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« Allen J. Scott – Prix Vautrin Lud 2003 », Géographie, économie, société, vol. vol. 6, no. 1, 2004, pp. 5-8.
Félicitations à Allen ! Allen John Scott, membre de notre équipe de rédaction depuis la fondation de la revue, a été désigné pour le prix Vautrin Lud (le « Nobel » des géographes) de 2003. Ainsi il rejoint deux autres membres fondateurs de GES, Paul Claval et Milton Santos (décédé depuis), également distingués par le même prix.
Allen est né en Angleterre en 1938. Ancien d’Oxford, il a terminé son PhD à Northwestern University, aux États-Unis. Après un bref passage à l’université de Pennsylvanie, il a travaillé à Toronto (1973-1981), puis s’est installé à Los Angeles, où il a largement contribué à la formation d’un des départements de géographie les plus réputés des États-Unis : il est cofondateur et ancien doyen de la School of Public Policy and Social Research. Il a dirigé le Lewis Center for Regional Policy Studies, et actuellement il est directeur du Center for Globalization and Policy Research. Il est également membre correspondant de l’académie britannique. Il a été professeur invité dans de nombreuses universités dans le monde, et notamment à Paris.
Initialement, il a été intéressé par les méthodes quantitatives et la science régionale, puis c’est sur l’économie foncière qu’il a mené ses réflexions. Fasciné par les nouveaux secteurs industriels, leur comportement et leur organisation spatiale, il a analysé le système productif postfordiste et l’économie métropolitaine de la fin du XXe siècle. Les travaux actuels d’Allen Scott portent sur les questions du développement régional, sur l’économie culturelle des villes ainsi que sur la mondialisation de l’économie.
Il a publié plusieurs articles en français, notamment dans GES, mais aussi dans Espaces et Sociétés, et la traduction de son livre Les Régions de l’économie mondiale a paru en 2001 chez L’Harmattan.
Nous regrettons que l’université parisienne, où il a été candidat une fois, lui ait refusé le poste. Les commissions des spécialistes, hélas !, ne choisissent pas toujours les meilleurs spécialistes d’entre eux.
Nous souhaitons encore beaucoup de succès à Allen, ainsi que des excellents résultats de recherches en géographie économique.
G.B.
Vous me faites un rare honneur en m’accordant
le prix Vautrin Lud pour l’année 2003.

Monsieur le maire, madame et messieurs les membres du Comité Vautrin Lud,
Mesdames, Messieurs,
Vous me faites un rare honneur en m’accordant le prix Vautrin Lud pour l’année 2003.
Je suis surtout sensible au fait que cet honneur me soit rendu à Saint-Dié-des-Vosges, une ville que l’on peut désigner sans aucune exagération comme la capitale internationale de la géographie moderne. C’est aussi un honneur pour moi que ce prix soit décerné par un comité qui siège en France, pays célèbre pour la distinction de son école nationale de géographie.
Lors de mon premier apprentissage de la géographie, à l’université d’Oxford, j’ai été nourri par les textes classiques de cette école, surtout les écrits de Vidal de la Blache, Brunhes, Demangeon, Blanchard, de Martonne, pour ne citer que quelques exemples dans une très grande liste.
Me trouver aujourd’hui marchant directement sur les traces de ces grands fondateurs de notre discipline est une expérience qui exige de ma part une grande modestie, en dépit du prestige qui est attaché à ce prix.
Bien sûr la géographie a évolué d’une manière extraordinaire depuis ce moment formateur. Mais si la géographie contemporaine semble être loin de ses racines dans la géographie classique – sans toutefois les renier – cela n’est pas un signe de faiblesse mais plutôt de vigueur et de puissance intellectuelle.
En fait, la science géographique n’a jamais été en meilleure santé qu’à l’heure actuelle. Son influence ne cesse de croître dans toutes les sciences. Elle pénètre jusque dans la réflexion philosophique et elle est en même temps de plus en plus indispensable dans le domaine de l’administration publique et des affaires civiques. Elle apporte par ailleurs un œil critique et sévère sur tout ce qui concerne l’injustice sociale et l’oppression politique.
Quelle que soit la valeur de mon propre travail dans cette discipline à la fois exigeante et passionnante, je considère que j’ai joui d’un privilège exceptionnel en m’étant trouvé dans une position où je pouvais d’une certaine manière participer au flux historique de son développement intellectuel.
Cela dit, on ne cultive jamais le vignoble tout seul. Mon travail doit tout aux collègues, un peu partout dans le monde, qui ont contribué à la floraison de la discipline, et qui continuent de pousser en avant les frontières de la recherche géographique. Je tiens particulièrement à remercier mes collègues de UCLA, qui ont créé une ambiance académique qui a bien encouragé et soutenu mes recherches.
À l’heure actuelle, la géographie est confrontée à une série de défis nouveaux d’un intérêt considérable, d’ordres théorique, pratique et politique. Je pense surtout au défi énorme posé par la mondialisation et les bouleversements qu’elle engendre dans tous les domaines de la vie humaine.
Or la mondialisation est par excellence un problème géographique, et je fais confiance à la communauté des géographes pour être à la hauteur de la tâche de construire une géographie à la fois humaine et humaniste de ce monde nouveau qui déferle devant nous.
J’ai d’autant plus confiance en l’avenir de notre discipline qu’ici, au Festival international de géographie, une grande tradition de débat et de réflexion s’est établie, qui continuera sans aucun doute à attirer les géographes de tous les pays du monde. Cette tradition a déjà énormément contribué à la consolidation de la géographie comme une entreprise pleinement internationale de travail scientifique.
Enfin, ce qui n’est pas le moindre des accomplissements de ce festival, c’est qu’il donne aussi une occasion sans pareille d’exprimer les qualités de convivialité et de joie de vivre qui sont uniquement propres à la géographie.
Je vous remercie.
A.J.S.
Lire sur cairn : https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2004-1-page-5.htm