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Perrot Marie-Clémence. La politique linguistique pendant la Révolution française. In: Mots, n°52, septembre 1997. L’état linguiste, sous la direction de Josiane Boutet, Lamria Chetouani et Maurice Tournier. pp. 158-167.
www.persee.fr/doc/mots_0243-6450_1997_num_52_1_2474
Parler le français, c’est affermir la démocratie. Oublier les patois, c’est se libérer des dominations et dépendances. Chaque citoyen est donc encouragé à faire de la langue des droits de l’homme sa propre langue, afin de partager plus directement les mêmes valeurs républicaines.
Plan
Le premier élan : la diffusion des idées révolutionnaires
L’école vient en renfort, dans un souci démocratique d’égalité
La pédagogie se met au service de l’unité nationale
Au nom de la République : la Terreur fait la guerre aux idiomes
Les sanctions se substituent aux propositions
TEXTE INTÉGRAL
En 1539, l’ordonnance de Villers-Cotterêts impose l’usage du français dans le langage juridique et corollairement dans le langage quotidien. Le latin mais aussi l’ensemble des dialectes sont bannis. Au 17e et 18e siècles de nombreux édits royaux imposent également la langue française aux provinces nouvellement conquises. Depuis la naissance de l’Académie française (1634), le pouvoir politique possède une grande emprise sur la langue. Le gouvernement révolutionnaire s’inscrit naturellement dans la continuité de la lutte pour imposer la langue française sur le territoire français. Cependant l’enjeu est différent. Le français classique est en plein essor, fort de ses auteurs des belles lettres, parangons du style et de la structure des phrases. Mais les langues régionales (dans lesquelles nous incluons dialectes, patois et idiomes proches des langues étrangères) demeurent très usitées. Or la Révolution qui proclame une société et une politique nouvelles a besoin d’une adhésion de masse pour être reconnue. Il est alors indispensable que l’ensemble des habitants du territoire puisse prendre connaissance des nouvelles lois. Il ne s’agit donc plus d’annexer par la force et d’imposer le français comme une marque d’appartenance au royaume mais de propager les idées révolutionnaires d’un nouveau régime politique et de susciter l’adhésion à celui-ci. La question se pose de savoir s’il convient de sacrifier l’unité linguistique, porteuse d’unité nationale, au profit de la diffusion des idées révolutionnaires en favorisant l’usage des langues régionales. Loin d’être isolée, cette question reflète l’hésitation de la République entre le fédéralisme et le centralisme parisien. La prise de conscience de l’importance de la langue est marquée par les besoins politiques. Le nouveau régime est amené à adopter un ensemble de pratiques pour gérer les affaires publiques concernant la langue. Une véritable politique linguistique se dessine. La République établit une ligne de conduite générale, vote des décrets, des lois et veille à leur application en prenant des mesures et des sanctions. La politique linguistique prend alors différents visages selon les situations politiques, tentant de combiner ses ambitions et les obstacles rencontrés.
Le premier élan : la diffusion des idées révolutionnaires
En 1789, le français n’étant pratiquement pas parlé dans les campagnes et très peu usité dans les territoires frontaliers (un quart des Français ignorait totalement cette langue et un dixième seulement la parlait couramment, la première politique linguistique de la Révolution affiche une grande tolérance, portée par l’enthousiasme général. Elle apparait comme un acte politique fondamental sans lequel la Révolution ne serait pas. Il s’agit de propager les idées révolutionnaires. Dès le mois de juin 1790, la Constitution décide que tous les décrets seront traduits dans toutes les langues régionales, affichés et lus en places publiques. Le premier visage de la politique linguistique est respectueux de la langue maternelle. « La loi est commune pour tous ». « Elle doit être à la portée de tous » déclare un administrateur de Strasbourg. Les demandes de la part des régions sont pressantes. Le désir de s’informer et de participer aux mouvements politiques est vif mais les envois de traductions sont lacunaires et décalés dans le temps. L’Assemblée nationale se heurte au manque de traducteurs, aux coûts élevés des traductions (salaires, papiers, impressions, transports) et à la lenteur de l’acheminement des lois à destination.
