source : http://expositions.bnf.fr/afp/arret/1/

L'Agence France-Presse BnF

La plus ancienne des agences mondiales de presse a véritablement vu le jour en 1835, dans une modeste officine de traduction de journaux étrangers établis à Paris au début des années 30 par un ex-banquier d’origine normande, Charles-Louis Havas (1783-1858).

L’inventeur de cette agence – aujourd’hui I’AFP – était plongé dans les pires déboires d’argent à l’époque où, la cinquantaine passée, il conçoit son singulier projet : fournir à la presse, française puis étrangère, des informations sur ce qui se passe dans le monde.


La naissance de l’Agence Havas (1835)

Charles-Louis Havas débute petitement. Logé en face de l’hôtel des Postes où il va, tous les matins, chercher les journaux étrangers, il traduit, avec l’aide de sa femme, les informations qui y sont contenues. Lui, de l’anglais et de l’allemand, elle, de l’espagnol et du portugais. En 1832, il fait un voyage à travers l’Europe et y recrute des correspondants. Depuis l’avènement du roi Louis-Philippe (1830), la presse a acquis un peu de liberté et les tirages augmentent.

En 1835, Havas s’adjoint des collaborateurs et fonde « L’Agence des Feuilles Politiques – Correspondance Générale ». C’est le début officiel de la première agence de presse au monde. L’ex-banquier parvient bientôt à monopoliser la collecte et la distribution des nouvelles de l’étranger, devenant une sorte de journal des journaux. Honoré de Balzac, journaliste à ses heures, raconte dans l’un de ses écrits, des 1840, le succès grandissant de cette entreprise, dont il condamne avec aigreur le peu d’inclinaison pour les éditoriaux et la préférence marquée pour l’information factuelle. Mais n’est-ce pas, rétrospectivement, un éclatant bien qu’involontaire hommage que l’auteur de La Comédie humaine adresse à Charles-Louis Havas lorsqu’il lui tient grief de « vénérer le fait » plus que « les principes » et de « servir toutes les administrations avec une égale fidélité » ? Car l’agence Havas sert aussi bien le pouvoir, à Paris et en province, que les journaux gouvernementaux et d’opposition, la presse étrangère et les particuliers.


L’avènement du télégraphe (1845)

Les moyens de transmission deviennent très vite l’une des clés de cette réussite. Le télégraphe optique existe déjà, mais le cheval reste le mode de transport le plus courant. Havas gagne du temps en mettant sur pied un courrier par pigeons voyageurs entre Paris et Boulogne, par où transitent les nouvelles de Bruxelles et de Londres : quatre heures, au lieu des quatorze que prend le cheval. À partir de 1845, l’agence utilise le télégraphe électrique, invention qui sera à l’origine de son extraordinaire essor.

L’agence française fait école

Dès le début des années 1850, l’agence française fait école ; des rivaux apparaissent. Paul Julius Reuter, fils d’un rabbin de Cassel (Allemagne), travaille d’abord chez Havas, avant de créer une agence concurrente à Londres, en 1851, année où les capitales britannique et française sont reliées par le télégraphe. Un autre allemand, Bernard Wolff, fonde dès 1849 une agence télégraphique à Berlin. Les agences de presse, dont l’expansion rapide est la conséquence directe de l’apparition du télégraphe, sont le mieux et le plus rapidement informées de ce qui se passe dans le monde. Elles deviennent puissantes et se font respecter des gouvernements, tandis que les tirages des quotidiens, leur clientèle, ne cessent de monter. Le Petit Journal de Paris, par exemple, frôlera en 1869 le chiffre, exorbitant pour l’époque, de 600 000 exemplaires.


L’essor de la publicité

La publicité connaît un essor analogue et Havas en profite pour proposer à ses abonnés de prendre en régie leurs colonnes d’annonces. À partir de 1857, le tandem information-publicité est solidement établi par les fils et héritiers de Havas, Charles-Guillaume et Auguste. Ce sera la base de l’immense prospérité de cette agence pendant toute la seconde moitié du XIXe et le premier tiers du XXe siècle.

Pendant ce temps, les progrès de la télégraphie se poursuivent. La guerre de Crimée (1854-56) voit le réseau européen s’étendre jusqu’à Saint-Petersbourg et au Bosphore. Les dépêches des envoyés spéciaux, celles du correspondant du Times de Londres, notamment, font date : elles parviennent dans les capitales occidentales avant que les gouvernements n’aient été informés par les voies officielles des événements – et des bévues militaires – qui y sont relatés. En 1866, le câble transatlantique reliant l’ancien et le nouveau continents devient opérationnel. L’information acquiert alors une dimension inédite, l’instantanéité. L’année d’avant encore, la nouvelle de l’assassinat du président Lincoln, le 15 avril 1865, avait mis onze jours pour atteindre Paris.


