
CZOUZ-TORNARE, Alain-Jacques. La Suisse face à la Révolution française : une conception différente de la Nation ; de la République des Suisses à la République helvétique (1789-1803) In : Du Directoire au Consulat 2. L’intégration des citoyens dans la Grande Nation [en ligne]. Lille : Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2000 (généré le 24 avril 2022). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/irhis/1729>. ISBN : 9782490296033.
Présentation
De la question du « lien politique local » à celle de « l’intégration des citoyens dans la nation », la frontière est ténue ; la franchir, c’est modifier un angle et une distance d’approche, sans néanmoins quitter l’observation des acceptations et des refus de la République directoriale ; c’est tenter de comprendre, par des lectures politiques, économiques ou culturelles, les difficultés à unir des citoyens autour d’un projet républicain partagé en un temps où la guerre, les « réunions » et la constitution de républiques-sœurs transformaient le visage de la France et sa place en Europe, et avant que le 18-Brumaire, qui suscita maintes lectures et interprétations (J.-P. Bertaud) ne vienne transformer la donne politique.
La Suisse face à la Révolution française : une conception différente de la Nation ; de la République des Suisses à la République helvétique (1789-1803)
Alain-Jacques Czouz-Tornare
p. 121-141
Extraits
Référence électronique du chapitre
https://books.openedition.org/irhis/1729
Sous protection française, le Corps helvétique a pu représenter l’archétype des systèmes démocratiques modernes et une expérience historique unique, puisque protégée artificiellement par et du monde extérieur

EXTRAITS
[…] Ménagé pour des raisons idéologiques et stratégiques, le Corps helvétique continua à s’endormir sur ses lauriers républicains jusqu’à ce que le Directoire, impatient de normaliser la situation sur un secteur sensible de sa frontière ne vienne imposer à la Suisse, au tout début 1798, une République une et indivisible. Au cours du XIXe siècle, les Suisses développèrent une vision fédéraliste, dont Napoléon Bonaparte posa les fondements en 1803, par l’Acte de Médiation. Ils l’opposèrent à la conception centralisée et jacobine de la République sensée servir durablement de point de référence négatif. […]
LA PLURISÉCULAIRE PRÉDOMINANCE FRANÇAISE EN SUISSE
Le petit homme malade au cœur de l’Europe qu’était la Suisse, se montra d’autant plus sourcilleux quant aux ingérences étrangères, qu’elle chercha à éviter que ne soit trop visible l’influence française. Or, si cette ligue permanente de petits États souverains a pu subsister c’est qu’il convenait aux grandes puissances de soustraire cette zone stratégique à la convoitise de quiconque. À quoi bon faire la guerre pour l’acquisition de ce cœur-balcon de l’Europe, puisque la nature l’avait si bien pourvu de défenses naturelles assurant l’existence d’un État à part entière. C’est en se sens que la Suisse est une Nation de l’extérieur. Étant la moins dangereuse pour la Suisse, la monarchie capétienne se chargea naturellement d’assurer la survie de cette mosaïque territoriale. Les Suisses gérèrent finalement aussi efficacement leur image – la fameuse « liberté des Suisses » (Schweizer Freiheit) que les cols alpins confiés à leur garde. Ainsi, alors qu’Y. Florenne a pu présenter la France comme « une et divisible », la Suisse, confédération de résistances, semblait désunie mais indivisible, de par la volonté intéressée des grandes puissances pour qu’il en soit ainsi.