L’école vient en renfort, dans un souci démocratique d’égalité
Le 10 septembre 1791, Talleyrand, ancien évêque d’Autun, fait part à l’Assemblée constituante de son rapport sur la question linguistique. Il est au courant de l’enquête menée par l’abbé Grégoire et s’occupe du système éducatif depuis 1780 (comme agent général du clergé). Il prône le développement de l’instruction publique.
Les traductions ne suffisent plus. Le désir de propagation des idées révolutionnaires se combine avec la recherche d’une participation active de chaque citoyen. Le français n’a plus de raison de demeurer la langue royale et réservée aux élites, maintenant que la monarchie est abolie et que le nouveau régime a déclaré l’égalité au nombre de ses principes. Parler le français, c’est affermir la démocratie. Oublier les patois, c’est se libérer des dominations et dépendances. Chaque citoyen est donc encouragé à faire de la langue des droits de l’homme sa propre langue, afin de partager plus directement les mêmes valeurs républicaines.
«Une singularité frappante de l’état dont nous sommes affranchis est sans doute que la langue nationale, qui chaque jour étendait ses conquêtes au-delà des limites de la France, soit restée au milieu de nous inaccessible à un si grand nombre de ses habitants ». Talleyrand propose une réponse aux maux qu’il vient de décrire : « Les écoles primaires mettront fin à cette étrange inégalité : la langue de la Constitution et des lois y sera enseignée à tous ; et cette foule de dialectes corrompus, dernier reste de la féodalité, sera contraint de disparaître : la force des choses le commande » (extrait du rapport de Talleyrand, reproduit chez Ferdinand Brunot, chapitre 2, p. 13-14).
La politique linguistique prend une forme institutionnelle. Elle est en outre relayée par une volonté générale de l’opinion, curieuse autant que patriote. L’école est appelée à être le moyen de cette politique d’unité linguistique. Un Comité d’instruction publique est créé. Il est chargé d’organiser un réseau d’écoles primaires (l’adjectif date de 1791) sur l’ensemble du territoire de la République afin d’enseigner la langue française, les droits de l’homme et du citoyen ainsi que les principales lois concernant l’agriculture, le commerce, la religion, sujets les plus appréciés par la population.
Celle-ci cherche à connaître l’existence et le sens des mots nouveaux dus aux bouleversements politiques. On adule le mot patrie qui symbolise à lui seul l’appropriation de la République par tous les citoyens. Des sentiments neufs cherchent leur vocabulaire. Le français suscite un vif engouement ; le parler est un fier acte de patriotisme.
L’obstacle premier de cette politique a cependant été la difficulté pratique à trouver un nombre suffisant d’instituteurs compétents et acquis aux idées révolutionnaires. Sur la minorité qui parlait français, peu d’entre eux connaissaient la langue au point de pouvoir correctement l’enseigner. C’étaient souvent des nobles ou des membres du clergé. Certains avaient quitté la France, d’autres n’étaient pas jugés suffisamment patriotes. Le petit nombre restant n’a pas suffi à pourvoir toutes les communes. Il a fallu créer des écoles normales pour former les instituteurs qui eux-mêmes enseigneraient le français normal ou commun, mais elles n’ont commencé à fonctionner qu’en 1793.
La pédagogie se met au service de l’unité nationale
Dans son rapport à l’Assemblée, Condorcet, conformément aux principes de Condillac, exclut le latin de l’enseignement primaire et prône l’usage exclusif du français. Les enfants qui apprenaient à lire dans des textes liturgiques écrits en langue morte ne retrouvaient rien de ce qu’ils connaissaient, ce qui ne facilitait pas l’apprentissage et ne servait pratiquement qu’à pouvoir chanter les vêpres. Enseigner en français et enseigner le français partait donc d’un souci pédagogique non dépourvu de sens pratique (le français servira aussi bien à prendre connaissance des lois qu’à échanger avec les villageois voisins). Pour la première fois, la langue nationale est mise au centre de l’enseignement primaire.
