via : retronews

La Comédie
A8,N388 p.1
26 juin 1870

https://www.retronews.fr/journal/la-comedie/26-juin-1870/21/1070131/1

La Comédie. MOLIERE HORS DE FRANCE, Danemark [26-06-1870]


MOLIÈRE HORS DE FRANCE / Danemark
IV

L’influence de Molière en Danemarck, pour n’avoir pas été prompte, n’en fut pas moins considérable, elle créa la littérature dramatique et comique danoise, qui n’existait pour ainsi dire pas dans ce pays. Molière inspira Holberg, et Holberg fut non seulement le premier, mais le plus grand auteur comique du Danemarck ; il n’a pas encore été dépassé. L’auteur danois puisait à toutes les sources, puisqu’il s’inspirait de Dancourt, de Destouches, de Dufresny, de D’Allainval, de Gresset, de Piron et de Colin d’Harleville, puisqu’on retrouve dans la « chambre de Noël » un reflet du « Colin Maillard » de Dancourt dans la Chambre de l’accouchée » une imitation du « Téméraire galant » de Boursault, dans « Camille demoiselle pour un jour, » le sujet du Faux instinct, » de Dufresny : mais le foyer où il se réchauffait, où il ranimait sa verve, son esprit, c’est l’oeuvre de Molière ; c’est là qu’il apprit le grand art et qu’il devina l’humanité à travers les observations profondes du poète français.

Deux troupes de comédiens se disputaient à Copenhague les faveurs du public, lorsque Holberg, déjà connu par d’autres travaux, se décida à écrire pour ce théâtre. De ces deux troupes, l’une venait d’Allemagne, l’autre arrivait de France ; la première interprétait des drames burlesques à force d’être sanglants ; la seconde jouait les oeuvres de Molière. La première pièce française fut donnée le 9 décembre 166^, quelque temps avant la mort de Frédérie III ; elle fut jouée devant la Cour par la troupe de Rosidor, qui eut ainsi, la gloire d’implanter sur le sol danois la littérature française, Le succès obligea Rosidor de renforcer sa -compagnie de sujets nouveaux que lui expédia 1 ambassadeur danois à Paris, Meierkrone. Cependant le théâtre danois ne fut réellement fondé <ïue par deux comédiens de mérite, Montaigu et Puloy, qui vinrent se fixer à Copenhague.

Pendant cinquante ans on joua les oeuvre de Molière exclusivement à Copenhague, puis vinrent les pièces de Holberg, qui n’en étaient que le reflet. La première comédie qui fut donnée sur le théâtre où Montaigu devait faire faire jouer toutes les pièces de Holberg n’était rien moins que « l’Avare. » N’était-ce pas mettre directement le théâtre danois sons la protection du poète français ; en effet, sur cette scène, Molière alterna régulièrement avec Holberg. « Le Tartuffe, Amphytrion. L’Etourdi, Le Dépit amoureux, » avaient pour lendemains : « Jean de France, Gert de Westphalie, Jeppe de Bjerg, la Chambre de l’accouchée, » etc., etc. Seulement les pièces de Molière étaient jouées en danois. Le théâtre ne put vivre ; après quatre années de luttes, on dut revenir purement et simplement à Molière et le jouer en français. L’influence française a été de tout temps considérable en Danemark. Si Molière a été le premier auteur dramatique joué à Copenhague, le premier directeur de l’Académie des Beaux-Arts, Saly, était aussi Français.

Holberg étudia notre compatriote sur le théâtre danois à Copenhague et sur la scène française à Paris. Il vint, à deux reprises différentes, dans notre capitale : la première fois en 1715 et 1716, la seconde fois en 1723. Pendant son premier séjour, il fréquenta les bibliothèques ; plus tard, lors de son second voyage, il connut le père Castel. Fontenelle, Lamotte et le père Hardouin. I’ traduisit son « Ferblantier politique » et le donna à Riccoboni, qui n’osa le jouer. Dans la « Correspondance » de Holberg, dans ses « Pensées morales » et dans les préfaces de ses pièces, on trouve les preuves fréquentes d’une admiration sincère pour Molière. Il avoue que c’est à cet écrivain qu’il doit le sentiment comique et la verve que Ton veut bien trouver dans ses propres pièces. Dans une préface écrite par lui en 1746, il dit : « Parmi les anciens, Piaute, et parmi les modernes, son imitateur Molière, ont été mes guides. » Enfin, dans une lettre publiée dans la cinquième partie de sa Correspondance, on peut lire : « Molière fut mis de côté en même temps que mes pièces originales, qui sont exécutées d’après le plan des siennes.» Rahbek, un des plus célèbres écrivains du Danemarck, a présenté franchement Holberg comme un disciple de Molière. Ohlenschlaeger a écrit dans une préface que : « Holberg ne ressemble à aucun poète plus qu’à Molière. » Elias Schlegel, dans un discours écrit à propos de la réouverture du théâtre de Copenhague, sous Christian VI, ne craignit pas d’avancer que toutes les pièces de Holberg, par la conception, se rapprochaient de « Tartuffe. » Gottsched constata les rapports fréquents qu’il y a entre les deux poètes ; enfin, M. Benieked, dans l’Encyclopédie allemande de MM. Ersch et Grueber, appelle Holberg « le joyeux élève de Molière. »

Ces citations nous semblent plus que suffisantes, comme autorité, pour constater l’influence efficace de l’auteur français en Danemarck.

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