Quand on parlait en France de Nation suisse, c’est moins au sens de tribu ou de peuple comme lorsque les voyageurs du XVIIIe siècle évoquent la » nation iroquoise » que par la volonté de faire admettre – même en partie de façon fictive – l’indépendance-neutralisation de ce glacis entre Rhin et Rhône. En concevant l’expression même de Nation suisse, la France considérait la Suisse comme un bloc afin de pouvoir en tirer bénéfice. D’ailleurs, quand on parlait à Paris de « ceux de la Nation », il était inutile d’ajouter « suisse » pour comprendre qu’il s’agissait de la Confédération. Réciproquement, quand on disait le roi dans certains cantons catholiques en particulier, il était généralement superflu d’ajouter de France, tant il fonctionnait, avant même que Napoléon Bonaparte ne s’en adjuge le titre, comme médiateur virtuel en Suisse car principe unificateur tacite entre les cantons. C’est ainsi que, sous protection française, le Corps helvétique a pu représenter l’archétype des systèmes démocratiques modernes et une expérience historique unique, puisque protégée artificiellement par et du monde extérieur. Or, ce prétendu modèle tendait à préserver un conglomérat de particularismes sans intention de projeter son histoire et son système sur les autres pays et encore moins de tendre à l’universel. Ce qui explique en grande partie pourquoi ce modèle suisse tant admiré de démocratie n’a pu être exporté.
La tragique journée du 10 août 1792 qui vit l’effondrement de l’établissement suisse en France entraîna pour les Suisses la perte de cet interlocuteur valable qu’était le roi. Là où le roi rassurait, la très Grande Nation faisait peur à la toute petite nation, surtout après l’avènement du Directoire.
L’INÉVITABLE RESTRUCTURATION DE IA NATION SUISSE
Dans l’esprit des réformateurs suisses, puisqu’existent en Suisse les bases d’une démocratie – certes confisquée par certains – et république, inutile d’importer de France un modèle inapplicable. Mais comment puiser dans le passé suisse ce qui est indispensable au renouvellement des structures confédérales quand ces structures empêchent toute démarche d’ensemble et comment recourir à la France sans se voir imposer de nouvelles structures étrangères à la mentalité suisse ? Tel fut le grand dilemme des réformateurs suisses de la toute fin du XVIIIe siècle. Il s’agissait pour eux, non pas d’instaurer une république qui existait déjà mais d’en redéfinir le contenu. C’est lorsqu’ils constateront l’impossibilité de réformer la Suisse de l’intérieur, à cause du cantonalisme exacerbé, qu’une partie des notables se résoudront à recourir à l’intervention française, en désespoir de cause. Devant le refus obstiné des cantons patriciens de toute concession, les réformateurs se transformèrent par défaut en révolutionnaires. Les ressortissants des territoires sous tutelle, furent contraints de se rallier provisoirement à l’idée d’une république unitaire transitoire, prélude à l’établissement ultérieur d’une véritable république fédérative. C’est ainsi que les plus fervents centralisateurs nous apparaissent moins comme des admirateurs inconditionnels des préceptes de la Révolution française que comme des défenseurs de la souveraineté de leur canton virtuel, en ce qui concerne le Pays de Vaud. Frédéric-César de Laharpe, l’un des cofondateurs de la République helvétique ne tient-il pas des propos qu’apparemment contradictoires, lorsqu’il affirme le 30 nivôse an VI que : « Le Pays de Vaud doit devenir indépendant sous le titre de république lémanique pour former un canton de la République helvétique une et indivisible qui va être établie ». Laharpe et ses partisans adhéraient par la force des choses au modèle français en sachant bien qu’il ne pouvait s’agir que d’une phase transitoire.
Globalement les Suisses restèrent imperméables à la conception française de la République, surtout après l’avènement d’un Directoire de plus en plus menaçant pour la Suisse et apparemment de moins en moins respectable. Le 18-Fructidor fut diversement apprécié selon que l’on espérait ou que l’on redoutait l’intervention française en Suisse. Les patriotes suisses se montraient pour la plupart hostiles aux jacobins les plus avancés. Ainsi Pierre Ochs, l’autre fondateur de la République helvétique écrira à Laharpe, d’Aarau, le 20 avril 1798 (1er floréal an VI), quelques jours après la fondation de la République helvétique : « Mon ami, si nous n’y prenons garde, nous verrons le sans-culottisme en Suisse, comme il l’a fait en France, dégoûter tous les gens sensés de la Révolution ».