Mais cette mesure avait un autre objectif. Les lois étaient encore traduites régulièrement dans chaque patois. Et certaines régions, telles que l’Alsace ou la Bretagne, refusaient fermement d’adopter le français comme langue unique. Cette mesure permettait donc aussi d’évincer peu à peu l’usage des langues régionales qui entretenaient un risque de fédéralisme linguistique et souvent politique, dangereux pour l’intégrité de la République.
Un tournant est ainsi amorcé dans le choix de la politique linguistique. L’importance de la diffusion et de la compréhension des idées révolutionnaires cède progressivement la place au besoin politique d’établissement d’une langue commune.
Au nom de la République : la Terreur fait la guerre aux idiomes
La politique linguistique suit pas à pas les transformations de la situation politique. En 1793, la République est affaiblie par de nombreuses menaces extérieures et intérieures. Les défaites militaires se combinent aux luttes entre factions politiques. L’exécution de Louis XVI prive le pays de l’unité symboliquement incarnée autrefois par le roi et encore présente à l’esprit d’une grande part de la population, malgré l’instauration de la République. Celle-ci cherche à retrouver une unité nationale et doit simultanément faire face à la première coalition contre-révolutionnaire, ainsi qu’à la trahison de Dumouriez, à l’insurrection de Vendée. Cette insurrection, fleuron du mouvement fédéraliste et royaliste qui combat le pouvoir jacobin, encourage l’opposition entre Paris et les provinces, entre la langue de la liberté et les langues régionales. Ces dernières apparaissent alors comme porteuses de l’esprit contre-révolutionnaire. Face à tous ces dangers, la Terreur est déclarée à l’ordre du jour comme mesure défensive. La politique linguistique suit le durcissement général de la politique révolutionnaire et décide d’éliminer finalement ces patois, qui rappellent trop les noms des provinces abolies de l’Ancien Régime, et de réaffirmer la République « une et indivisible ». Dans ce contexte troublé, il s’agit moins de propager que de défendre la Révolution.
Le député Barère s’engage dans une guerre aux idiomes. Le 8 pluviôse an II (27 janvier 1794), il déclare à la Convention montagnarde au nom du Comité de salut public :
«Le fédéralisme et la superstition parlent le bas-breton, l’émigration et la haine de la République parlent allemand, la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle basque. Brisons ces instruments de dommage et d’erreur. Il vaut mieux instruire que faire traduire, comme si c’était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires. La monarchie avait raison de ressembler à la tour de Babel ». « Le despote avait besoin d’isoler les peuples». «Dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c’est trahir la patrie /…/ Le français deviendra la langue universelle, étant la langue des peuples. En attendant, comme il a eu l’honneur de servir à la Déclaration des droits de l’homme, il doit devenir la langue de tous les Français /…/ Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous ».
Cette déclaration marquée par un vif engagement politique fut suivie d’un décret qui prévoyait des instituteurs pour la jeunesse des deux sexes, des lectures publiques et des explications pour les adultes dans toutes les communes de Bretagne, du Nord et de la Loire inférieure.
Cinq mois plus tard, le 16 prairial an 2 (16 juin 1794), l’abbé Grégoire qui s’était occupé depuis 1790 de la question des patois propose à la Convention, en tant qu’évêque constitutionnel élu par son diocèse de Blois, son fameux « Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française ». Six millions de Français ne parlent toujours pas français. « Nous n’avons plus de provinces et nous avons encore trente patois qui en rappellent les noms et font trente peuples au lieu d’un » se plaint Grégoire (p. 301). Il est donc nécessaire d’appliquer les mesures suscitées par Barère à l’ensemble du pays.
