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Michel-Eugène Chevreul (1786-1889) est connu des chimistes pour ses recherches sur les corps gras (1810-1823) et l’analyse immédiate organique (1824) ; les peintres et tous ceux dont le métier met en œuvre des couleurs (teinturiers, imprimeurs, publiscistes, photographes, jardiniers, architectes, maîtres verriers…) reconnaissent en lui un théoricien de la couleur.


Travaux et publications

Né à Angers le 31 août 1786, élève à Paris de Vauquelin qui l’introduit au Muséum d’Histoire naturelle, il lui succède dans cette place comme professeur de chimie appliquée aux corps organiques en 1829 et restera au Muséum jusqu’à sa mort, survenue le 9 avril 1889. Intervenant à l’époque du Blocus imposé par Napoléon ses premiers travaux portent sur la recherche et l’extraction de colorants indigènes pour teindre les draps militaires.

Entre 1807 et 1813, il publie 27 notes ou mémoires dont 11 portent sur des matières colorantes végétales : indigo, pastel, tournesol, bois de Campêche, bois du Brésil. En 1810, Chevreul isole l’hématoxyline, colorant rouge, du bois de Campêche, et il obtient le premier noir de qualité sous forme d’une combinaison de l’hématoxyline avec des sels de chrome. La structure du complexe, sans doute macromoléculaire, reste à ce jour non élucidée.

Le 9 septembre 1824, Louis XVIII le nomme Directeur des teintures aux Manufactures royales de tapisseries et de tapis des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie ; il le restera jusqu’en 1883. Il y donne un cours de chimie appliquée à la teinture qui le met en relation avec de nombreux teinturiers de province, ou même étrangers. Dès lors, les recherches sur la couleur qu’il conduit dans son laboratoire des Gobelins prendront le pas sur ses travaux de chimie. Elles l’occuperont prioritairement et se rapportent à ce qu’on appelle aujourd’hui la psychophysique des couleurs et à leur métrologie.

« Presque au début de ses fonctions de directeur des teintures, [il] avait reçu des plaintes sur la qualité de certaines couleurs sorties de son atelier », en particulier les noirs. À cela il reconnaît deux raisons, un défaut de stabilité à la lumière pour les unes, un mauvais contraste pour les autres. Lorsqu’on juxtapose deux objets colorés, ou lorsqu’on les regarde successivement, chacun influence la perception qu’a l’œil de la nuance et du ton de l’autre. « […] dans le cas où l’œil voit en même temps deux couleurs qui se touchent, il les voit les plus dissemblables possibles ». C’est, dit-il, « une modification qui se passe en nous ».

Ampère l’incita à formuler ses observations sous forme de loi. C’est ainsi qu’en 1839 il fait paraître un volumineux ouvrage, dans lequel il envisage de façon quasi-exhaustive toutes les applications de la couleur : « De la loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés considéré d’après cette loi dans ses rapports avec la peinture, les tapisseries des Gobelins, les tapisseries de Beauvais, pour meubles, les tapis, la mosaïque, les vitraux colorés, l’impression des étoffes, l’imprimerie, l’enluminure, la décoration des édifices, l’habillement et l’horticulture », dans lequel il prescrit, « pour produire un effet agréable, le rapprochement de couleurs complémentaires ».

L’ouvrage fut ré-édité aux frais de l’Etat en 1889 à l’occasion du centenaire de Chevreul. Loin d’être dépassé, il figure parmi les douze livres les plus importants sur la couleur. Cet ouvrage, selon lui, « est tout aussi expérimental et positif que les deux précédents » (sur les corps gras et sur l’analyse organique). Il est « donc bien le fruit de la méthode a posteriori ; des faits sont observés, définis, décrits, puis ils viennent se généraliser dans une expression simple qui a tous les caractères d’une loi de la nature. Cette loi, une fois démontrée, devient un moyen a priori d’assortir les objets colorés pour en tirer le meilleur parti possible […] ».

Chevreul établit encore la loi du mélange des couleurs. On lui doit aussi le catalogue le plus complet des teintes anciennes sous la forme de cercles chromatiques qui constituent un système de mesure des couleurs. Il est aujourd’hui informatisé sous le nom de système NIMES par la Manufacture des Gobelins. Dès 1840, on trouve dans les ateliers d’impression des tableaux usuels des contrastes. Les lois de Chevreul fournirent aux coloristes les moyens d’éliminer les effets indésirables des contrastes, en corrigeant l’effet de jaune par exemple, imposé au vert lorsqu’il est juxtaposé au bleu, par le choix d’une nuance opposée. Par ses lois Chevreul conférait ainsi à ces « accidents » un caractère d’universalité scientifique. Dans l’interview qu’il accorde à Nadar pour son centième anniversaire, annonçant le symbolisme et l’abstraction, « pour copier fidèlement le modèle coloré, il faut, dit-il, en faire la copie autrement qu’on le voit ».

En 1842-1843, Chevreul fit un cours aux Soyeux lyonnais sur la couleur, à la demande du Ministre de l’Agriculture et du Commerce. Comme juré de nombreuses expositions industrielles, membre de commissions ministérielles et président du Comité consultatif des Arts et Manufactures, il fut aussi en contact avec de nombreux artistes et peintres concernés par la couleur. En 1855, paraissent des Cercles chromatiques de M.-E. Chevreul, reproduits au moyen de la chromochalcographie. En 1864 un second ouvrage vient compléter sa loi de 1839 : « Des couleurs et de leurs applications aux arts industriels à l’aide des cercles chromatiques », puis en 1879, des « Compléments d’études sur la vision des couleurs », consacrés au contraste rotatif.

Josette Fournier

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