via : retronews
Le Danemark commémore le 250e anniversaire de Ludwig Holberg, fondateur de son théâtre national
Comœdia, 14 février 1935, p. 4/6
https://www.retronews.fr/journal/comoedia/14-fevrier-1935/775/2503319/4
Comœdia
1 octobre 1907 – 5 août 1944
Le quotidien de l’actualité des spectacles Comœdia est fondé en 1907 par Henri Desgrange, propriétaire de L’Auto-Vélo – et inventeur du Tour de France. Ancien du journal Le Vélo, Gaston de Pawlowski est nommé rédacteur en chef. Il s’assure la collaboration de plusieurs grands critiques littéraires comme Guillaume Apollinaire ou André Rouveyre. Quotidien jusqu’en 1941 puis hebdomadaire, Comœdia était un journal culturel de quatre pages. Il s’agissait du principal quotidien français à ne traiter que d’informations culturelles. Il fut longtemps le seul à mettre en avant les arts et les lettres tous les jours à la Une. Il n’a eu de cesse de promouvoir les arts du spectacle (théâtre, spectacle vivant, cinéma, musique, danse) ainsi que les arts plastiques. À la Libération en 1944, le journal cesse de paraître.
Holberg a servi la cause des lettres françaises. Il fit mieux que de les propager dans leur forme originelle : il les rendit accessibles à un public qui, encore trivial et grossier, était incapable d’apprécier ces subtilités, ces finesses, ces traits d’esprit qui faisaient les délices du cercle de Célimène
PREMIERES LIGNES
Copenhague, février.
(De notre correspondant particulier)
Il est regrettable que la presse française — Comœdza excepté — n’ait pas cru devoir donner la plus large publicité aux manifestations qui ont commémoré, au Danemark, le 250è anniversaire de la naissance de Holberg. Nous serions presque tente de la taxer d’ingratitude, car s’il est un nom qui a symbolisé durant tout un siècle l’influence littéraire française dans les pays du Nord, c’est incontestableraent celui de Ludwig Holberg.
Paul Reumert nous a dit — et en termes excellents — tout ce que l’auteur du Potier politique et de l’Affaire Oisif devait à Molière. Nous n’avons pas à y revenir. Mais ce n’est pas. tout. De son séjour à Paris, il ne ramena pas seulement notre comédie classique, mais aussi les idées du XVIIIe siècle à son début. Il se plaisait, par exemple, à retrouver chez Bayle cet esprit raisonneur, nuancé d’ironie, qu’il avait aimé chez Montaigne — l’auteur favori de sa jeunesse — et chez Pierre Charron.Puis. il enthousiasma pour FontenielTe, pour Montesquieu — celui de L’Esprit des lois — et pour Voltaire. Ses Pensées morales (1744) et surtout son curieux roman Niels Klim, constituent à celt égard des témoignages précieux.
Homme dé théâtre, vulgarisateur épris d’histoire, de droit public et de philosophie, Holberg a servi la cause des lettres françaises. Il fit mieux que de les propager dans leur forme originelle : il les rendit accessibles à un public qui, encore trivial et grossier, était incapable d’apprécier ces subtilités, ces finesses, ces traits d’esprit qui faisaient les délices du cercle de Célimène. Et, en ce sens, le rôle de Holberg fut considérable, car le prestige de l’homme, dépassant bientôt les limites de la Scandinavie, pénétrait en Allemagne où il devait se maintenir pendant un long temps.
Tout cela ne méritait-il pas d’être rappelé ? On nous parle sans cesse des « relations culturelles » entre les peuples, on échafaude des projets, on organise des congrès avec discours et déclarations solennelles, mais on laisse passer dans l’indifférence totale l’anniversaire d’un auteur célèbre qui fut un des meilleurs pionniers de l’influence française;
Il n’en fallait pas davantage pour nous inciter à donner ici une vue rétrospective de tout ce qui s’est fait à Copenhague en l’honneur de Holberg. D’abord ces quelques lignes combleront une lacune que nous avons stigmatisée, puis elles nous permettront, en quelque sorte, de nous associer à l’hommage qu’ont rendu Les Scandinaves au créateur du Théâtre Danois.
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TRACES DE FRANCE 