HISTOIRE DE LA DIFFUSION DE LA LANGUE
FRANÇAISE EN URUGUAY DEPUIS LE XIXe SIÈCLE
Samantha CHAREILLE
Alliance colombo—française
Carrera 7An°84—72 — Santa Fe de Bogota, COLOMBIE.

 

Télécharger cet article au format PDF


RÉSUMÉ

La République orientale de l’Uruguay, l’un des pays les plus petits d’Amérique du Sud, est située à dix mille kilomètres de la France entre le Brésil et l’Argentine, avec moins de quatre millions d’habitants. Un Français, qui ne perçoit pas de relations particulières entre ces deux pays, sera surpris d’apprendre quelle place a longtemps tenue la langue française de l’autre côté de l’Atlantique.

Aujourd’hui, l’enseignement de la langue et de la culture françaises en Uruguay est en chute libre. Cette constatation suscite de nombreux discours souvent contradictoires sur l’ampleur de ce déclin, l’utilité des enseignements de français, les motivations des apprenants, des enseignants, des responsables locaux ou français chargés d’en assurer la présence et surtout sur celles des Uruguayens eux—mêmes.

Nous allons donc essayer de montrer quelles ont été les circonstances historiques de la naissance du FLE (français langue étrangère) comme discipline scolaire en nous penchant, bien entendu, sur l’évolution des politiques éducatives et linguistiques uruguayennes mais également françaises.


TEXTE INTÉGRAL

INTRODUCTION

La République orientale de l’Uruguay, l’un des pays les plus petits d’Amérique du Sud, est située à dix mille kilomètres de la France entre le Brésil et l’Argentine, avec moins de quatre millions d’habitants. Un Français, qui ne perçoit pas de relations particulières entre ces deux pays, sera surpris d’apprendre quelle place a longtemps tenue la langue française de l’autre côté de l’Atlantique. En effet, l’Uruguay a, durant de nombreuses années, été le seul pays d’Amérique latine où le français était la première langue vivante de l’enseignement secondaire. Proportionnellement à sa population, ce pays possédait le premier lycée français d’Amérique latine et même du monde (si l’on excepte les anciennes colonies françaises) et, en outre, une Alliance française de première importance.

Si l’on recherche les origines de cette situation privilégiée, on trouve en premier lieu l’important courant d’immigration française du siècle dernier et l’influence de cette communauté dans l’évolution économique du pays, notamment, dans la progression des échanges commerciaux avec la France. En même temps, les Français ont été étroitement liés à la vie politique du pays alors que, plus généralement, la France servait, pour de nombreuses nations, de référence idéologique. Parallèlement à ces divers aspects — démographiques, économiques, politiques — l’influence française est remarquable sur le plan culturel et, par conséquent, l’enseignement du français a toujours tenu une place de première importance.

Aujourd’hui, l’enseignement de la langue et de la culture françaises en Uruguay est en chute libre. Cette constatation suscite de nombreux discours souvent contradictoires sur l’ampleur de ce déclin, l’utilité des enseignements de français, les motivations des apprenants, des enseignants, des responsables locaux ou français chargés d’en assurer la présence et surtout sur celles des Uruguayens eux—mêmes. Nous allons donc essayer de montrer quelles ont été les circonstances historiques de la naissance du FLE (français langue étrangère) comme discipline scolaire en nous penchant, bien entendu, sur l’évolution des politiques éducatives et linguistiques uruguayennes mais également françaises.


  1. EFFETS LINGUISTIQUES DE L,IMMIGRATION FRANÇAISE EN URUGUAY.

Pour comprendre les raisons du déclin du français en Uruguay, il nous semble important de connaître celles de son apogée. Il est essentiellement lié, à nos yeux, aux migrations européennes qui se sont effectuées dans cette région du monde entre les années 1840 et 1920. A cette époque, les Européens, pauvres, arrivent en Amérique du Sud par bateaux entiers dans l’espoir d’une vie meilleure.

D’autre part, la culture française bénéficie de l’engouement des élites locales. Les créoles sud—américains font ainsi venir auprès d’eux des Français, domestiques,  » mademoiselles—institutrices « , coiffeurs, modistes et autres petits artisans tous francophones. Ils suivent ainsi la mode des afrancesados (francisés) lancée par Philippe V d’Espagne, petit fils de Louis XIV qui propage à Madrid tout un mode de vie  » à la française  » bientôt imité par les aristocrates, les bourgeois et exporté en Amérique latine auprès des Vice—Rois, des gouverneurs généraux et des familles patriciennes locales.

Un peu plus tard, la France diffuse les idées des Lumières, puis celles de la Révolution française et apporte aux bourgeoisies sud—américaines certaines idées libérales propres à favoriser les mouvements d’indépendance qui surgissent au début du XIXe siècle. L’Uruguay, entre autres, se libère du joug espagnol, durant la période qui s’étend en France de la fin du premier Empire à la fin de la Restauration. Sa bourgeoisie est toute acquise à la culture française.

C’est de la rencontre des populations émigrées aux Amériques et des élites locales que la langue et la culture françaises vont puiser tout leur rayonnement car les populations immigrées adoptent deux comportements différents. Les plus pauvres populations rurales, isolées, ont tendance à s’intégrer à la population locale et adoptent l’espagnol ; les autres, citadines, cherchent à marquer leur différence et continuent à s’exprimer en français. A Montevideo, à cette époque, on entend parler cette langue presque autant que l’espagnol et apparaissent des écoles et collèges francophones.

La nécessité d’ouvrir ces établissements est le reflet d’un certain refus d’intégration. Elle trouve un accueil bienveillant auprès des élites qui cherchent à se distinguer en adoptant la culture française au moment où les systèmes éducatifs nationaux sont en gestation et alors que les collèges privés espagnols ne sont guère fréquentables pour des patriotes attachés à leur indépendance fraichement conquise. Ainsi, se constitue l’ébauche de ce qui deviendra  » le réseau culturel français « . Les responsables politiques, à commencer par Napoléon III, ne sont pas indifférents à cette naissance. Ils vont jouer, pendant de nombreuses années, un rôle discret mais non négligeable, en tâchant d’influencer la constitution des systèmes éducatifs locaux.

L’historien uruguayen Juan Pivel Devoto (1952) indique que, durant la dictature du général argentin Rosas (1835-1852), et plus particulièrement durant le siège de Montevideo (1843-1851) par les armées partisanes, quinze mille Français vivent en Uruguay et, sur les cinq mille soldats qui défendent Montevideo, la moitié provient justement de ce pays.

