via http://www.ameriquefrancaise.org
Pendant 150 jours, 150 activités permettent aux nations amérindiennes et aux Québécois de tisser des liens d’amitié et de respect mutuel, tout en soulignant l’importance des relations complémentaires qui existaient entre les Français et de nombreuses nations autochtones à l’époque de la Nouvelle-France.
EXTRAIT

À l’été 1701, Montréal est le centre d’un événement historique majeur dans les relations entre les nations amérindiennes et les Français : le traité de la Grande Paix, signé le 4 août. Ce traité met fin à plusieurs décennies de conflits opposant les Iroquois aux Français et à leurs alliés autochtones. En 2001, la société pour la diffusion de la culture autochtone Terres en vues et le musée d’archéologie et d’histoire de Montréal Pointe-à-Callière s’associent pour commémorer le tricentenaire de cet événement. Pendant 150 jours, 150 activités permettent aux nations amérindiennes et aux Québécois de tisser des liens d’amitié et de respect mutuel, tout en soulignant l’importance des relations complémentaires qui existaient entre les Français et de nombreuses nations autochtones à l’époque de la Nouvelle-France.
Rassemblement historique dans le Vieux-Montréal actuel
Le Montréal qui accueille les ambassadeurs amérindiens en 1701 est une ville d’environ 1 300 habitants entourée d’une palissade de pieux . Entre le 22 juillet et le 6 août 1701, ce sont près de 1 300 Amérindiens qui s’installent aux abords de cette petite ville. Transposés dans le Vieux-Montréal actuel, les différents lieux associés à la Grande Paix de Montréal correspondent au périmètre du Musée d’archéologie et d’histoire de Montréal – Pointe-à-Callière, aux places Royale et D’Youville, ainsi qu’au secteur des rues Queen, Sœurs-Grises, Wellington et de la Commune, auxquels il faut ajouter les emplacements de l’ancienne église Notre-Dame (rue Notre-Dame actuelle donnant sur la place d’Armes) et de l’Hôtel-Dieu, qui était alors situé rue Saint-Paul, près de l’actuelle rue Saint-Sulpice.

La Grande Paix de Montréal : de l’oubli à la commémoration
La réinscription de la Grande Paix de Montréal dans le patrimoine mémoriel du Québec est récente. Au début de la décennie 1990, différents acteurs mettent en branle un processus de résurgence qui fait passer la Grande Paix d’un oubli quasi total à des manifestations commémoratives d’envergure qui se dérouleront au cours de l’année 2001. Sur le plan universitaire, après une très longue période de silence dans l’historiographie tant francophone qu’anglophone, des historiens de l’Université Laval s’intéressent au sujet et Gilles Havard publie, en 1992, le résultat de ses recherches sur la diplomatie franco-amérindienne à l’époque de la Nouvelle-France et la Grande Paix de Montréal de 1701. Sur le plan communautaire, à partir de 1990, l’organisme culturel autochtone Terres en vues mène des actions pour raviver le souvenir de ce chapitre trop peu connu de l’histoire des nations amérindiennes du nord-est de l’Amérique. En 1997, à l’instigation de cette société, la Ville de Montréal désigne le belvédère du mont Royal « Kondiaronk » du nom du grand chef des Hurons-Wendats qui a été le principal négociateur de cette Grande Paix. Sur le plan culturel, dans la foulée des préparatifs du 350e anniversaire de la fondation de Montréal, un nouvel équipement muséal voit le jour, Pointe-à-Callière, musée d’archéologie et d’histoire de Montréal. Érigé sur le lieu de fondation de la ville, le musée inauguré le 17 mai 1992 inclut d’entrée de jeu la présence amérindienne dans ses contenus, sa muséographie et son approche de communication. Il sera le premier musée au Québec à commémorer la Grande Paix de Montréal en faisant graver des pictogrammes amérindiens ‑ extraits du traité de 1701 ‑ sur l’une des quatre plaques de cuivre apposées à la surface de la place Royale désormais intégrée au complexe muséal.
En 1995, des liens d’amitié se nouent entre Terres en vues et Pointe-à-Callière. De cette rencontre émerge le projet de commémorer conjointement les 300 ans de la Grande Paix de Montréal, en 2001.
En 1999, ils forment une corporation à laquelle s’associera une soixantaine de partenaires provenant du Québec, du Canada et des États-Unis. Quatre grands objectifs sous-tendent les actions de la Corporation : 1) la mise en valeur d’une page remarquable de l’histoire de l’Amérique du Nord; 2) la mise en valeur des cultures amérindiennes et la création d’occasions de rapprochement entre les populations autochtones et québécoises; 3) la commémoration des événements de 1701 et la célébration de la paix et 4) la promotion de la culture de la paix. L’approche résolument centrée sur les valeurs de paix et de rapprochement entre les nations vaudra à la commémoration de la Grande Paix d’être reconnue par l’UNESCO comme événement phare de la « Décennie internationale de la promotion d’une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde (2001-2010) ».La Corporation, forte de l’appui de ses partenaires et associés tant québécois qu’amérindiens, développera un programme d’activités s’étalant de mars à décembre 2001 avec en point d’orgue les 3, 4 et 5 août 2001, dates qui correspondent aux journées durant lesquelles ont lieu, en 1701, les ultimes négociations, la signature du traité le 4 août et le départ des délégués amérindiens.
1701, le grand traité de paix signé à Montréal
Après plusieurs décennies de conflits opposant les Iroquois aux Français et à leurs alliés autochtones, les délégués de 39 nations amérindiennes du nord-est de l’Amérique se rejoignent à Montréal pour convenir d’une paix générale entre eux et avec les Français. Amorcées en 1690 par le gouverneur de la Nouvelle-France, Frontenac, et complétées en 1701 par son successeur, Louis-Hector de Callière, les ultimes négociations s’étaleront sur quatre longues années marquées de revers et de revirements.
En septembre 1700, un traité provisoire est signé à Montréal, mais c’est à l’été de 1701 que tout se joue. À partir du 22 juillet, les canots des délégations amérindiennes arrivent à Montréal. Les Français saluent leurs hôtes en tirant du canon. Les premières journées, les Amérindiens installent leurs cabanes près de la palissade. Le campement principal serait situé un peu à l’ouest de la partie densément peuplée, sur la commune et, en partie, sur la ferme des Sulpiciens alors seigneur de l’île. Dès leur arrivée, les chefs amérindiens sont conduits à la résidence du gouverneur de Callière construite hors des murs de la ville. Là, ils présentent leurs hommages. Le 25 juillet, les premières audiences se tiennent au château de Callière. Le climat est tendu. Les Iroquois n’ont pas amené leurs captifs de guerre comme cela avait été convenu l’année précédente. Kondiaronk exige qu’ils les ramènent à Montréal. Les négociations traversent une phase difficile qui met en péril la conclusion d’un accord.

