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Depuis 1908, Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, accueille du haut de son fauteuil de bronze les promeneurs venus profiter des allées fleuries de «son» Jardin des Plantes. Le Bourguignon peut ainsi apprécier jour après jour la grandeur et la popularité de son œuvre. Digne représentant des Lumières, il a en effet révolutionné les sciences en consacrant plus de 50 années à l’élaboration d’une gigantesque Histoire naturelle.
Comment devenir en 10 jours intendant du Jardin du Roi… et le rester 50 ans

Personne n’aurait pu deviner que le jeune Buffon, élève moyen issu d’une famille devenue noble quelques années à peine auparavant, deviendrait un personnage majeur du royaume et de l’histoire des sciences.
Né le 7 septembre 1707 à Montbard (Côte-d’or actuelle), il se lance d’abord dans les mathématiques avant de se consacrer à l’étude de la nature tout en se positionnant fort adroitement auprès de ses relations haut placées. C’est ainsi qu’à la mort subite de François du Fay, intendant du Jardin du Roi, il parvient en quelques jours à être nommé au poste désormais vacant. Commence ainsi, l’année de ses 31 ans, une aventure qui allait durer 50 ans.
Il entreprend aussitôt de moderniser et développer l’institution créée sous Louis XIII pour former médecins et apothicaires : le Cabinet d’histoire naturelle explose rapidement sous les dons de richesses et curiosités naturelles venues des quatre coins du monde, que les meilleurs professeurs se succèdent dans les salles de cours et que les locaux puis les jardins, après 1771, prennent des dimensions qui aujourd’hui encore peuvent surprendre les promeneurs des quais de Seine.
Un ermite en dentelle entouré de forgerons
Devenu rapidement un personnage incontournable du monde scientifique, Buffon n’en reste pas moins à part. Les mondains le font fuir, les Encyclopédistes ne parviennent pas à lui faire rédiger un article pour leur grande oeuvre, les savants lui reprochent d’arborer en toutes circonstances air hautain et manchettes de dentelle aristocratique. Il paye aussi sa trop grande fidélité à sa terre natale où il passe les 2/3 de l’année, dès le printemps revenu, auprès de sa femme et de son fils, surnommé Buffonet (1764-1794, mort sur l’échafaud sans descendance).
À Montbard, il fait sortir de terre des forges imposantes, une des plus importantes entreprises de France à l’époque puisqu’elles ont employé jusqu’à 400 ouvriers. Ce précurseur ne pouvait s’arrêter là : le voici installant sur son toit le premier paratonnerre de France, s’efforçant de mettre le feu à distance à l’aide de miroirs ardents géants et s’amusant des facéties de sa petite guenon qui court avec son chapeau au milieu des pépinières, volières et ménagerie qu’il a fait construire sur son domaine.
L’œuvre d’une vie : l’Histoire naturelle

«J’ai passé 50 ans à mon bureau» : c’est avec ces quelques mots que Buffon résume la genèse puis la rédaction des 36 volumes de son Histoire naturelle, une des plus grandes aventures éditoriales de son temps. Création de la Terre, diversité de l’humanité, caractéristiques de chaque espèce animale…
C’est toute l’histoire et les spécificités de notre planète et de ses habitants qui sont présentées au public dans un style à la fois soigné, précis et accessible à tous.
Membre de l’Académie française, Buffon porte en effet beaucoup d’attention à l’écriture mais aussi à l’iconographie de ses ouvrages. L’Histoire naturelle comporte ainsi près de 2000 dessins passés pour beaucoup à la postérité, tout comme sont restées célèbres certaines de ses expressions telles que le lion «roi des animaux» ou encore le cheval «plus noble conquête [de] l’homme».
Par son style, sa rigueur et son ambition de développer et surtout vulgariser le savoir, Buffon a marqué son époque mais aussi les siècles suivants puisqu’il a ouvert la voie à plusieurs générations de grands spécialistes de l’histoire naturelle, devenue grâce à lui une science à part entière.
Seule la mort, à 81 ans en 1788, put mettre fin à l’insatiable curiosité et la boulimie de travail de celui qui eut l’extrême honneur de voir, de son vivant, sa statue commandée par le roi lui-même.
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