L’abbé Grégoire avait en effet décidé de mener une enquête précise afin de savoir le nombre et l’étendue des patois au sein de la République, leurs formes linguistiques (grammaires, vocabulaires, prononciations et leurs variations suivant les villages voisins), leurs usages dans la vie quotidienne, religieuse, la présence d’ouvrages écrits, éventuellement littéraires, les idéaux qu’ils véhiculent, notamment à l’égard de la Révolution. En 1790, il envoyait une circulaire sous forme de 43 questions «relatives au patois et aux gens de la campagne » aux communes de la République, aux Sociétés des Amis de la Révolution ainsi qu’à un grand nombre d’hommes du clergé (il lui fallait trouver des correspondants qui connaissent aussi bien leur patois que le français). L’enjeu était à moyen terme d’assurer « dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté » (p. 302). Son discours à la Convention le précise :
«Ne faisons point à nos frères du Midi l’injure de penser qu’ils repousseront une idée utile à la Patrie. Ils ont abjuré et condamné le fédéralisme politique ; ils combattront avec la même énergie celui des idiomes. Notre langue et nos cœurs doivent être à l’unisson /…/ Pour extirper tous les préjugés, développer toutes les vérités, tous les talents, toutes les vertus, fondre tous les citoyens dans la masse nationale /…/ il faut identité de langage » (p. 306). « Un peuple ignorant ne sera jamais un peuple libre » poursuit-il. « Tous les Français doivent /donc/ s’honorer de connaître une langue qui désormais sera par excellence celle du courage, des vertus et de la liberté ».
Parallèlement aux mobiles politiques de Barère, le rapport de Grégoire est marqué par ses fondements éthiques. Il incarne aussi une radicalisation de la politique linguistique : l’ambition affichée est d’obtenir une langue nationale et comprend la répression au nombre de ses moyens. L’abbé Grégoire proposait la rédaction en français de journaux, de chansons et de courts ouvrages et l’envoi de ceux-ci dans chaque commune, ainsi que la proposition de ne retenir que l’usage du français tant écrit que parlé à tous les niveaux de la vie quotidienne (commerces, contrats). Mais la Convention charge en fait le Comité d’instruction publique de rédiger « une nouvelle grammaire et un vocabulaire nouveau de la langue française» (décret de la Convention nationale, p. 317).
Leur diffusion aura peu d’effets. Certaines régions telles que l’Alsace, le Nord, la Bretagne refusent d’apprendre le français et de voir que l’unification nationale est à ce prix. La Terreur prévoit alors des projets de répression draconnienne : toute personne qui ignore le français, pour la seule raison qu’on ne le lui a jamais appris, devrait être déportée ou même exécutée. Ces projets n’ont pas abouti mais le changement de méthode de la politique linguistique était annoncé. Lors de cette quatrième étape, la politique linguistique s’est donc considérablement durcie.
Cependant, on retiendra la valeur historique du rapport de l’abbé Grégoire : les questions qu’il a formulées sur les langues et leur contexte politique et social, le fait qu’il les ait envoyées à l’échelle d’un pays entier et qu’il ait minutieusement recueilli les réponses font de son enquête la première grande enquête linguistique connue. Malgré son peu d’effet direct sur l’usage de la langue française, son rapport a su lancer sérieusement l’idée de la langue nationale qui fera son chemin.