Un partage du monde de l’information

Pour consolider leurs positions et barrer la route à d’éventuels nouveaux venus, les trois agences européennes ne tardent pas à mettre leurs réseaux télégraphiques en commun et à se partager le monde de l’information en zones d’influences : Havas exploitera l’Europe méridionale, les possessions françaises d’outre-mer et, à partir de 1876, l’Amérique Latine ; Wolff, le centre, l’est et le nord de l’Europe ; Reuter, l’Empire britannique et l’Extrême-Orient. Une quatrième agence, l’américaine Associated Press, née en 1848, sera souveraine en Amérique du Nord.

Ce cartel des grandes agences durera jusqu’au seuil de la première guerre mondiale, assurant à chacun de ses membres, et notamment à Havas, un bon demi-siècle de coudées franches avec, en toile de fond, la révolution industrielle et l’expansion coloniale.


L’âge d’or du Second Empire et de la Ille République (1852-1940)

L’agence Havas connaît sous le Second Empire (1852-70), puis sous la plus grande partie de la IIIe République, son âge d’or. Entreprise privée, elle cesse cependant dès 1879, d’être une affaire familiale car aucun des deux fils Havas n’a de descendant. Son nouveau statut est celui d’une société anonyme au capital réparti en 17 000 actions. Deux jeunes hommes – tous deux normands comme le fondateur – se succèdent à la tête de l’agence : Edouard Lebay à l’âge de 29 ans, de 1879 à 1899, et Henri Houssaye à 47 ans, de 1900 à 1912.

Un certain nombre d’inventions de cette fin du XIXe siècle (téléscripteur, téléphone, radio) permettent d’accélérer le débit et d’augmenter le volume des informations, au prix d’importants investissements en hommes et en matériel. Au risque, aussi, de voir surgir de nouveaux concurrents puisque le téléphone, et plus encore les ondes radio, leur donnent la possibilité de contourner le monopole télégraphique des grandes agences.

Les bulletins d’informations générales d’Havas, imprimés sur de grandes « feuilles télégraphiques », sont distribués à une cadence qui atteindra, après 1918, onze par jour, soit environ 40 000 mots. En 1975, le nombre de mots débités quotidiennement sur le fil français (informations générales et sport) de l’agence sera de 100 000. Quant au total fourni par l’ensemble de ses services, il dépassera les 600 000 mots.


L’avènement du téléscripteur

L’avènement du téléscripteur va permettre de s’affranchir des contraintes archaïques du système Morse, dont l’alphabet, fait de traits et de points, n’est pas accessible à n’importe qui. Vers 1895, l’agence Havas installe dans nombre de cafés et de banques à Paris des « tickers » ou « printings » mis au point par ses propres services techniques, pour la diffusion des nouvelles hippiques et financières.

L’information politique mettra du temps à leur emboîter le pas. Certains journaux parisiens ne se convertiront au téléscripteur qu’au début des années 1920. La livraison des dépêches aux abonnés sera ainsi, pendant longtemps, l’apanage des cyclistes-porteurs.

En 1879, la rédaction centrale de l’agence Havas compte 180 personnes. En 1914, elle en emploie 350, plus quelque 400 correspondants et pigistes en province, et entre 125 et 150 personnes à l’étranger.


La crise

La « grande guerre » et les nationalismes exacerbés qui l’ont amenée annoncent déjà la fin des alliances entre grandes agences et le déclin de leurs systèmes d’échanges d’informations. Chaque agence apparaît, qu’elle le veuille ou non, liée à la stratégie géopolitique du pays où elle a son siège. La censure et le blocus de l’information, qui avaient largement épargné le demi-siècle précédent, s’installent en force, mettant l’agence Havas en difficulté dans les pays neutres, notamment en Amérique Latine, où ses concurrentes américaines la supplantent.

Dans l’entre-deux-guerres, devenue holding, l’agence voit sa branche publicité prendre le pas sur sa branche information. Celle-ci, peu à peu déficitaire, doit recourir à des subventions d’État et perd ainsi une partie de son indépendance. En 1936, Léon Blum met en cause le double monopole de l’agence Havas sur la presse et la publicité : « La servante est devenue maîtresse, elle ne sert plus les ministres, elle les fait. » Le chef de la SFIO demande la séparation des deux branches mais ne l’obtient pas. Ce n’est que sous l’occupation allemande que le changement s’opère : le secteur publicité de l’agence devient une société mixte à participation allemande et garde le nom d’Havas ; la branche information est, quant à elle, nationalisée et s’appelle désormais l’Office français d’information (OFI). Cet organisme est essentiellement basé à Vichy et à Clermont-Ferrand mais il est également représenté à Paris où il occupe les anciens bureaux de l’agence Havas, place de la Bourse. À l’étranger, il n’y a plus ni bureaux ni correspondants.


Vers le statut de 1957

La guerre finie, la branche information de l’ex-agence Havas (séparée de la partie publicité, qui demeurera nationalisée) renaît de ses cendres sous l’impulsion de journalistes issus de la Résistance ou ayant combattu dans l’exil. Elle s’appellera Agence France-Presse et vivra treize ans sous le régime provisoire d’un établissement public doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière.


