur la scène culturelle polonaise. Il considère qu’il ne s’agit pas des simples imitations transposées dans la littérature polonaise. Il faudrait plutôt parler, selon Żeromski, d’une sorte de soutien spirituel ; pour l’illustrer ce phénomène, Stefan Żeromski cite l’exemple des influences que les drames de Maurice Maeterlinck avaient exercés sur la création dramaturgique de Stanisław Wyspiański. Dans ce sens, on pourrait parler d’une mise en place d’un style littéraire « à la Maeterlinck » présent dans la littérature polonaise à la fin du XIXe siècle, un style qui représentait plutôt la création poétique originale et non pas une imitation.

En citant plusieurs écrivains français qui ont contribué au rayonnement de la littérature française en Pologne, Żeromski constate que l’auteur préféré de l’aristocratie polonaise du XIXe siècle était Balzac. Les traductions de Boy-Żeleński confirment que le culte du romancier français fut toujours présent à la fin du siècle. C’est la raison pour laquelle Stefan Żeromski nomma ce phénomène comme le « balzakizm » (le balzacisme). Cette dénomination de Żeromski eut plus de succès que celle qui devrait transcrire le ravissement des Polonais pour la culture et la littérature française. Il trouva le terme de l’attachement à « l’esprit français », terme qui se montrait à la fois trop vaste et trop complexe pour préciser ce phénomène culturel.

Stefan Żeromski, en concluant son entretien pour la revue littéraire polonaise, constate la vivacité continue de l’emprise de la culture française sur la création littéraire en Pologne. Cependant, il ajoute que la production artistique et littéraire polonaise au début du XXe siècle est en train de créer son propre chemin « vierge, inconnu et tout neuf ».


2. Les magazines

Dans la popularisation de la culture française en Pologne au cours du XIXe siècle, il faudrait également mentionner le rôle qu’exerçaient aussi bien les revues littéraires et artistiques que les magazines et les journaux. Afin d’illustrer l’importance du périodique national et international de cette époque, nous allons comparer quelques magazines hebdomadaires anglais, français et polonais.

Le premier hebdomadaire illustré au monde « The Illustrated London News » fondé en 1842 à Londres fut très rapidement populaire grâce à ses sujets variés et aux gravures sur bois.

Un an plus tard, en 1843, inspirés de l’exemple anglais, quelques journalistes et éditeurs créent à Paris l’hebdomadaire « L’Illustration » (1843-1944). La revue connaîtra un grand succès au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle en attirant les meilleurs dessinateurs de l’époque, comme Henri Valentin, Édouard Renard, Paul Gavarni et bien d’autres ; de même, elle contribua au développement de la qualité des gravures sur bois et à leur vivacité. En 1891, « L’Illustration » devint le premier magazine en France à publier une photographie en noir et blanc et en 1907, une photographie en couleurs.

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Comme son homologue de Londres, « L’Illustration » fut le magazine traitant tous les sujets d’actualité : il touchait aussi bien le domaine politique, économique, social, scientifique que le domaine artistique, littéraire ou même sportif. Le riche support illustratif présent dans chaque numéro constituait une réelle spécificité du journal.

Suivant les deux exemples européens, la revue polonaise « Tygodnik Ilustrowany » (« L’Hebdomadaire Illustré ») fut créée et éditée à Varsovie entre 1859-1939.

A l’instar du modèle français, l’hebdomadaire polonais contenait non seulement les mêmes rubriques, mais on y distinguait aussi des ressemblances au niveau des sujets traités, de la typographie ou bien de la présentation des petites annonces. Egalement, le signe distinctif du journal polonais fut le même que pour la revue française : les gravures sur bois furent d’une excellente qualité.

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Sur le plan culturel, le rôle de la revue polonaise « Tygodnik Ilustrowany » (« L’Hebdomadaire Illustré ») fut considérable. Elle exerçait une influence aussi bien sur le goût littéraire que sur la mode. Cet hebdomadaire rendait également populaire la littérature et l’art européen et surtout ceux en provenance de France. Mais ce qui est particulièrement important, c’est que le « Tygodnik Ilustrowany » (« L’Hebdomadaire Illustré ») apportait des informations sur les nouveautés artistiques et littéraires françaises et européennes. Avec le temps, il est devenu une revue de référence pour le monde artistique.


3. Les Beaux-arts

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Conclusion

L’influence de la culture française sur la culture polonaise à la fin du XIXe siècle fut plus que considérable. Son vaste impact couvrant diverses sphères de la vie et de la culture fut le résultat non seulement de la prédominance de la France au niveau de l’Europe mais aussi le fruit des relations interculturelles traditionnelles entre les deux pays. Cette alliance spirituelle se refléta dans plusieurs domaines d’activités culturelles comme : le théâtre, la photographie, le film, la mode, l’architecture, la cuisine, mais aussi la science, la politique.

Justyna Bajda est maître de conférences au Département de Philologie Polonaise à l’Université de Wrocław (Pologne). Elle est spécialiste du XIXe siècle dans les domaines de l’art, de la culture et de la littérature en Pologne et en Europe. Livres publiés : Na przełomie wieków…, [A la charnière des deux siècles…], Wrocław 2002, 48 p.; La Jeune Pologne (2003); Poezja a sztuki piękne. O świadomości estetycznej i wyobraźni poetyckiej Kazimierza Przerwy-Tetmajera, [La poésie et les beaux arts. Au

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