Le 1er août, bien que très malade, le grand chef Kondiaronk, alors âgé de plus de 70 ans, prononce un long discours qui marque un tournant décisif en faveur de la paix. Épuisé et affaibli, il est ensuite conduit à l’Hôtel-Dieu, rue Saint-Paul, où il décède le 2 août. La journée du 3 août se déroule sous le signe du deuil. Callière organise de grandes funérailles qui ont lieu à l’église Notre-Dame, puisque Kondiaronk est catholique. Le reste de la journée se passe en négociations afin de régler l’épineuse question de l’échange des prisonniers.
Le 4 août après-midi, les délégués amérindiens et français se rencontrent lors d’un grand rassemblement qui se tient dans une enceinte que le gouverneur a fait construire près de la ville. Callière sera le premier à prendre la parole, suivi à tour de rôle par les chefs autochtones. À la fin des allocutions, pour sceller l’entente, tous fument le calumet de paix et Callière remet un wampum à chaque représentant des nations présentes. Au terme de cette cérémonie, le traité de la Grande Paix de Montréal est signé par les Français alors que les ambassadeurs amérindiens de 39 nations représentées y apposent leur marque respective (dessins d’un ours, d’un orignal, d’une tortue, d’un humain, etc.). Un grand festin et un feu de joie viennent clore la journée. Les 6 et 7 août, les « audiences de congé » se succèdent chez Callière qui offre à ses hôtes des présents dits « du Roy ». Les Amérindiens sont pressés de quitter Montréal, car la maladie s’est répandue dans nombre de délégations autochtones. Vers le 9 août, les ambassadeurs iroquois de l’une des cinq nations iroquoises, les Agniers,– la plus belliqueuse, qui était restée en retrait du grand rassemblement – arrivent à Montréal et s’engagent à respecter le traité qui vient d’être conclu.
Avec la Grande Paix de Montréal, les Amérindiens renoncent à la guerre; ils s’en remettent aussi aux Français pour régler leurs divergences et acceptent de partager leurs territoires de chasse. Les Iroquois, pour leur part, s’engagent à rendre leurs captifs, à demeurer neutres lors de conflits entre la France et l’Angleterre et à ne plus s’opposer à la fondation de Détroit, au cœur des Grands Lacs. En retour, les Iroquois affaiblis par un très long conflit obtiennent la liberté de commerce. Callière promet de son côté à tous les Amérindiens d’offrir des marchandises à moindre coût. Cette Grande Paix freinera l’expansion continentale des colonies britanniques tout en facilitant celle de la Nouvelle-France. Comme l’avait souhaité Callière, elle s’avèrera durable en dépit de quelques guerres circonscrites, dont celle dite des Renards (1712-1738), et consolidera le grand réseau d’alliance déjà en place entre les Français et les Amérindiens, réseau qui se maintiendra jusqu’à la conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques en 1760.