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HORRENT, Jules. La chanson de Roland dans les littératures française et espagnole au Moyen Âge. Nouvelle édition [en ligne]. Liége : Presses universitaires de Liège, 1951. Disponible sur Internet : . ISBN : 9782821838734. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pulg.1307

« Parmi les œuvres poétiques que la France a diffusées dans la péninsule, il en est une qui a particulièrement retenu l’attention des Espagnols : la Chanson de Roland »


Présentation

Il est des fictions universelles, qui ont été accueillies par tous les peuples d’Europe ; il est des fictions accessibles seulement à quelques peuples. La dramatique aventure des amours de Tristan et d’Iseut est de celles-là, la Chanson de Roland, de celles-ci. Tandis que la légende de l’amour plus fort que la mort éveille partout des résonances endormies, le récit de la mort héroïque du neveu de Charlemagne ne dépasse qu’accidentellement les marches de la chrétienté occidentale. C’est que l’idéal de ce récit est celui de cette vaste communauté, unie par et pour la lutte contre l’ennemi religieux et politique, contre le Sarrasin qui fait peser sa menace en Espagne et en Moyen-Orient. La Chanson de Roland est la geste de l’Occident militant

Chapitre I. Les débuts de la Chanson de Roland dans la péninsule ibérique
p. 437-446
Référence électronique du chapitre
https://doi.org/10.4000/books.pulg.1337


EXTRAIT

1. Esquisse historique des rapports entre la France et la Péninsule ibérique

Il n’y a pas de Pyrénées. Depuis les temps les plus reculés, le puissant rempart qui sépare l’Ibérie de l’Europe a été traversé par les peuples les plus variés et les influences les plus diverses. Les Pyrénées n’ont pas isolé l’Ibérie du reste du monde : les voies romaines les franchissaient par des ports accessibles et répandaient dans la péninsule les légions guerrières ou les foules pacifiques. Au cours des siècles, par les rares cols pyrénéens, l’Ibérie resta attachée au pays européen le plus voisin, la Gaule, la France. Même à l’époque où l’Afrique annexa la péninsule, le contact ne fut jamais rompu. Toujours les passes pyrénéennes furent foulées par les gens du Nord.

L’Espagne presque entière est aux mains des Arabes. Charlemagne profite d’une occasion pour renouer une vieille tradition : franchir les Pyrénées et s’avancer au-delà. « Cum enim adsiduo ac pene continuo cum Saxonibus bello certaretur, dispositis per congrua confiniorum loca praesidiis, Hispaniam quam maximo poterat belli apparatu adgreditur ; saltuque Pyrinei superato, omnibus quae adierat oppidis atque castellis in deditionem acceptis. » Mais il ne réussit pas, contrairement à ce que pourraient faire croire les imprécisions calculées d’Eginhard, à pénétrer réellement en Espagne : Pampelune fut rasée, Huesca et Gerone tombèrent, mais Saragosse resta invaincue. Peu importe d’ailleurs, peu importe aussi que les minces conquêtes carolingiennes aient été fugitives : Charlemagne avait de nouveau attiré l’attention sur le chemin de l’Espagne. A l’avenir, on n’allait pas manquer de suivre son exemple.

A la fin du viiie siècle, le futur Louis le Pieux, alors roi d’Aquitaine, occupe Vich, Lérida, Barcelone, Tortose et fonde la marche carolingienne d’Espagne. Le contact entre la France et l’Espagne devient plus étroit.

Peu après 800 se produisit un événement capital qui allait à la fois fortifier, diversifier et intensifier les relations franco-espagnoles, jusque là militaires et souvent hostiles : la découverte du pseudo-tombeau de saint Jacques le Majeur en Galice. Le sanctuaire édifié en son honneur à Saint-Jacques de Compostelle, lieu de prédilection des pèlerins d’Outre-Pyrénées, allait devenir rapidement le terme d’une voie de pèlerinage qui, traversant toute l’Espagne chrétienne, se faufilant à travers les Pyrénées et parcourant toute la France, devait être comme un vivant trait d’union entre les deux nations. Cette voie espagnole, appelée le camino francés, allait être foulée au cours des siècles par des multitudes de Français, d’Italiens, d’Occidentaux, tant soldats et chevaliers que pèlerins, clercs, moines ou jongleurs. Dès la fin du xe siècle, la route connaît une intense animation.

Lent courant pacifique des colons, des croyants de saint Jacques, troupes ardentes des croisés, le fleuve français se répand en Espagne et la fertilise. Il ne peut être question pour nous de retracer les relations historiques entre la Péninsule et la France. Rappelons simplement les peuplements « francs » à Logroño, Burgos, Sahagún, Salamanque ; l’aide incessante de la chevalerie française à la Reconquista, dès la fin du ixe jusqu’au xiiie siècle ; la diffusion des réformes clunisiennes dans la péninsule ; les alliances familiales entre princes chrétiens d’Espagne et seigneurs français tant du Nord que du Midi ; le rayonnement de l’art littéraire français dans l’ancienne Ibérie à la suite des voyages innombrables des jongleurs.


2. L’Espagne et la Chanson de Roland

Parmi les œuvres poétiques que la France a diffusées dans la péninsule, il en est une qui a particulièrement retenu l’attention des Espagnols : la Chanson de Roland. Qui ne le comprendrait ? Ce poème, n’est-ce pas réellement un morceau d’Espagne ? Ses origines ne sont-elles pas une « bataille espagnole » ? Le climat moral du poète ne s’apparente-t-il pas à celui des croisades d’Espagne ? Sa localisation romanesque, n’est-ce pas l’Espagne ? Sa fiction, n’est-ce pas une lutte en Espagne — et même contre l’Espagne ? Peu d’œuvres étrangères recèlent en elles, à un degré aussi puissant, de quoi passionner l’Espagne et l’Ibérie tout entières. Peu d’œuvres ont réussi à les passionner autant.


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