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Par Louise Sallé le 21.06.2017 à 18h24
Présente dans près de 120 pays et plus d’un millier de villes aux quatre coins du monde, la Fête de la musique s’est implantée à l’étranger. Tout en conservant sa marque de fabrique française?

» En 1982, le 21 juin – le jour du solstice d’été – le Ministre de la Culture Jack Lang lance la première édition de » Faites de la musique » (Make Music Day) en France. » Sur des sites italiens, belges, allemands, ou encore américains dédiés à l’organisation de la Fête de la musique dans leur pays, cette phrase rappelle au monde entier l’origine française de l’événement. Plus de cent pays et près d’un millier de villes reprennent aujourd’hui cette initiative française et la réadaptent à leur façon. Quel rôle a donc joué la France dans son exportation?
Un « soft power » français?
La Fête de la musique ne constitue pas une forme de « soft power » français au sens où on voudrait l’entendre. Des instituts culturels ont certes favorisé son exportation à l’international en organisant des événements musicaux le 21 juin à l’étranger, mais les pays se sont rapidement réapproprié le projet pour l’organiser indépendamment de la France.
L’internationalisation de la Fête de la musique a donc démarré en 1985, à l’occasion de l’Année européenne de la Musique. « Les réseaux culturels français ont été sollicité, comme l’Alliance Française, par le Ministère de la Culture » nous explique Laurence Lalatonne, responsable de l’action culturelle auprès de la Fondation Alliance Française. « Avec la Fête de la francophonie, la Fête de la musique est devenue rapidement un événement incontournable du paysage culturel français ». Une charte a été signée à Budapest en 1997, pour s’ouvrir à tous les partenaires internationaux souhaitant s’y associer. Une seule condition cependant: le respect du principe de la gratuité ainsi que de la diversité de la musique jouée et du public. Un site internet et un European Day of Music ont alors vu le jour pour promouvoir l’événement à grande échelle. Outre-Atlantique, il a pris la forme du Make Music Day.
Il n’y a donc pas de version « made in France » et un label protégé « Fête de la musique » imposés dans les pays étrangers. Le projet est réadapté localement, dans chaque ville désirant le développer. D’après le Ministère de la Culture, la France n’a jamais cherché à mettre la main sur le déroulement des « Fêtes de la musique » à travers le monde. Pourtant, c’est son idée, et elle a un logo, repris par certains sites dont le site allemand, comme une preuve d’authenticité. Mais, toujours selon le Ministère de la Culture, « la fête appartient à tous ceux qui la font ». L’objectif de la France n’est donc pas de déposer, diffuser et imposer une marque, ou de grandir son influence à l’étranger par ce moyen culturel.
« La fête appartient à tous ceux qui la font »
Et on le comprend. « Il s’agit d’un événement international, qui concerne tout le monde et donc pas seulement la France », nous explique Aaron Friedman, président de Make Music Alliance qui coordonne le Make Music Day (en raison de l’ancienne appellation « Faites de la musique ») dans une centaine de villes aux Etats-Unis. Aaron Friedman est un musicien-compositeur new-yorkais. En visite en France durant l’été 2006, il découvre la Fête de la musique et s’enthousiasme pour son dynamisme et son énergie. « Aux Etats-Unis, il y avait une vraie demande d’événement fédérateur de ce type autour de la musique, et j’ai saisi l’occasion d’importer la Fête de la musique ». Il lance le « Make Music Day » pour la première fois à New-York le 21 juin 2007, lors duquel ont lieu 560 performances musicales en plein air. C’est un véritable succès qu’il décide d’étendre à d’autres villes des Etats-Unis. Elles sont maintenant 62 à l’organiser.
Bien qu’étant une initiative locale et citoyenne, la naissance de la Fête de la musique américaine a nécessité le soutient de ses créateurs. « J’ai rencontré Jack Lang en personne, et j’ai discuté avec des membres du Ministère de la culture pour m’informer sur la façon dont je devais m’y prendre. », nous apprend le Président de Make Music Alliance. « Mais notre version de la Fête de la musique est assez différente de la version française. Elle ne se base pas sur une initiative gouvernementale mais sur une initiative totalement citoyenne, et ne dispose pas, comme en France, du réseau de communication du Ministère de la Culture. », ajoute-t-il. Make Music Alliance est en effet soutenue par une fondation, NAMM (National Association of Music Merchants), qui se charge de promouvoir les innovations instrumentales des entreprises musicales, ainsi que de favoriser la pratique musicale à tout âge.
Ainsi, la « Fête de la musique » n’est pas une marque culturelle française exportée à l’étranger, mais bien un modèle réadapté et transformé dans chaque pays, par la société civile.
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