Le renouveau

Période délicate, semée d’embûches : les gouvernements de la IVe République sont « changeants », la presse française renaissante est pauvre, et l’État, qui cherche à rétablir son prestige international, doit soutenir financièrement une agence qui en est à reconstruire à la fois son réseau de correspondants et son audience mondiale, tous deux très ébranlés. La première opération de reconquête est lancée en Chine, pays où l’AFP conserve, encore aujourd’hui, une situation privilégiée.

L’effort est de taille et, bientôt, il commence à porter ses fruits. Le scoop sur la mort de Staline, le 6 mars 1953 en est un bel exemple. Grâce à son service d’écoute des radios de Moscou et des autres capitales de l’Europe de l’est, l’AFP lance un flash qui tombe un quart d’heure avant l’annonce officielle de ce décès par Radio-Moscou. Son avance mondiale va de deux minutes aux États-Unis à 30 minutes dans d’autres parties du monde.

Le « patron » de l’AFP qui aura le plus longtemps associé son nom à celui de l’agence durant cette période de renouveau est Jean Marin, un ancien de l’émission de la BBC « les Français parlent aux Français », dont le mandat durera de 1954 à 1975.


Un statut

Une loi votée en 1957 dotera enfin la grande agence française d’un statut définitif qui lui apportera, outre l’indépendance à l’égard du gouvernement, garantie par un Conseil Supérieur formé de personnalités extérieures aux pouvoirs en place, une structure et des règles de fonctionnement proches de celles d’une coopérative de l’ensemble de la presse française.


La révolution numérique

L’agence subit une véritable mutation dans les années 1980. Pour rester dans la course des agences mondiales, elle doit à la fois mettre en place un réseau de communications de plus en plus dense, se décentraliser, s’adapter aux nouvelles technologies informatiques et se doter d’un service photo international. Pour distribuer ses services sur tous les continents, l’AFP utilise trois circuits distincts, satellitaire, télégraphique et radiotélégraphique, auxquels sont reliés les téléscripteurs. De grands centres régionaux de production et de diffusion sont créés dans un premier temps à Hong Kong, Washington et Nicosie puis ensuite à Montevideo. Ils sont reliés à l’ordinateur central de Paris mais possède aussi leur autonomie informatique. C’est aussi de Paris que sont dirigés les bureaux d’Europe et d’Afrique.


L’aventure de la photographie

En 1985, l’agence se lance dans l’aventure de la photographie. Un grand projet dont l’objectif est d’atteindre le premier rang des agences mondiales et l’ambition de réunir les meilleurs photo-reporters. Pour cela, elle doit développer des technologies de pointe pour la capture, le traitement et le transport des images.

Durant ces dix dernières années, une véritable révolution technologique s’est produite, aussi bien dans l’imagerie numérique que dans la rapidité des transmissions. Le bélinographe, ancêtre des transmetteurs d’images, créé en 1907, était encore employé dans les rédactions jusqu’à la fin des années 1980. L’arrivée du premier ordinateur de transmission d’images baptisé Dixel, développé avec le fabricant suédois Hasselblad en 1988, peut être comparée, dans cette révolution en marche, à l’apparition d’appareils de petit format, maniables et rapides comme le furent en leur temps le Rolleiflex ou le Leica.

En amont de la chaîne, l’équipement du photo-journaliste a évolué très vite au fil des années : les lourdes cantines en zinc qui transportaient les bacs à développement des images argentiques, installés le soir dans les salles de bains d’hôtel, ont laissé la place aux harnais près du corps et aux ceintures bananes qui contiennent le mini-ordinateur et l’antenne hertzienne permettant de diffuser, à partir du lieu même de la prise de vue, le cliché numérique pris une seconde avant. En 1985, chaque image noir et blanc mettait de 7,30 à 15 minutes pour parvenir au siège ; aujourd’hui moins d’une minute suffit pour transporter des images couleurs sur des lignes à haut débit. Quatre minutes après que le champion olympique du 100 mètres a franchi la ligne d’arrivée, son image de vainqueur est dans les ordinateurs des rédactions photo de tous les journaux du monde.


Le département photo

Le département photo de l’AFP rassemble aujourd’hui 370 personnes dont 270 reporters-photographes, soit un réseau mondial capable de se mobiliser dans la minute. Tout comme leurs confrères du texte, les photographes ont pour mission de couvrir les événements de leur début à leur dénouement et ils se relaient sans interruption pour informer les médias 24 heures sur 24, produisant une moyenne de 1 000 photographies par jour.

Derrière ces reporters-photographes, d’autres métiers assurent la continuité de la chaîne de l’information visuelle : éditeurs, documentalistes, spécialistes de laboratoire accompagnent, hiérarchisent, retraitent, diffusent et indexent leurs images. Images de l’actualité chaude, mais aussi images qui illustrent et éclairent l’histoire de nos sociétés. Jour après jour, ces images contribuent à enrichir le fonds de l’AFP : aux 7 millions de négatifs stockés dans les archives s’ajoutent aujourd’hui 1 700 000 photos numérisées disponibles dans notre banque d’images et qui croissent au rythme de plus de 300 000 par an.


http://expositions.bnf.fr/afp/arret/1/


 

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