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ANDRIANTSIMBAZOVINA, Joël (dir.) ; KABOU, Patrick (dir.). Laïcité et défense de l’État de droit. Nouvelle édition [en ligne]. Toulouse : Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2020. ISBN : 9782379280924. DOI : https://doi.org/10.4000/books.putc.7733.

Présentation

Depuis leur naissance, les religions traversent les sociétés. L’histoire passée et contemporaine montre qu’elles portent en elles à la fois la paix et la guerre. Elles offrent une morale et permettent à des milliers de personnes pratiquantes ou non de vivre ensemble sans acrimonie, tant que la liberté de conscience et que le libre exercice des cultes sont respectés. Malheureusement, on peut constater que tel n’est pas toujours le cas dans de nombreux coins du globe.
Il résulte de la déclaration universelle des droits de l’homme que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ». Néanmoins, il faut interroger les pratiques religieuses pour voir en quoi celles-ci peuvent générer des tensions et des violences. En effet, bien que l’éducation religieuse soit normalement vectrice de paix, certaines pratiques instrumentalisant la religion rejettent cette liberté de pensée et les modes de vies différents des leurs.
À l’heure de la sécularisation progressive du monde occidental, à l’heure où les phénomènes de radicalisation religieuse sont de plus en plus importants et à l’heure où de nombreuses régions du monde sont encore en conflit pour des raisons de croyances religieuses (en Afrique, en Europe, aux États-Unis etc..), il apparaît nécessaire de s’attarder sur les relations qu’entretiennent les droits de l’Homme, la paix et la religion.
Face à l’extrême hétérogénéité du phénomène religieux et des rapports qu’entretiennent les êtres humains avec celui-ci (croyant, pratiquant, athée, agnostique, musulman (chiite, sunnite), chrétien (catholique, protestant, évangélique), juif, hindou, bouddhiste, animiste, …), il convient de démontrer en quoi la liberté de pensée, de conscience et de religion et la liberté d’opinion et d’expression sont le socle d’un vivre ensemble et d’une cohabitation harmonieuse.
Différents moyens peuvent permettre d’atteindre un tel objectif. Pour cette deuxième édition du séminaire « Religions, Droits de l’Homme et Paix », les organisateurs proposent d’explorer la question de savoir dans quelle mesure la laïcité et la défense de l’État de droit permettent de garantir la paix entre les religions dans une société respectueuse des droits de l’Homme.
Pour ce faire, ce séminaire propose un échange de vues très large et ouvert entre différents acteurs des religions, de la société civile, de l’État et de l’Université. Il débute par un panel des doctorants autour des visions de la laïcité et se terminera par des questions de ces doctorants au panel de grand oral. Il permettra aussi des échanges autour de l’État de droit et de la laïcité, de l’État et des relations interconfessionnelles à travers le vivre ensemble dans la République, des religions et des libertés fondamentales.

Laïcité et droits des femmes au Burkina Faso
Adissa Alira
p. 113-122
Premières pages
Référence électronique du chapitre
https://books.openedition.org/putc/7853

Laïcité et défense de l’État de droit

Art. 31 de la Constitution « Le Burkina Faso est un État démocratique, unitaire et laïc ». Titre II intitulé « De l’État et de la souveraineté nationale ».


PREMIÈRES PAGES

Parler de laïcité suppose tout d’abord de faire de la tolérance le pilier de notre raisonnement. Ainsi selon la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen de 1789 en son article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses ». Cela constitue le fondement des sociétés démocratiques, modèle du monde moderne, point de repère grâce auquel on donne un jugement de valeur sur les sociétés actuelles d’un point de vue universaliste, occidental. La définition du concept de laïcité telle qu’elle ressort dans l’esprit, et même la lettre de la loi de 1905en ce qu’elle induit cette idée de tolérance, est par nature une grille de lecture intéressante pour tenter de comprendre le fonctionnement général de plusieurs sociétés. On peut ainsi avancer en suivant un fil d’ariane depuis plus d’un siècle vers l’élargissement du concept à plusieurs sphères depuis l’époque des révolutionnaires du XVIIIe et les Lumières.