Ces indications montrent qu’en Uruguay, la véritable émigration française a commencé plus tôt (vers 1825), se superposant aux arrivages clandestins. On voit débarquer une population composée essentiellement de Basques, Bigourdans, Béarnais et locutrice de langues régionales. Sur place, s’apercevant que les Français jouissent d’un statut particulier, ces immigrants adoptent une langue commune, le français, et perdent peu à peu l’usage de leurs parlers. L’immigration française s’achève vers 1880.P

PASSAGERS ENTRES PAR LE PORT DE MONTEVIDEO DE 1835 A 1842

Français Espagnols Italiens Brésiliens Anglais Allemands Autres TOTAL
1835 43 481 34 37 10 0 8 613
1836 998 1 209 512 246 88 38 55 3 146
1837 442 1 227 522 178 180 2 32 2 583
1838 2 071 2 359 468 161 156 77 132 5 424
1839 342 280 382 59 63 4 33 1 163
1840 835 370 771 45 59 298 97 2 475
1841 3 816 948 2 737 112 170 7 70 7 860
1842 5 218 1 607 2519 82 124 227 97 9 874
TOTAL 13 765 8 481 7 945 920 850 653 524 33 138

 

POPULATION FRANÇAISE EN URUGUAY

URUGUAY DEPARTEMENT DE MONTEVIDEO
1843 15 000 5 324
1860 8 891 6 141
1872 17900
1879 14 375 6 830
1884 7 383
1908 8 341 5 055
1963 2 016 1 618

Les phénomènes migratoires précédemment évoqués ne sont pas suffisants pour expliquer l’influence de la culture et de la langue françaises au XVIIIe siècle (cf. immigration italienne largement plus conséquente). L’intérêt pour le français s’explique par d’autres raisons dont l’influence des colonies françaises sur le secteur de l’enseignement.


  1. ORIGINE DE L,IMPLANTATION DU FRANÇAIS DANS L,ENSEIGNEMENT URUGUAYEN: LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES FRANÇAIS.

On l’a vu, les familles françaises vont vivre longtemps entre elles, s’intégrant lentement aux familles créoles. Elles conservent l’usage du français et sont à l’origine de la création des établissements d’enseignement français.

Au début de l’histoire de l’Uruguay, de 1830 à 1850, les éducateurs et les institutions d’origine française tiennent une place notable. Pendant la seconde moitié du siècle, on trouve beaucoup d’écoles, plus ou moins durables, dirigées par des Français. Sans vouloir les inventorier exhaustivement, on peut, à travers la presse de l’époque, en relever un certain nombre, de manière à rendre compte de l’influence des immigrés sur l’instruction. On apprend, par exemple, que dans les années suivant le siège de Montevideo, une institutrice française, Louise Caittet , dirige une institution de jeunes filles.

En 1881, l’enseignement étant depuis peu obligatoire (loi de 1877), on trouve dans le pays, pour 315 écoles publiques, 373 écoles privées d’importance inégale, il est vrai. Pour l’enseignement secondaire, il en est de même: vers la fin du siècle, les établissements privés préparent deux fois plus d’élèves que l’Université et les professeurs étrangers sont aussi nombreux que les professeurs uruguayens.

2.1. Les établissements laïques. 2.1.1. L,Ecole de Commerce.

La première école spécialisée d’Uruguay est une école commerciale — Escuela Especial de Comercio, appelée le plus souvent Escuela Mercantil — ouverte en septembre 1829 et qui fait une place à l’enseignement de la langue française comme cela apparait dans le programme publié par La Gazeta du 31 août 1829 :

Le 1erseptembre prochain s’ouvrira une Ecole spéciale de Commerce avec l’approbation des autorités et sous la direction de Don Miguel DE FORTEZA à la charge du Tribunal de Commerce et dans laquelle seront enseignées gratuitement la grammaire espagnole la langue française l’arithmétique appliquée au commerce et à la banque la tenue de livres et la géographie. (Araujo, 1905—1906, document n°36)

Cette école, fermée en 1835, sera rouverte de 1849 à 1851 pendant le siège de Montevideo, hors de la ville, dans le camp assiégeant, avec le même directeur et le même programme.

2.1.2. Le Collège oriental.

Après l’Ecole de Commerce, s’ouvre en 1831 un établissement différent, le Colegio oriental, premier pensionnat de jeunes filles issues des familles les plus distinguées de la société de Montevideo et dirigé par les époux Curel , Français venus de Buenos Aires. L’inauguration a lieu en présence du Ministre, la directrice présente son programme : principes moraux, livres saints, travaux manuels, grammaire espagnole, géographie, etc. La place du français (seule langue étrangère enseignée) montre sous un double aspect l’image de la langue : un aspect matériel, utilitaire et un aspect mondain, désintéressé.

2.1.3. Les  » nouvelles écoles « .

A mesure que le mouvement d’immigration s’amplifie, de nouvelles écoles se créent à Montevideo. L’établissement de M. Legendre propose en 1834 un enseignement du français et de l’espagnol à raison de six heures par jour. C’est probablement la première institution se consacrant essentiellement à la langue française. En 1836 s’installe également — en dépit de l’opinion — le Collège des Pères Escolapios espagnols, offrant un enseignement élémentaire par la  » méthode directe « .On relève en 1838 deux nouveaux établissements français: la pension Derrey et les cours de l’Abbé Paul, dispensant des cours de langue française. Au total, on dénombre à Montevideo dix écoles privées (avec 82 élèves) et quatre écoles publiques (256 élèves).

2.1.4. L,époque de la Guerra Grande.

Doté en 1830 d’une Constitution de type républicain affirmant un libéralisme sans borne, l’Uruguay connaît en une douzaine d’années un développement remarquable. Les Indiens étant rapidement exterminés, l’immigration, vivement encouragée, s’intensifie. La ville de Montevideo passe de neuf mille habitants en 1829 à 31 189 en 1843, dont 64% d’étrangers parmi lesquels les Français sont les plus nombreux. De 1830 à 1842, le commerce extérieur triple et les échanges avec la France, bénéficiant d’un traitement préférentiel, septuplent.

La brusque prospérité de la capitale uruguayenne est, en grande partie, la conséquence de la prise de pouvoir de Rosas en Argentine (1829), lequel est hostile aux intérêts étrangers et aux ingérences françaises en particulier. La lutte armée en Argentine entre Unitaires (libéraux pro—européens) et Fédéralistes (le parti de Rosas ,  » américaniste « ) se répercute en Uruguay par l’affrontement des partisans de Rivera (président de 1830 à 1834 puis de 1839 à 1843), soutenus par les Français et les Unitaires argentins, et les partisans d’Oribe (président de 1835 à 1838), favorables à Rosas . La guerre commencée en Argentine s’étend sur le territoire uruguayen — Guerra Grande (1839—1851) — marquée par l’invasion du pays et le long siège de Montevideo (1843—1851). Dans cette lutte, à la fois guerre civile et affrontement international, les Français jouent un rôle de premier plan en participant à l’organisation de la défense.

Le 3 avril, au chant de La Marseillaise, de nombreux Français— accompagnés d’autres étrangers — vont offrir leurs services au Général Paz , chef de l’armée de Montevideo. Avec le retour de la République en France, la capitale retrouve l’espoir de la voir intervenir de manière décisive; espoir vite déçu car si l’amiral Le Predour et le Consul Devoize sont chargés d’organiser la paix, c’est au détriment de Montevideo, en faisant reconnaître Oribe par les défenseurs. Une convention établie dans ce sens est finalement rejetée par la Chambre.

Le retour de Rivera , allié à la France contre l’Argentine, crée des conditions favorables au commerce et à l’immigration des Français. De 1839 à 1842, sous la seconde présidence de RIvERA, ouvrent à Montevideo treize écoles privées :

— Ecole de filles de M. Emilio Rance et Mme Eulalia de Rance .

— Maison d’Education pour Fillettes, fondée par Mme Guillot .

— Académie orientale de Mlle Maria de Pefia (broderie, danse, piano, langues, dessin). — Institut de M. Arsène Isabelle .