Les sanctions se substituent aux propositions
Enfin, la cinquième et dernière grande étape de la politique linguistique de la Révolution se noue le 2 thermidor an II (20 juillet 1794) quand Merlin de Douai dit son rapport à la Convention (une semaine avant l’exécution de Robespierre). Il évoque l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 pour rappeler que la monarchie, qui ne visait que la soumission de ses sujets, avait interdit le latin pour imposer le français à la vie juridique. La République qui n’aspire qu’à la liberté des citoyens peut a fortiori interdire les langues régionales et imposer le français comme langue nationale. La Convention approuve son discours et adopte un décret qui complète celui du 8 pluviôse. Les quatre articles indiquent que désormais tout acte public ou privé doit être écrit en français. Plus précisément, l’article 3 déclare que :
« Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira, dans l’exercice de ses fonctions, des procès-verbaux, jugements, contrats ou autres actes généralement conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué ».
La politique linguistique apparait alors comme une arme défensive devant les risques de morcellement de la République. Cette mesure stricte fait écho à l’ordonnance de 1539. C’est la deuxième date de référence dans l’histoire de la politique linguistique en France.
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Au cours de ses cinq étapes, la politique linguistique de la Révolution française n’a pas laissé que le souvenir de sa radicalisation progressive. Trois facettes se sont dessinées : politique, institutionnelle et linguistique.
En politique, portée par un désir d’unité nationale, elle a cherché à cimenter l’identité à la République en consolidant le régime et son assise au sein de l’Europe. Puis la politique linguistique de la Révolution française a combattu plus strictement pour imposer le français comme langue nationale par sauvegarde, pour éviter les risques contre-révolutionnaires, le fédéralisme et les alliances avec les pays ennemis.
La nécessité de promulger les lois dans tout un pays a contribué à construire un pays de droit : chacun devant avoir le même accès aux mêmes lois. Le français est devenu la langue de la transparence qui diffuse les idées révolutionnaires et agit comme facteur d’égalité démocratique.
Le français a été également la langue de la liberté, de la culture et de l’honneur retrouvé. Il symbolise la liberté de s’instruire et d’accéder directement aux nouvelles lois qui font la République, la possibilité de juger par soi-même et de participer de plus près à la vie politique.
La politique linguistique de la Révolution a donc cherché à instaurer l’unité nationale, la fraternité, l’égalité et la liberté, valeurs fondatrices de la démocratie posées par la Révolution française. Le français a servi à diffuser, soutenir et appliquer les idées révolutionnaires.
D’un point de vue institutionnel, la politique linguistique aboutit par l’intermédiaire des Conventionnels à l’établissement d’une école primaire d’Etat, gratuite et obligatoire, même si la fin de la Révolution bloque cette avancée sur ces points en abandonnant progressivement l’obligation puis la gratuité de l’enseignement primaire.
Enfin, dans le domaine linguistique et en ce qui concerne la science de la langue, la politique linguistique de la Révolution restera marquée par l’importance de l’enquête de Grégoire, première enquête de ce type, et le rôle décisif du rapport de Barère, renforcé par le décret du 2 thermidor an 2, qui fait date dans l’avènement du français comme langue nationale.
En outre, les nombreuses innovations lexicales ou néologismes dus aux nouvelles réalités politiques et scientifiques, et l’enrichissement du vocabulaire par emprunt aux patois ou aux langues étrangères ont transformé le français qui change aussi de valeur symbolique : le français classique de l’Académie royale est devenu la langue de la liberté et des patriotes. Il s’est affranchi du sacro- saint « ordre direct » (sujet- verbe-complément) l et peut choisir d’inverser l’ordre des mots. Le français a pratiquement acquis son visage moderne.
Quant à l’usage proprement dit du français au sein de la République, les résultats sont plus discutables. La politique linguistique de la Révolution française n’aura pas eu les effets escomptés. L’enseignement n’a pas fait avancer l’usage de la langue française de façon remarquable. Il n’a pas bouleversé les habitudes linguistiques. Les dialectes considérés comme patois demeurent très vivants. Mais la Révolution a joué un véritable rôle d’impulsion dont on ne voit l’efficacité que sur une longue période: entre 1789 et 1815 le français est devenu la langue parlée par la majorité de la population et la prédominance des langues régionales commence à s’estomper.