Dès lors, c’est donc presque naturellement que la laïcité est consacrée dans la Constitution actuelle du Burkina Faso. De fait, il en est de même dans toutes les constitutions adoptées avant l’indépendance proclamée en 1960 et plus globalement dans toute la sphère géographique issue de la colonisation française. Ce constat permet de souligner que les principes fondamentaux qui caractérisent l’État burkinabé dans le domaine religieux sont les suivants :

  • La neutralité de l’État
  • Le respect de toutes les croyances
  • L’État est garant des intérêts de toute la nation
  • La défense et l’égalité des citoyens devant la loi sans distinction
  • L’absence d’une religion d’état et de religion de la majorité
  • La défense du pluralisme et la liberté de conscience (étant entendu que la religion relève du domaine privé) 

Ce texte présente d’abord l’évolution de la question de la laïcité dans l’histoire des Constitutions du Burkina (I). Ensuite il met l’accent sur la question des droits des femmes par rapport aux réalités du fonctionnement d’un État laïc (II). Enfin il esquisse quelques pistes de réflexion au sujet de l’émancipation des femmes citoyennes au Burkina Faso laïc (II).


I. De la laïcité au Burkina d’hier à aujourd’hui 

On le sait, laïcité et république dans les colonies françaises ont évolué dans une étroite relation qui de 1848 à 1958 a été invariablement maintenue et réaffirmée.

Les pays africains girons de la colonisation française accédant à l’indépendance dans les années 1960 comme l’ancienne Haute Volta (devenue Burkina Faso sous Thomas Sankara en 1983), ont automatiquement « importé » dans les nouvelles républiques – des constitutions calquées à partir de la constitution française avec également la langue française comme langue officielle.

Plusieurs états africains se sont mis en état de fonctionnement dès les indépendances avec la conviction que la laïcité correspondait à une certaine image d’Épinal, garantissant la liberté des croyances et celle des cultes, et qu’elle assurerait paix sociale, et convivialité entre les différents ordres religieux.

Il est constant de noter un peu partout en Afrique et au Burkina que les dispositions constitutionnelles sur la laïcité, restent néanmoins une simple stipulation non soutenue par une règlementation significative de la primauté de la loi sur les activités issues ou liées aux cultes.

Le discours sur la laïcité ressemble encore, au Burkina Faso et ailleurs dans les anciennes colonies françaises d’Afrique sub-saharienne à de simples incantations induisant chez le citoyen ou chez les dirigeants une démarche d’auto suggestion pour se convaincre du caractère vertueux des lignes de la constitution qui la proclame. Mais, cette méthode optimiste parfaitement adoptée en théorie sur la laïcité au Burkina, semble plus ou moins éloignée de la réalité du terrain. Du reste nulle part en Afrique francophone n’a eu lieu, un bon débat d’idées qui mesurerait l’adaptabilité et l’opportunité d’appropriation et d’adoption de ces notions purement et proprement étrangères qui sous-tendent le modèle institutionnel français importé. On peut soutenir qu’il y a autant de laïcités sur les continents que de pays.


II. La Question de la laïcité et les Droits des Femmes, entre droits formels et droits réels
A. Une question complexe

La question du rapport entre le principe républicain de laïcité et les droits des femmes est une question complexe. Certes, il est vrai que l’accès des femmes à de nombreuses fonctions élevées est une preuve de l’exercice ou de la jouissance des droits civils, politiques et sociaux par celles-ci en tant que citoyennes au Burkina Faso. Mais, dans quelle mesure le fait que l’État se définisse comme « État laïc » dans ce pays, permet-il cet exercice ou cette jouissance effective des droits en ce qui concerne les femmes ?

Une perspective nous semble féconde pour traiter cette problématique. Cette perspective réside dans la distinction qui est établie dans les sciences sociales entre, d’une part, les droits formels, et d’autre part, les droits réels.

Ceci justifie la question suivante : comment les femmes du Burkina Faso exercent-elles leurs droits fondamentaux dans un État laïc ? Cette question entraine quelques autres toutes aussi pertinentes s’agissant d’un pays comme le Burkina qui compte environ 30% de chrétiens, 30% de musulmans et 30% d’animistes, les 10° restant pouvant être classés comme « sans religion ».

Comment les femmes pratiquent-elles la laïcité au regard de leurs appartenances religieuses ?

Qu’en est-il des femmes rurales et des femmes urbaines, des femmes adultes ou des plus jeunes, des femmes scolarisées et des femmes non scolarisées, des femmes diplômées et celles qui ne le sont pas ?

Autre interrogation : en quoi l’expérience des femmes dans l’exercice de leurs droits quotidiens est-elle différente de celle des hommes ? Et d’ailleurs, ces questionnements ne se justifient-ils pas pour toutes les anciennes colonies françaises ayant importé, le modèle institutionnel de la Vème République française ?

On peut répondre à ces diverses interrogations en montrant d’abord le contexte dans lequel les femmes vivent cette citoyenneté au Burkina.


B. Le contexte actuel et la citoyenneté des femmes

https://books.openedition.org/putc/7853#tocto2n2


Auteur
Adissa Alira
École de la Paix, Grenoble

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