— Collège de MM Paget, Priou et Larroque.

— Ecole de Filles de Mlle Sara Jenkins.

— Pensionnat de Mlles Lesueur.

— Ecole de Filles de Mlle Fabreguette.

— Ecole de M. Luis Lamas.

— Maison d’Education de MM. Rochat et Cornu.

— Gimnasio (primaire) de M. Luis J. De La Pefia.

— Ecole Commerciale de M. J. J. Mula.

— Une école de garçons (anonyme).

En 1842, nous pouvons ajouter l’Ecole française tenue par Mme Lacoley. Fin 1842, M. Capderestet et M. Roiffe annoncent l’ouverture pour le 1er décembre d’un  » Enseignement mutuel de Garçons « . L’Abbé Paul annonce quant à lui qu’en sus de son institution, il ouvrira bientôt un pensionnat pour trente enfants. On trouve en 1843 une école des enfants de légionnaires ainsi qu’une  » Ecole du Régiment des Chasseurs basques « . En 1846 on annonce l’ouverture du Colegio Francés y Espafiol dirigé par MM. Puyfourcat, Cornu et Rachat. Le premier ouvrira un nouveau collège français en 1849.

Il est très possible qu’il y ait eu pendant cette période d’autres établissements français, à l’extérieur comme à l’intérieur de la ville assiégée. Nous n’avons pas pu tous les recenser. Cependant, si l’on se souvient de l’importance de la présence française — démographique, commerciale, politique, militaire, culturelle — au cours de la guerre et dans la défense de Montevideo, on conçoit l’influence qu’ont pu avoir les écoles françaises et la langue sur l’éducation pendant cette période, avant même que l’Université, créée pendant le Siège en 1849, institue dans les études secondaires un enseignement officiel du français.

2.1.5. La Société française d,enseignement et le Collège Carnot.

Des membres de la colonie française créent en 1882 la Société française d’enseignementet le Collège Carnot (ancêtre du Lycée français de Montevideo).

Ce dernier est fondé par M. Cazaux, ancien instituteur devenu grossiste, avec le soutien des sociétés françaises locales telles que la Chambre de Commerce française et le Cercle français. Selon les documents d’archives de la Chambre de Commerce française de Montevideo, le but de cette société est de fonder un grand établissement français pour « la propagation de notre langue ».

2.1. 6. Le Lycée français de Montevideo.

Etablissement de droit privé local, géré par la Société française d’Enseignement, conventionné par l’Agence pour l’Enseignement du Français à l’Etranger depuis 1990 sous le régime de la participation (aux salaires versés aux personnels  » résidents « ), le Lycée français de Montevideo, succédant au Collège Carnot, a pour siège, à son ouverture, le bâtiment central, situé au coeur de la capitale, inauguré et mis en service en 1922. Depuis cette date, l’établissement s’est doté de deux annexes (1961-1962)2. Le principe du Lycée est de suivre dans toutes les classes le programme de l’enseignement uruguayen; quotidiennement, deux ou trois heures sont consacrées à l’enseignement du français. Le nouvel établissement est présenté de la manière suivante dans Les Cahiers français :

Le Lycée français de Montevideo tout en s’inspirant le plus possible des méthodes françaises s’est décidé à suivre les programmes uruguayens à préparer avec soin aux examens et aux diplômes du pays ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’offrir à une élite la possibilité de préparer simultanément le baccalauréat français.

Montevideo qui possède en Amérique du Sud l’unique établissement d’enseignement secondaire français complètement organisé est devenu grâce à lui dans l’ordre des études françaises la capitale du continent. (Auteur(s) non cité(s), novembre 1936, in Les Cahiers français, n° 8, Montevideo)

Véritable institution dans la vie culturelle uruguayenne pendant plusieurs décennies, ayant joui d’un prestige exceptionnel entre les années 1930 et 1980, ayant formé plusieurs générations de l’élite intellectuelle et politique de l’Uruguay, le Lycée est désormais également affecté d’un déclin notoire (Chareille, 1997 : p. 36).

2.1.7. La Deuxième guerre mondiale.

On sait que la signature de l’Armistice en 1940 et la guerre en Europe ont, dans une certaine mesure, amené une coupure entre l’Amérique et l’Europe. En ce qui concerne l’enseignement, le baccalauréat français cesse d’être reconnu en Uruguay en 19403. En 1942, le Conseil d’enseignement uruguayen supprime une année de français (la 5e année ou 1ère année  » préparatoire « ) prévue dans le plan de 1941. Cela ne constitue pas une atteinte très importante dans la mesure où il reste quatre années de français contre trois d’anglais, toutefois cela passe pour un avertissement. La France de Pétain n’est plus considérée comme un modèle:  » Une dense atmosphère dépréciative se forme non plus seulement contre le gouvernement de Vichy, mais aussi contre toute la grande nation latine « , note dans le journal La Mariana J. L. Delgado Reyes pour expliquer la nouvelle situation de la langue française en Uruguay.

On se sert aussi comme argument en faveur de la supplantation de l’enseignement du français par celui de l’anglais du fait que la connaissance de cette dernière langue faciliterait le rapprochement intellectuel avec les Etats— Unis et contribuerait ainsi à consolider l’unité américaine. (Delgado Reyes, avril 1942 : p. 4)

Pour soutenir la cause du français — dès lors sur la défensive à Montevideo — on en appelle à la tradition latine. A côté de ces propos plutôt sentimentaux, on peut relever l’argumentation présentée par l’Inspecteur Marius Bouyat au Conseil national de l’Enseignement. Il souligne l’utilité de la langue française comme » instrument de travail  » et son  » caractère formatif  » représentant les deux objets de l’enseignement secondaire.

2.2. Les établissements religieux.

En marge des établissements laïques, le prestige de la France est également défendu — querelles scolaires oblige — par les nombreuses institutions religieuses implantées en Uruguay.

Avant l’Indépendance, l’éducation était presque indépendante en Uruguay. Au XVIIIe siècle, les missions des Jésuites et des Franciscains, offrent un enseignement élémentaire : lecture, écriture, arithmétique, latin et doctrines chrétiennes.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec l’immigration européenne, s’installent d’autres congrégations. Au début du XXe siècle, en ce qui concerne l’enseignement primaire, les établissements confessionnels dépassent en importance les autres établissements privés.

2.2.1. Les  » Pères basques « .

Vers 1860, à l’époque de l’immigration pyrénéenne vers le rio de la Plata, les Pères Bétharram, plus connus sous le nom de Pères bayonnais ou Pères basques, s’installent à Buenos Aires, Asunciôn et Montevideo. En 1870, ils inaugurent en Uruguay une église, l’Immaculée Conception, où l’on prêche en français, en espagnol et en basque. Le Colegio de la Inmacula da Concepciôn, fondé en 1867, le plus ancien des établissements confessionnels français du pays, est au départ une école primaire. En 1899, le Collège des Pères bayonnais, présenté par le journal La Lanterne¢ dispense un enseignement primaire et secondaire ; l’étude du français y est obligatoire, l’établissement reçoit cent quarante élèves. Installé en 1938 dans un nouvel édifice, le collège élargit ses effectifs et accueille, dans les années soixante, quatre cents élèves. Il s’y trouve alors seize religieux français. L’établissement s’enorgueillit d’avoir eu pour élèves des personnalités connues comme le poète Juan Zorilla De San Martin. En 1975, ce collège laisse une place encore importante à l’enseignement du français : quatorze heures de cours dans l’enseignement préscolaire et primaire, touchant 224 élèves.

