source : http://www.u-picardie.fr/
André CRÉPIN Membre de l’Institut, Fondateur du Centre d’études picardes de l’Université de Picardie, Article publié dans Carnets d’Atelier de Sociolinguistique 2007 n° 2.
RÉSUMÉ
La langue anglaise s’est construite au Moyen Age, sur le métissage des langues des élites (français et latin) avec la langue de la population. A travers des exemples extraits de la littérature, est ici montrée l’affirmation d’une langue anglaise indépendante, autant que la richesse de ses emprunts. (A.M.)
EXTRAITS
1 – Rappel historique (p. 1)
2 – Le français d’Angleterre (p. 2-7)
On appelle le français des Anglais l’anglo-normand. Ce terme composé n’est pas heureux, la langue n’étant ni anglaise ni normande. […] Il serait préférable de parler de « français d’Angleterre » […] Les Normands de la Normandie de Guillaume n’avaient plus de scandinave que le nom. Depuis que le roi de France avait reconnu leur installation sous forme de duché, en 991, ils avaient achevé leur assimilation au contexte continental : ils étaient chrétiens et parlaient latin et français […] Voilà donc des francophones détenteurs du pouvoir. La Curia Regis de Guillaume ne comptait que des francophones. L’évêque de Rochester, qui, au début, en faisait partie, ignorait le français : Lanfranc, archevêque de Canterbury venu de Pavie via le Bec-Hellouin, l’élimina pour la raison qu’il ne pouvait suivre les débats, en français, de la Curia. […] Tous les rois d’Angleterre depuis Henri II (couronné en 1154) jusqu’à Henri VI (mort en 1471) inclus, c’est-à-dire pendant trois siècles sans interruption, épousèrent des princesses francophones […] Le français des gens d’Église n’est pas à sous-estimer. Certes le latin est la langue officielle de l’Église catholique romaine, mais le français est reconnu comme autre langue internationale. […] Le domaine le plus évident (du français technique) est celui du français juridique qui a longtemps été de règle en Angleterre. Les relations institutionnelles avec les nouveaux maîtres au lendemain de 1066 se déroulaient en français, les contrats et contestations se réglaient dans la langue du plus fort. De haut en bas de la hiérarchie judiciaire on employait le français, de la Curia regis aux tribunaux de comté, aux tribunaux de district et, à l’échelon local, aux tribunaux seigneuriaux. […] Les écoliers, les étudiants devaient apprendre le français, et même l’utiliser comme langue d’explication du latin – jusque vers le milieu du XIVème siècle.
3 – Statut du français d’Angleterre (p. 7-10)
Le témoignage de Gerald de Galles est net : il associe latin et français, les deux langues du savoir et du pouvoir, langues qu’il faut apprendre pour s’assurer une bonne situation. Encore faut-il apprendre le français de France […] Le déclin de l’utilisation du français et l’émergence ou plutôt la réhabilitation de l’anglais sont dus à ces lewede men (les profanes / le peuple) […] Trois phénomènes historiques concourent au déclin, au XIV siècle, du français utilisé en Angleterre. Le premier est l’émergence d’une classe moyenne […] La seconde raison du déclin de l’usage du français fut les vagues d’épidémies […] Troisième raison du déclin de l’usage du français en Angleterre : la Guerre de Cent Ans.[…] L’œuvre de Chaucer illustre magnifiquement le passage d’une Angleterre partiellement francophone à une Angleterre fièrement anglaise