Dans une Confédération si étroitement liée à la France par le service militaire étranger, la culture et l’économie, la Révolution française ne pouvait manquer de susciter une ample résonance. En 1798, la Suisse va prendre de plein fouet la Révolution française en phase finale. Le traité de Campo-Formio du 18 octobre 1797 entre le Directoire et la cour de Vienne laissait la France maîtresse de l’Italie jusqu’à l’Adige, et lui livrait la rive gauche du Rhin, laissant le Corps helvétique entre l’Allemagne et l’Italie abandonné dans la sphère révolutionnaire française. Vint ensuite le temps des désillusions lorsque les forces françaises qui occupèrent la Suisse au début de 1798 se livrèrent à des excès et que le Directoire céda aux attraits du « Trésor » de Berne. Laharpe mit en garde les autorités françaises contre « les vexations qu’éprouve le peuple suisse », craignant « qu’une haine furieuse succède dans les cœurs au penchant qui l’entraînait vers ceux qu’on lui annonçait comme ses libérateurs »
L’INASSIMILABLE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
[…] Le révolutionnement tardif de la Suisse n’en a pas moins été intégral. La Révolution semblait à nouveau porteuse de formidables espoirs. Comme pour être citoyen il fallait être instruit, l’école y fut considérée comme le point central du lien social et national, contrairement à ce qui se passait en même temps en France.
Toutefois, comment ce nouvel État de droit pouvait-il assimiler en si peu de temps, par exemple, les libertés de commerce et d’établissement ? Ce fut un choc trop brutal pour que la République helvétique parvienne à s’assurer la loyauté sans réserve de tous ceux qui profitèrent de ses bienfaits. Il n’en reste pas moins qu’en tant que fossoyeur de ce « cadavre récalcitrant » qu’était devenu le Corps helvétique à la fin du XVIIIe siècle, la création de la République helvétique par Peter Ochs (1752-1821) « a permis la transition vers la modernité, en sauvant peut-être l’existence d’une « nation suisse » et a permis à plus long terme paradoxalement l’émancipation à l’égard de la décidément trop Grande Nation.
LA NAISSANCE DU FÉDÉRALISME SUISSE AU XIXe SIÈCLE
La suppression des inégalités territoriales est sans doute l’acquis le plus important de la Révolution
Au XVIIIe siècle, fédéralisme, centralisme, sont des termes absents du vocabulaire politique suisse d’Ancien Régime. Le fédéralisme n’existait pas avant la chute de l’ancienne Confédération qui consistait en un assemblage disparate de petits États, parmi lesquels les villes-États fortement centralisées. Leur coexistence relevait plus d’un rapport de forces que de l’équilibre subtil des composantes, car seule l’influence française parvenait à faire pièce au désir toujours persistant des cantons de raviver des conflits confessionnaux ou territoriaux. Si le fédéralisme est bien, comme l’a défini Gonzague de Reynold « une forme politique dans laquelle plusieurs États ou Cités, afin de mieux sauvegarder leur existence, leur indépendance et de promouvoir leurs intérêts communs, consentent à sacrifier une part de leur souveraineté, pour établir un pouvoir central, dirigeant et suprême », aucun de ces éléments n’existait avant 1798 autrement que sous forme d’esquisse. Les Suisses cherchaient avant tout à vivre chacun de leur côté dans une communauté volontaire régie par des mythes rassembleurs communs. Ce n’est qu’entre 1798 et 1848 que se mit en place le processus qui conduira la Nation suisse d’une alliance d’États (Staatenbund) à un État fédéral (Bundesstaat). Vue la perception ultérieure de ce phénomène on peut d’ailleurs parler d’un fédéralisme tardif à effet rétroactif. En effet, la Suisse moderne établie en 1848 crut salutaire, pour affermir sa légitimité, de faire remonter ses origines au plus profond de l’Ancien Régime confédéré. La formation de la Suisse moderne en 1798 puis en 1848, n’a pu se réaliser de manière pacifique, tant il y avait d’obstacles structurellement infranchissables sur le plan politique et social. Un passage obligé par une phase centralisatrice s’avéra incontournable pour la conception d’une Confédération supra cantonale, formée