2.2.2. Les Soeurs dominicaines.

Les Soeurs dominicaines d’Albi, arrivées en 1873 en Uruguay, y établissent le Collège du Sacré Coeur et plusieurs autres écoles. Le lycée de filles Saint Dominique (Liceo Santo Domingo),  » grand collège de la jeunesse féminine à Montevideo « , de création plus récente, accueille 1400 élèves en 1966. Cet important établissement dispense des cours de français à un rythme et à un niveau particulièrement efficace : en 1975, douze à quinze heures de français par semaine dans le primaire (pour 133 élèves) et huit à douze heures dans l’enseignement secondaire (pour 130 élèves). Ces apprenants, qui sont naturellement préparés aux examens uruguayens, se présentent aussi aux examens de l’Alliance française.

2.2.3. Les Frères de la Sainte Famille.

Les Frères de la Sainte Famille de Beley fondent plusieurs établissements scolaires en Argentine et en Uruguay comme d’ailleurs en France. Le Lycée de la Sainte Famille de Montevideo (Liceo Sagrada Familia) est fondé en 1889 avec 88 élèves. En 1900, cet établissement de garçons prend progressivement de l’importance malgré la raillerie conventionnelle de La Lanterne (6 janvier 1900) qui évoque  » l’établissement de la Sagrada Familia, régenté par les Frères Ignorantins « . Selon L’Indépendant (1er août 1900), l’établissement comporte trois à quatre cents élèves, deux fois plus que le Collège Carnot soutenu par les sociétés françaises de Montevideo.

Après 1930, l’établissement maintient des effectifs de près de 1500 élèves et compte encore 1 300 élèves et plus de vingt professeurs (soixante religieux y avaient enseigné depuis sa création) en 1966. Le français y tient longtemps une place prépondérante:  » On est arrivé à tout enseigner à la Sainte—Famille dans notre langue « (FranceJournal du 8 octobre 1964). Progressivement, du fait de la concurrence des autres institutions françaises de la capitale, le français perd sa place privilégiée. La même congrégation fonde, à Montevideo et en province, six autres établissements qui ont plusieurs directeurs français (Savoyards). En 1975 subsiste à Montevideo le Collège Saint Jean—Baptiste (Colegio San Juan Bautista), créé autour de 1960, qui reçoit quelques dizaines d’élèves, et où le français est enseigné à vingt—huit élèves de l’enseignement primaire (1 heure 30).

2.2.4. Les Vaudois.

La secte vaudoise est de lointaine origine française, puisque issue du schisme du Lyonnais Pierre De Vaux (latinisé en Valdo). Excommuniés par le concile de Vérone en 1183, constamment persécutés, réfugiés plusieurs siècles dans les vallées du Piémont, les Vaudois deviennent, par les circonstances historiques, sujets italiens et s’installent dans la province uruguayenne à partir de 1857. Dans les vallées où ils se réfugient, les Vaudois gardent l’usage du français, langue officielle de leur église et leur instruction est très développée puisque l’analphabétisme leur est totalement inconnu. Dispersés dans plusieurs départements uruguayens, plus nombreux dans la ville de Colonia Valdense, ils conservent leur tradition. Ils possèdent en 1957 treize églises et fondent des périodiques, des bibliothèques, des écoles primaires et secondaires à partir de 1870. En 1878, on compte huit écoles et 238 élèves et l’enseignement se fait en français. La colonie vaudoise fonde en 1888 le Liceo evangélico qui recense trente élèves la première année, et qui, habilité en 1890, est, à la fin du siècle, le second lycée départemental, le seul lycée  » rural  » du pays. Il est également de nombreuses fois cité de manière flatteuse dans l’histoire de l’éducation uruguayenne. De1858 à 1931 se donnent, dans toutes écoles de cette colonie, des cours quotidiens de français. L’Alliance française établit à Colonia Valdense en 1936 une de ses premières filiales, prend le relais pour la diffusion du français (cinquante élèves dans le centre en 1936) (Ganz-Bert, mars 1937 : p. 13).

2.3. Bilan.

Il est clair que jusqu’à la moitié du XXe siècle les établissements développent une image et une vision de la France conformes aux idées défendues par la plupart des écoles religieuses : tradition, éducation religieuse, France éternelle et statues de Jeanne d’Arc dans les salles de classes. En même temps, les défenseurs des nouveaux systèmes éducatifs se réfèrent au siècle des Lumières et à la Révolution française. On peut d’ailleurs se demander si l’influence de la France n’est pas aussi forte parce qu’elle répond à la fois aux aspirations des conservateurs et des libéraux. On en trouve d’ailleurs l’écho dans le discours d’inauguration que prononce en 1922 le directeur du Lycée français, Paul Lanaurdie :

La France est une nation quelque peu déconcertante et énigmatique pour qui se contente d’une observation superficielle. […] Pays de la laïcité à la face du monde et qui passe pour irreligieux il n’en n’est pas moins en un sens un pays de foi et de sainteté.


  1. EVOLUTION DE LA PLACE DU FRANÇAIS A TRAVERS LES PLANS DE L,ENSEIGNEMENT DU XXe SIECLE.

En Uruguay, les programmes des collèges et des lycées ont toujours compris l’enseignement d’au moins une langue étrangère.

A son inauguration, le 18 juillet 1849, l’Université de la République réunit l’enseignement primaire, secondaire et l’enseignement scientifique et professionnel (c’est—à—dire supérieur). Les études secondaires, qui durent deux ans pour toutes les matières, sont sanctionnées par le titre de bachiller permettant d’entrer dans l’enseignement supérieur. Les matières d’études doivent être, selon le plan d’étude du 28 septembre 1849 :  » latin, français, anglais, études commerciales, mathématiques, physique, philosophie, rhétorique, histoire nationale et principes de la Constitution de la République  » (art. 7).

A partir de la réorganisation de l’Université (1884), le français change régulièrement de statut :

=> Optionnel de 1890 à 1896 et de 1932 à 1936.

=> Obligatoire le reste du temps :

— Comme langue unique dès 1881, et dans les plans de 1884 à 1887 et de 1897 à 1910.

— Comme première langue privilégiée de 1910 à 1975 (sauf pour la pério de1932— 1936 déjà mentionnée).

En 1941, le français est obligatoire de la première à la quatrième année du second cycle à raison de trois heures par semaine.

En 1963, le français est généralisé dans le deuxième cycle: c’est ce que l’on appelle, à l’époque, le  » plan pilote « . A ce moment, le rôle du français est double : donner aux élèves la possibilité d’utiliser une langue capitale dans le monde de l’époque et les mettre en contact avec la civilisation française.

Le plan d’études de 1971 annonce dans son introduction qu’il modifie celui de 1941 ( du point de vue méthodologique), preuve d’un certain immobilisme pédagogique dans l’enseignement de la discipline. Il est rédigé par l’inspection de français qui conseille lecture et commentaires de ce plan aux enseignants en début d’année scolaire. L’objectif global de ce programme est de  » tâcher de donner à l’élève quelques notions fondamentales qui lui faciliteront un contact ultérieur plus important avec la langue et la civilisation françaises « .

Au début de la dictature, en 1973, la Ley general de educacidn, promulguée cette même année, renforce d’ailleurs l’obligation d’enseigner les langues étrangères; il s’agit, dans l’ordre, du français (obligatoire durant les trois années premières du premier cycle) puis de l’anglais (obligatoire les trois suivantes).

Le programme de 1976 vise dans un premier temps l’acquisition de la langue orale usuelle, ensuite, les thèmes étudiés sont relatifs à la vie en France et à  » l’œuvre créatrice intellectuelle du peuple français « . Le programme établi pour le deuxième cycle (plan de1941) — section préparatoire de sciences économiques — est orienté par son contenu vers le français spécialisé.

L’objectif de l’enseignement du français est globalement plus restreint. On insiste sur une utilisation  » passive  » de la langue à des fins de consultation d’ouvrages spécialisés. Ainsi, alors que l’usage de la langue orale revêt un caractère de plus en plus hypothétique, une motivation plus solide réside dans le « caractère instrumental » de la langue: les études supérieures et la vie professionnelle.

En 1981 les militaires donnent la liberté de choix aux familles et décident qu’une seule langue sera étudiée pendant toute la scolarité; la mesure n’est pas innocente : la France a plutôt mauvaise presse auprès des militaires qui y voient une terre d’accueil pour leurs opposants. De plus, l’attitude des familles vis—à—vis des langues étrangères a évolué et c’est désormais vers l’anglais que les regards se portent.

L’année 1986 voit le retour à l’enseignement obligatoire du français. La loi d’urgence de mars 1985 modifie certains contenus dans les programmes et confirme la Loi générale de l’Education en ce sens qu’elle maintient le prolongement de la scolarité obligatoire jusqu’à la fin du collège.

En ce qui concerne les langues vivantes, c’est un décret présidentiel — fait rarissime et dont la portée politique suscite bien des remous — qui rétablit l’enseignement du FLE au collège, suivi de l’enseignement de l’anglais au lycée. Cette mesure en accord avec ce qui s’était toujours fait depuis 1935 compte effacer les modifications apportées par la dictature. D’un point de vue social, le retour du français permet, certes, aux enseignants, au chômage depuis 1981, de retrouver du travail mais l’arrivée massive d’élèves au collège contraint les autorités éducatives à des recrutements  » sauvages  » d’enseignants non qualifiés (80% de vacataires pour l’ensemble du secondaire).

Quoi qu’il en soit, le retour du français fait l’objet d’un appui important de la part du gouvernement français qui analyse le fait comme une  » renaissance  » de l’enseignement du FLE en Amérique latine. Les responsables des Bureaux d’action linguistique, dont l’avis est plus nuancé, ne sont pas écoutés. Pourtant les arguments ne manquent pas. Le Bureau se fonde sur le fait que le retour du français ne permet pas de produire des élèves capables, au terme de trois années d’études obligatoires et définitives de cette langue, de faire preuve d’une bonne compétence de communication alors que des études étalées sur toute la durée de la scolarité permettraient d’approfondir ces connaissances.

Faute de moyens, la réalité reste éloignée de ces intentions. En effet, depuis mars 1995, l’avènement des nouveaux gouvernements de Julio M. Sanguinetti puis de Jorge Battle, s’accompagne, au sein de la réforme éducative, de la restructuration de l’enseignement des langues. Les autorités éducatives décrètent l’enseignement obligatoire d’une seule langue vivante étrangère durant tout le cursus scolaire. Cette décision se traduit, à la rentrée de mars 1996, par la mise en place de l’enseignement obligatoire de l’anglais et l’élimination progressive de l’option français prévue sur les trois ans du collège. Depuis 1999, l’anglais est l’unique langue étrangère enseignée en dépit du projet de création d’un baccalauréat linguistique. Ajoutons par ailleurs qu’il n’existe pas de département de langues dans le

ANNEE CYCLE CLASSE CYCLE CLASSE
1e 2e 3e 4e 5e 6e 1e 2e 3e 4e
1849 Etudes          secondaires,

deux années par matière: français et anglais

FR FR AN AN
1877 Etudes          secondaires

libres

1881 Epreuve de français au bachillerato
1884 Etudes           libres          et

réglementées

FR
1887 Bachillerato general FR FR AN AN Preparatorios : Mathématiques

Obstétr.

Médecine -O dont.

Pharm.

AN
FR
FR

AN
FR

FR
1890 Secondaire FR ou AN FR ou AN Preparatorios : Mathématiques

Obstétr.

Médecine -O dont.

Pharm.

AN

R ouF

AN
ou
FR
1897 Secondaire FR FR FR Préparatoires toutes sections FR FR FR
1910 Secondaire FR, AN ou AL FR, AN ou AL FR, AN ou AL FR, AN ou AL Préparatoires toutes sections FR + AN ou AL
1932 Secondaire FR, AN ou AL FR, AN ou AL FR, AN ou AL FR, AN ou AL Idem
1936 Secondaire                       et

préparatoire

FR FR FR AN FR AN AN 6e utilitaire

6e préparatoire

FR
AN
ANNÉE CYCLE CLASSE CYCLE CLASSE
1e 2e 3e 4e 5e 6e 1e 2e 3e 4e
1941 Premier cycle FR FR FR AN FR AN 2e cycle (prép.) Architecture

Autres         sections

dont :              Barreau—

notariat et Sciences économiques

AN + IT + FR
1963  » Lycées pilotes  »

1er et 2e niveau du premier cycle

FR FR FR FR AN FR AN FR AN 2e cycle

Sciences physiques

Biologie

Sciences humaines

6e

AN
ou
IT

AN
ou
FR

1976 1er cycle FR FR FR 2e cycle :

Biologie

Sciences physiques
Sciences Humaines

AN
AN

  1. CONCLUSION.

Aujourd’hui, le déclin du français en Amérique du Sud est réel mais en avons—nous mesuré toutes les raisons ?

De nos jours, les images de la France (Révolution, luxe, culture, etc.) restent fortes mais ont un effet aussi bien négatif que positif sur l’attitude du public vis—à—vis de la langue française. En Uruguay, force est de constater que seul le français s’est vu retiré du programme du secondaire. En 1957 déjà, les professeurs déplorent l’attitude des élèves à l’égard du français. Jusqu’à cette année où il est finalement supprimé, les arguments en faveur de son maintien comme langue obligatoire à l’âge où un élève entre dans l’enseignement secondaire (12 ans) trouvent peu d’écho. On conçoit sans peine que l’utilité incertaine et indéfinie de cet apprentissage — au milieu de tant de matières plus sensiblement  » rentables « — ne suffit pas à lui donner l’envie de connaitre cette langue, dont une connaissance approfondie ne parait pas prioritaire. Par ailleurs, la plupart des adolescents, tout comme aujourd’hui, baignent déjà dans la culture nord—américaine et ont une prédilection pour la langue anglaise, considérée universelle, comme plus utile donc et jugée souvent plus abordable que le français. Ainsi, l’attitude des élèves peut s’expliquer non seulement par ces dispositions négatives, mais aussi par la pratique pédagogique et la déception de ne pas arriver à l’acquisition active du français. Vérifier que l’on peut arriver à pratiquer la langue est sans doute, comme c’est le cas dans d’autres disciplines, une stimulation primordiale. Il se peut donc que les problèmes rencontrés au niveau de la pédagogie reflètent la confusion des finalités de l’enseignement du français, finalités qu’il convient maintenant d’analyser de plus près.