de cantons équilibrés et égaux entre eux. Il fallut le révolutionnement de la Suisse en 1798, le rééquilibrage des différentes composantes de la Suisse, avec en particulier le démembrement du canton de Berne, pour que soient établis les fondements d’un pouvoir central que Napoléon Bonaparte aura le génie de faire coïncider en 1803 avec l’instauration de la dignité et l’égalité des États cantonaux par ailleurs redevenus autonomes. Un historien suisse contemporain, François Walter, a relevé qu’en Suisse, la suppression des inégalités territoriales est sans doute l’acquis le plus important de la Révolution. Jean-François Bergier signale de son côté que « la dure, mais brève expérience de la République helvétique fut salutaire parce qu’elle mit a contrario en évidence les traits distinctifs d’une culture politique proprement suisse et qu’elle suscita à y revenir le plus vite possible ». D’ailleurs, ce sont aussi ces Cités-États fortement centralisées, ces régimes oligarchiques, dominateurs et hégémoniques, qui allaient à l’encontre d’une nature suisse perçue comme profondément démocratique, qui ont préparé, nourri l’hostilité envers le centralisme. En effet, dans la mesure où la démocratie suisse puise ses racines dans le Moyen Âge germanique, elle renvoie à un type de société qui « ne repose pas sur l’individu comme la société française, mais sur la famille, l’association, le gouvernement local », soutenue par des campagnes attachées à leur autonomie communautaire. Il reviendra aux patriotes suisses assimilés aux Jacobins de prendre sur eux rétroactivement tout le lourd fardeau d’une vision centralisatrice que les différentes parties de la Suisse ne pouvaient accepter pour le pays tout entier. Or, ce sont pourtant bien les dérives centralisatrices sur le plan cantonal des futurs partisans du dogme fédéraliste qui ont achevé de disqualifier préventivement la notion même de centralisme.
CONCLUSION
Les Suisses ont été entraînés dans une séquence de transformation révolutionnaire pour laquelle ils n’étaient guère préparés, malgré l’apparente similitude des régimes républicains en Suisse et en France après 1792.
D’un particularisme régional, le concept de république était devenu un modèle universel. La république ne légitimait plus la fixation de privilèges et usages locaux nommés libertés et remontant aux sources médiévales de la commune, mais s’appuyait désormais sur la Liberté revisitée et transmise par la philosophie des Lumières. En 1789, s’il avait fallu en Suisse mettre les aristocrates à la lanterne, on eût dû commencer par des républicains. Ironie du sort et surprenant malentendu ! Alors que ce n’est qu’en Suisse que la république ne fut jamais sérieusement remise en question durant les temps modernes, nos vieux républicains suisses ne virent dans la trop déroutante et fulgurante République française pas tant la condition première d’une société nouvelle et libre, mais, comme les adversaires royalistes de celle-ci, l’image de l’anarchie et de la Terreur.
Inversement, vue de France, la république des Suisses était le témoin vivant et finalement gênant, de ce à quoi pouvait aboutir une telle forme de gouvernement, ce qui faisait dire au Neuchâtelois Marat, hanté par le retour du despotisme, que « toute démocratie tend naturellement à l’aristocratie ».
La domination française, pourtant déjà si évidente sous les rois de France, allait se faire outrageante avec l’invasion/libération suivie de cinq années de présence/occupation française en Suisse. Et pourtant, qu’on le veuille ou non, en 1798, « l’année terrible » comme dit Gonzague de Reynold, furent posés les fondements de la Suisse plurielle. L’hégémonie française avait conduit les Suisses à prendre conscience de la nécessité d’instaurer un minimum d’unité entre leurs différentes composantes. La Suisse allemande comprit que la reconnaissance du fait romand légitimait l’existence de la Suisse elle-même, face aux grandes puissances. Il reviendra à la Restauration, bien mal nommée en la circonstance, d’intégrer les périphéries helvétiques à la Maison suisse, avec l’entrée de Genève, Neuchâtel et du Valais dans la Confédération.
En Suisse, le fait que la Révolution ait acclimaté le nouveau paradigme de la démocratie représentative trouve son aboutissement emblématique au milieu du XIXe siècle sous les traits du symbole républicain : Helvetia. Comme l’a écrit François Walter : « La belle Helvetia que les timbres montrent de profil à bel et bien deux faces. L’une héritée de la révolution, la république démocratique et représentative ; l’autre d’ancien apanage : tradition républicaine, vieille conception germanique de la liberté et antique démocratie mythifiée. Si Helvetia n’a pas le destin d’un Janus biffrons, c’est que les historiens ont su opérer un sérieux lifting pour intégrer les deux héritages, autrement dit pour fonder la république ».
Le chemin qui va de la Révolution française et de son prolongement helvétique à sa reconstitution voire son occultation historiographique du XIXe siècle représente un parcours mémoriel particulièrement riche et propre à faciliter l’appréhension des charpentes mentales de la Confédération suisse. Prenons cet exemple pour finir : les Suisses ont voté le 18 avril 1999 pour la réforme de la Constitution. En guise d’arguments contradictoires, des opposants à cette réforme ont mis en exergue le fait que « le terme de nation helvétique » allait être rayé de la Constitution fédérale de 1874, d’où selon eux « la dissolution de la nation suisse et l’assujettissement de la Confédération et des cantons aux conventions de l’ONU », d’où « la fin de la Suisse ». Nombre de Suisses pensent appartenir à une « Nation de la volonté », résidant dans la croyance que « ce qui nous a longtemps fait tenir ensemble, c’étaient les menaces des grandes puissances », alors que celles-ci ont au contraire longtemps entretenu soigneusement l’illusion d’une nation suisse à part entière. Au fond, comme le reconnaît le ministre jurassien Jean-François Roth : « La Suisse n’est pas une nation. Nous nous enorgueillissons d’être multiculturels, multilingues, de pouvoir vivre ensemble malgré tous ces obstacles. Mais ces obstacles, précisément, nous empêchent d’être une véritable nation pourvue d’une identité forte. Nous sommes Appenzellois ou Jurassiens avant d’être Suisse » D’où une certaine fascination/répulsion pour la voisine de l’Ouest et son arrogante et insupportable unité. « Grande Nation à petits prix » pouvait-on lire en 1999 dans les gares helvétiques sur des panneaux publicitaires de Railtours/Suisse et en français dans le texte. Faut-il y voir de l’ironie ou du respect ? Et le journaliste Pascal Décaillet de remarquer pour sa part au même moment dans les colonnes de L’Hebdo : « longtemps, nous avons cru que la seule vraie nation de l’univers était la France ».
Si l’on se penche pour conclure sur notre époque contemporaine, il est frappant de voir combien notre perception et notre gestion de l’Europe en marche rappelle notre attitude face à la France révolutionnaire. Comparaison désagréable dans la mesure, où nous rejouons le rôle d’une Confédération incapable de se transformer elle-même et de prendre une position tenable face un mouvement européen irrésistible qui finira par la submerger quand il lui plaira. Hostile à la Révolution quoiqu’elle-même issue de révoltes populaires, hostiles envers la République, alors qu’elle-même en était une, la Suisse se montre aujourd’hui réservée à l’égard d’une Europe dont elle a pourtant le sentiment d’être l’incarnation. En 1798, la Suisse telle qu’elle se présentait alors était devenue une gêne pour la France. Sa dernière utilité pour l’Europe consistera-t-elle à lui offrir un emplacement de choix pour inscrire la légende au cœur de la carte européenne ? Ne dirait-on pas que, décidément, la nation suisse n’a que faire de la présence auprès d’elle d’une grande nation qu’elle soit française ou bientôt européenne ?
Auteur
Alain-Jacques Czouz-Tornare
Université de Fribourg