4.1. La question de la concurrence linguistique.

La baisse des inscriptions dans les divers instituts français peut s’expliquer par la perte du caractère obligatoire de langue dans le secondaire, relégué par l’anglais mais aussi par le portugais en raison du magnétisme exercé par l’approche du MERCOSUR (Mercado comûn del Sur, Marché commun du Sud créé en 1991 comprenant l’Argentine, le Brésil, le paraguay et l’Uruguay), voire par l’italien, dont l’enseignement est, dans certaines villes, subventionné par l’Ambassade d’Italie. En effet,

L’acquisition d’une seconde langue exige du temps de l’effort et de l’argent. Ces ressources étant peu abondantes elles ont une valeur économique ou de rareté. Or les avantages que procure la connaissance d’une seconde langue sont répartis dans le temps. Le fait d’apprendre une seconde langue constitue donc un investissement ou l’acquisition d’un actif. Plus précisément on peut dire qu’une deuxième (troisième ou quatrième) langue est une forme de capital humain […1. (Breton, 1978 : p.p. 1—2)

L’investissement requis dans l’acquisition d’une langue étrangère— frais de scolarité, dictionnaires et matériels divers, temps consacré, etc. — se justifient par le fait que l’accroissement de la connaissance générale d’une deuxième langue engendre des externalités positives évidentes. En effet, à niveau de compétences égales, certaines entreprises arbitrent leur choix en faveur de ceux qui ont une bonne aptitude à la communication et à la maîtrise des langues. A l’inverse, le marché du travail se ferme de plus en plus à ceux qui ne justifient pas de leur intégration socioculturelle, y compris pour des emplois peu ou non qualifiés. Ajoutons même que les langues sont des facteurs déterminant la possibilité de gains pécuniaires puisque la langue est une forme de capital permettant de négocier des biens et des avantages, ce qui n’est pas sans influencer les motivations des apprenants. Or, on n’est pas sans constater que l’anglais est souvent instauré  » langue de l’entreprise  » par défaut.

En Uruguay, l’américanisation de la vie quotidienne est devenue une donnée de l’évolution culturelle, si profonde et si complexe, si visible et si dissimulée, qu’elle donne constamment lieu à des prises de position traduisant des appartenances. A travers et grâce à ces instruments liés entre eux, l’Amérique produit, propose, impose à l’Uruguay des produits spécifiques. Par eux se transfèrent des pratiques culturelles, des modèles, sans que l’on voit souvent l’essentiel. Ce que l’Amérique exporte ainsi, ce sont moins ces produits que l’habitus dont ils sont eux—mêmes le produit. La décolonisation et les conditions dans lesquelles elle s’est effectuée ont non seulement scandé les évolutions sociales mais, en outre, contribué à la détermination d’un champ spécifique entre les pays sortis de la décolonisation et les pays qui les colonisaient. Une redistribution des rôles politiques et culturels s’est ainsi opérée, au sein du marché économique mondial mettant les Etats—Unis au premier rang.

Ajoutons à cela que le 26 mars 1991, les Présidents Menem d’Argentine, Collor du Brésil, Rodriguez du Paraguay et La Calle d’Uruguay ont signé le Traité d’Asuncidn pour la constitution d’un marché commun entre la République d’Argentine, la République Fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République Orientale de l’Uruguay. Ce traité jette les bases d’un marché commun formé le 31 décembre 1994 et qui a pour but de renforcer les liens économiques et commerciaux des pays partenaires. L’article 17 du Traité d’Asuncidn indique que  » les langues officielles du marché commun seront l’espagnol et le portugais, et la version officielle des documents de travail sera celle de la langue du pays siège de chaque réunion « .

Apparait alors, pour la première fois dans l’histoire de la région, la nécessité pour les pays de langue espagnole de connaitre le portugais et pour le Brésil de s’intéresser à l’espagnol. C’est ainsi qu’une réunion des ministres de l’Education des pays signataires du traité se tient en juin 1992 et élabore un plan triennal afin de coordonner les politiques éducatives et de formation des ressources humaines. Des programmes d’action sont définis et l’un d’eux concerne les politiques linguistiques :

Programme 1.2 . Apprentissage des langues officielles du MERCOSUR (espagnol et portugais). Objectifs : mettre en place l’enseignement de l’espagnol et du portugais aux niveaux des systèmes éducatifs pour améliorer la communication entre les pays qui composent le MERCOSUR.

On s’aperçoit que l’usage de la langue portugaise ne sera pas exigé dans tout le pays, mais il y a volonté réelle d’appliquer la réciprocité.

Evoquée il y a cinq ans, cette hypothèse faisait sourire les dirigeants (le MERCOSUR n’existait pas encore) prétendant que l’on ne pourrait jamais obliger les familles à faire apprendre le portugais à leurs enfants. Le ton dépréciatif utilisé en disait long sur l’image dont jouissait la langue du pays voisin et réciproquement d’ailleurs.

Voilà bien la première fois que l’on voit poindre une politique linguistique dans la région. Le MERCOSUR provoquera de vastes mouvements migratoires des populations et l’usage des langues communes ne sera pas un luxe. C’est un véritable changement d’optique. Il n’y a pas si longtemps, en effet, le Brésil ignorait ses voisins hispaniques et ne se souciait guère de voir enseigné l’espagnol dans ses établissements scolaires. Quant à l’Argentine, elle ne s’est découverte  » américaine  » qu’en 1982, au lendemain de la guerre des Malouines, durant laquelle elle a bénéficié de la solidarité politique de ses voisins contre l’Angleterre, et partant, contre l’Europe.

On peut parler d’une véritable » recentration linguistique continentale « . En effet, ces pays, d’abord colonies de l’Espagne et du Portugal, puis jouets des Européens et des Nord— américains, découvrent à la fin de ce siècle qu’il est temps pour eux de mettre en place une union de type hégémonique passant par l’usage commun de leur langue.

En Uruguay, la réciprocité a été mise en place en 1991 et le portugais a commencé à être enseigné de façon optionnelle à partir de mars 1992 dans les départements proches du Brésil mais également dans les départements très touristiques accueillant beaucoup de visiteurs brésiliens. Les Brésiliens ont adopté des mesures identiques et se proposent de créer des Centres d’Etude des Langues où l’espagnol sera la langue prioritairement enseignée.

D’ailleurs, l’espagnol est enseigné dans tous les collèges publics au niveau secondaire en vertu de la loi du 11 aôut 1998 approuvée par le Sénat brésilien. (Chareille, 2001 : p. 261).

Si tous les pays membres appliquent la politique de réciprocité, la place du français sera plus menacée. Les systèmes éducatifs sont trop fragiles et pauvres pour maintenir l’enseignement obligatoire de plusieurs langues. Partant, le français ne fait déjà plus partie des enseignements obligatoires ni même optionnels.

Si la langue française a encore son mot à dire, elle se doit de le dire en termes d’utilité, car nous l’avons dit, l’image d’une langue est aujourd’hui fortement tributaire de l’environnement économique, universitaire, médiatique. Dans cette zone géographique, le français a besoin de s’appuyer sur des partenaires qui sont essentiellement les entreprises, les organismes de formation, les médias.

Ces objectifs ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Certes, notre culture précède souvent nos exportations —  » tout client de la langue française devient un client des produits français  » (Bruezière, 1983) — toutefois l’inverse est également fréquent et il faut démontrer que le français est une langue utile.

4.2. La question du principe de réciprocité linguistique.

Pendant de longues années, la coopération française, notamment en matière linguistique, s’est bornée à privilégier l’option franco—française visant à défendre le français. Or une coopération véritable suppose que l’on s’intéresse à l’autre et qu’on le considère autrement que comme un futur consommateur de notre culture.

La notion de réciprocité implique qu’un Etat soucieux de voir sa langue diffusée dans un pays étranger, s’engage à promouvoir activement l’enseignement de la langue du pays en question, en France en l’occurrence. Or nous voyons immédiatement quelles peuvent être les limites d’un tel engagement. D’une part, l’absence d’intérêt pour les voeux des usagers ; d’autre part le statut de certaines langues par rapport à d’autres. Nous savons comment cette réciprocité est vécue en France où 93 % des familles optent pour l’anglais comme première langue et 47 % choisissent l’espagnol comme deuxième langue (Ministère de l’Education nationale, 1993) (précisons d’ailleurs que les écoles secondaires proposant l’espagnol en première langue ne font pas légion). En Amérique du Sud, le souci de réciprocité n’est pas manifesté. Les Sud—américains savent bien que l’espagnol est la seconde langue vivante la plus enseignée en France mais l’Espagne est le pays cible de cet enseignement. De plus, ils n’ignorent pas que l’Uruguay n’est pas un des pays d’Amérique latine les plus évoqués par les professeurs d’espagnol. Ils n’ont, par conséquent, qu’un faible souci de réciprocité en matière linguistique.

D’une manière plus générale, cette absence de réciprocité dans la valorisation des langues exprime le piètre statut accordé aux langues étrangères par le système éducatif. A l’étranger, l’interventionnisme français suppose une conception de la langue comme patrimoine national. Cependant, est—on réellement en droit d’exiger pour notre langue une place que nous ne sommes pas en mesure de réserver pour la langue des pays partenaires ? De plus, lorsque les discours officiels abordent l’incontournable  » dialogue des cultures « , n’a t— on pas parfois l’impression qu’il s’agit plutôt d’un monologue ?

4.3. La question de l,acti on culturelle française.

4.3.1. Rappels historiques.

Il ne faut pas se leurrer. Les politiques linguistiques et culturelles ont été et seront toujours liées aux relations entretenues par la France et le pays dans lequel elle compte développer sa langue et sa culture.

Une politique de défense de diffusion et d’expansion de la langue française doit tenir compte à la fois des faits historiques et des données du monde d’aujourd’hui. Elle ne saurait être conçue comme une entreprise de propagande ou de domination. Elle doit être à la mesure de l’attachement des Français à cet héritage précieux qu’est leur langue nationale riche de siècle et de culture. Elle constitue aussi l’accomplissement d’un devoir non seulement envers les peuples qui ont partagé le passé de la France notamment à l’époque coloniale mais encore envers ceux qui ‘ éloignés d’elle aspirent à mieux connaître et accéder à sa langue sachant que celle—ci leur permettra de participer plus aisément à la vie de la communauté internationale. (Basdevant in CosTE, 1984 : p. 42.)

La place particulière qu’occupe la France à la fin du XIXe siècle, à bien des égards privilégiée mais aussi fragile, commande qu’elle adopte, notamment sur le plan culturel, une stratégie mise au point avec sagesse et détermination. Cette stratégie n’a de sens que si elle répond à l’attente bien comprise de ses partenaires. En effet, s’il y a une leçon à tirer de l’expérience des trente dernières années, c’est que la France n’a pas réussi à élargir son audience sur le plan linguistique et culturel, alors qu’elle est restée importante sur les plans économique et politique. Le pays a peut—être su faire évoluer ses prises de position politique en tenant compte des grandes transformations qu’a connues le siècle, se doter de méthodes et de techniques les plus performantes, mais qu’en est—il de sa créativité ? Serait—elle devenue trop ` provinciale  » pour intéresser ses contemporains ? La faute en est—elle à une langue sclérosée ou à un poids trop fort des schémas de pensée et d’expression traditionnels ?

Sans vouloir remonter aux croisades, époque à laquelle l’` action culturelle  » française est plutôt une action catholique — envoi d’évangélisateurs, missionnaires, congrégations — toujours alliée bien sûr à une aide financière de l’Etat, même au plus fort de sa querelle avec l’Eglise ; la France a toujours consacré de gros efforts à la diffusion de sa langue et de sa culture. N’oublions pas les relations internationales des sociétés de pensée et de la franc— maçonnerie ainsi que les grandes associations françaises qui ont su tisser un grand réseau d’amitiés et d’activités dans le monde: l’Alliance israélite universelle depuis 1860, l’Alliance française depuis 1883 et la Mission laïque française depuis 1902. Toutes ces actions ont considérablement été accrues entre les deux guerres mondiales. Beaucoup d’instituts, d’écoles, de lycées français, ont été créés, et les échanges artistiques, scolaires et universitaires intensifiés durant cette période.

Au total, ce qui ressort d’une étude approfondie de l’histoire de l’action culturelle française dans le monde, c’est d’abord son ancienneté et sa remarquable permanence depuis des siècles. C’est ensuite une antériorité et une primauté des acteurs privés, religieux et autres sur l’action de l’Etat, surtout financière, la plupart du temps exercée sous la pression du privé. A ce propos, les crédits affectés aux oeuvres privées et aux actions propres du gouvernement ont constamment été très inférieurs aux besoins des acteurs comme aux demandes étrangères. La Deuxième Guerre mondiale porte pourtant un coup très rude à la langue française dans le monde. On se demande si aujourd’hui, dans les institutions créées, Alliances Françaises, Lycées français, Centres culturels, les responsables impriment encore une influence perceptible au sein de la société locale. Que reste t—il de l’influence française, si souvent mentionnée lors de la création des systèmes éducatifs locaux ?

4.3.2. Trois périodes dans la politique du français à l,étranger.

Selon Patrick Charaudeau (1996 in Les cahiers de l’A.S.D.*.FLE), il existe trois périodes dans la politique du français à l’étranger.

Jusqu’aux années quatre-vingts, elle se caractérise sur le plan économique par une période faste en personnel des bureaux d’action pédagogique, en bourses accordées aux étudiants et professeurs latino—américains et en missions françaises. Sur le plan de la politique linguistique, les activités sont presque exclusivement centrées sur la formation des enseignants de français tant du supérieur que du secondaire, avec l’aide des associations de professeurs de FLE. On peut dire qu’à cette époque règne une certaine harmonie entre les bureaux d’action pédagogique et les divers partenaires locaux. Sur le plan universitaire, la présence française est assurée par un réseau de lecteurs assez important. Le résultat de cette première période de travail est une bonne présence française, une bonne image, mais paradoxalement, vers la fin de ces années, le début d’une diminution, qui ira croissant, du nombre d’élèves et d’étudiants qui choisissent le français.

Une deuxième période allant à peu près des années 1980 à 1990 se caractérise sur le plan économique par une première forte diminution des moyens mis à la disposition des services d’action linguistique et par la recherche d’une nouvelle rationalisation des budgets. Sur le plan de la politique linguistique, changement d’orientation en ce que celle—ci doit s’écarter progressivement de la mission de formation pédagogique pour aller vers celle de promotion de la langue française. Sur le plan universitaire, c’est l’ère triomphante du français  » fonctionnel  » puis du  » communicatif  » (Mexique, Brésil). Malheureusement, le français continue de chuter en nombre d’élèves, les produits français ne se vendent pas mieux pour autant, et, parallèlement, la qualité des enseignants, moins bien formés, s’en ressent et ne cesse de laisser à désirer.

La troisième période commence autour des années 1990. Toujours sur le plan économique, les restrictions budgétaires continuent de plus belle. Les prestations françaises sont moins apparentes. La politique linguistique une fois de plus change elle aussi d’orientation. On observe un léger retour à des opérations de formation pédagogique mais surtout la mise en place d’une politique dite de coopération éducative tendant à aider les systèmes éducatifs locaux au niveau des ministères d’éducation des différents pays pour, en contre partie, obtenir que le choix du français en seconde langue étrangère ne disparaisse pas complètement, qu’il soit maintenu ou rétabli. Sur le plan universitaire commence à se faire jour l’idée qu’il faut aider la coopération universitaire mais cela demeure très sporadique. Ainsi, ne voit—on poindre aucune amélioration quant à la situation globale de l’enseignement du français sinon en Amérique latine, tout du moins en Uruguay.

4.3.3. Analyse et bilan des actions actuelles.

Les politiques linguistiques ont toujours été une composante importante de l’action culturelle extérieure de la France. La défense et la promotion du français dans le monde actuel passe par la valorisation comme moyen d’accès au savoir, à la culture et à la profession, mais aussi par une défense du plurilinguisme et du pluralisme culturel. Aujourd’hui, déployant prioritairement son action dans le champ de l’éducation et de la formation, la politique pour la promotion du français s’exerce selon cinq orientations :

— Une coopération éducative fondée d’une part sur les échanges de cadres de l’éducation, de professeurs et d’élèves et d’autre part sur l’apport d’une expertise française aux autorités éducatives des pays en voie de développement.

— Une coopération universitaire visant à la modernisation des filières classiques des départements d’études françaises, au développement de formations spécialisées avec diplômes à la clef, valorisant l’apprentissage du français sur objectifs professionnels ainsi qu’à la création de centres universitaires de recherches sur la France contemporaine en partenariat avec des établissements d’enseignement supérieur français.

— Une coopération en partenariat se réalisant dans des programmes de coopération impliquant de nombreux partenaires français et étrangers. Politique de réseau, elle vise également, au moyen d’une concertation entre les postes d’une même zone géographique et chaque fois que l’opportunité s’en présente, à développer une coopération régionale.

— L’enseignement dans les établissements culturels.

— Une coopération linguistique centrée sur la formation initiale et continue notamment des enseignants nationaux et sur l’appui à la diffusion de la langue dans les systèmes éducatifs locaux et hors de l’école, en particuliers dans les médias.

De là surgissent un certain nombre d’interrogations.

Certes la formation des enseignants reste prioritaire. Tout d’abord parce que d’une façon générale, une formation de qualité est toujours payante à terme, bien plus que les coups d’éclat ponctuels et qu’elle a des retombées dans divers domaines (traduction, art et culture, médias). Ensuite, parce que former des enseignants compétents est la meilleure image que nous puissions donner de la France, ceux—ci devenant peu ou prou nos meilleurs ambassadeurs auprès de la classe moyenne. Enfin, parce que la formation d’enseignants est une chose que, nous Français, sommes supposés savoir—faire. Toutefois, encore faut—il d’une part rationaliser cette formation et d’autre part penser la manière dont on la réalise.

Une demande explicite ne correspond pas obligatoirement à son implicite. Si, comme le dit Louis Porcher, le FLE est un champ, on ne peut pas dire que la France ait beaucoup cultivé celui de l’Amérique latine. Les offres sont souvent arrivées sous forme d’ « impositions « , présentées comme une réponse à une demande n’ayant jamais existé et ce parce qu’il faut appliquer une politique qui a été décidée par un département. Le problème est qu’il faut s’insérer dans le pays d’accueil et non pas vouloir lui en remontrer. Aujourd’hui, selon un rapport du Ministère des Affaires étrangères (1996), la reconquête des positions du français passe prioritairement par le développement des établissements étrangers francophones et des filières bilingues. Ce type de coopération est uniquement fondé sur l’échange d’experts déjà  » confirmés « . Qu’en est—il donc des personnes en formation initiale ?

Par ailleurs, la coopération mise en place par l’Ambassade privilégie les actions à forts effets multiplicateurs telles que l’appui à la constitution de réseaux de formateurs et le soutien aux associations de professeurs de français. Mais qu’en est—il du soutien à la co—édition locale de manuels de français, de dictionnaires et de la mise en place de programmes faisant appel aux nouvelles technologies de communication, d’enseignement et de formation à distance ?

Finalement, dans le domaine de la promotion, la coopération vise à valoriser l’image du français et de la francophonie et à renforcer les motivations de l’apprentissage de notre langue : organisation d’événements culturels, organisation de congrès, concours scolaires. Mais une fois encore, qu’en est—il des opérations publicitaires nécessaires à la diffusion de marchandises telles que notre langue et notre culture ?

La promotion, on le sait, est affaire à la fois de  » visibilité sociale  » et de  » séduction  » et passe par la construction d' » images identitaires « . mais une image ne se construit pas comme ça à grands coups d’actions promotionnelles. Alors vouloir changer une image dite » passéiste  » de la France, contre une image dite  » moderne  » paraît presque une mission impossible, surtout en Amérique latine où si la technologie fait rêver, c’est celle des Etats— Unis. Et puis, est—ce le rôle de l’action linguistique ?

Jusqu’à présent, toutes les conditions semblaient réunies pour que la  » guerre du français  » soit perdue en Uruguay, voire en Amérique du Sud. Les Sud—américains sont aujourd’hui fiers d’avoir retrouvé une vie démocratique et s’intéressent, de concert, à la mise en place, sur le plan économique, de plans régionaux qui entraînent leur découverte mutuelle. De plus, ayant, pour la plupart, en commun l’usage de l’espagnol, les Sud—américains, qui apprennent l’anglais comme première langue étrangère, ont le sentiment de pouvoir communiquer avec le monde. Pendant de longues années, la coopération française, notamment en matière linguistique, s’est bornée à privilégier l’option franco—française visant à défendre le français. Or, une coopération véritable suppose que l’on s’intéresse à l’autre et qu’on le considère autrement que comme un futur consommateur de notre culture. C’est pourquoi l’option interculturelle nous semble incontournable.

L’Uruguay au coeur du MERCOSUR et du processus d’intégration régionale requiert désormais une attention soutenue de la France. Le groupe d’amitié veut contribuer, pour sa part, à renouveler l’intérêt pour un pays qui mérite d’être mieux connu et apprécié en France, tant en raison de liens culturels forts et anciens, que de nouvelles perspectives économiques qui s’offrent à la présence française.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :