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Alain GALOIN, « L’expédition d’Espagne », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 22 Octobre 2017. URL : http://www.histoire-image.org/etudes/expedition-espagne


Passage de la Guadarana [sic] par l'armée française en Espagne
Passage de la Guadarana [sic] par l’armée française en Espagne. Nicolas Antoine TAUNAY (1755 – 1830) © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Emile Cambier

Contexte historique

En 1808, l’intervention des troupes françaises en Espagne avait déclenché un soulèvement général de la population espagnole. Cette guerre d’indépendance aboutit à la défaite des armées napoléoniennes et à l’avènement du roi Ferdinand VII en 1813. La Constitution libérale élaborée à Cadix par les Cortes en 1812 fut déclarée illégale par le nouveau roi. L’absolutisme du souverain, les nombreuses persécutions à l’encontre des libéraux, le rétablissement de l’Inquisition, entraînèrent une insurrection populaire en 1820.

Dans une Europe troublée par une agitation libérale clandestine mais sous-jacente, les libéraux menés par Rafael del Riego remportèrent les élections législatives aux Cortes en 1822. Ferdinand VII rejoignit alors la Sainte-Alliance formée par la Russie, la Prusse et l’Autriche, et sollicita l’aide des monarques européens pour restaurer l’absolutisme en Espagne. Depuis les Cent-Jours et le congrès de Vienne, la France faisait figure de vaincue, et la monarchie restaurée aspirait à retrouver son crédit auprès des nations européennes. Le 22 janvier 1823, un traité signé lors du congrès de Vérone lui permit d’intervenir militairement en Espagne. Sur le plan tant diplomatique que militaire, les Bourbons sortaient enfin de leur isolement. Le 28 janvier, Louis XVIII put donc annoncer que « cent mille Français étaient prêts à marcher en invoquant le nom de Saint Louis pour conserver le trône d’Espagne à un petit-fils d’Henri IV. » Chateaubriand, ministre des Affaires étrangères depuis le 17 mai 1822, et les royalistes ultras exultaient : l’armée royale allait pouvoir prouver sa valeur et son dévouement face aux libéraux espagnols pour la gloire de la monarchie des Bourbons.


Analyse des images

Issu d’une famille d’artistes, orfèvres, peintres, sculpteurs, Nicolas Antoine Taunay (1755-1830) séjourna à l’Académie de France à Rome de 1784 à 1787. Peintre de genre et de paysages, son goût pour la peinture d’histoire lui valut d’être choisi pour illustrer les campagnes allemandes de Napoléon Ier en 1805. De 1816 à 1820, il partit au Brésil avec la Mission artistique française et contribua à y créer l’Académie impériale des beaux-arts. Il y produisit nombre de paysages à la saveur exotique. Rentré en France en 1821, il renoue avec la peinture d’histoire et représente ici l’armée française franchissant avec peine la Sierra de Guadarrama, une imposante barrière montagneuse qui protège Madrid. Le 23 mai 1823, les troupes françaises investissaient la capitale espagnole où le duc d’Angoulême, neveu de Louis XVIII, installa une régence temporaire sous le protectorat de la France.

Lauréat du Prix de Rome en 1816, Antoine Jean-Baptiste Thomas (1791-1834) a représenté, quant à lui, l’épilogue heureux de la campagne d’Espagne : dans son cabinet des Tuileries, Louis XVIII reçoit le duc d’Angoulême, commandant en chef victorieux de l’armée des Pyrénées. Assis dans un fauteuil, le roi podagre serre la main de son neveu avec une reconnaissance quelque peu grandiloquente. Derrière le duc, Madame Royale – Marie-Thérèse Charlotte, fille de Louis XVI, sa cousine germaine qu’il a épousée en exil en 1799 – s’accroche à son mari et lève sur lui un regard admiratif. Debout derrière le roi, Monsieur, comte d’Artois, son frère, tient dans ses bras le petit duc de Bordeaux, le fils du duc de Berry assassiné en 1820, tandis que la mère de l’enfant se tient à gauche du souverain. Empreinte d’une atmosphère toute filiale, la scène met en évidence la continuité de la dynastie des Bourbons.


Interprétation

Dès le 7 avril 1823, les troupes françaises entrèrent en Espagne. À la fin de février, les Chambres avaient voté un crédit extraordinaire de 200 millions pour financer l’expédition. Malgré son manque d’expérience militaire, le duc d’Angoulême avait été nommé commandant en chef de l’expédition, mais il laissait à son major général Guilleminot, général d’Empire, le soin de diriger effectivement le corps expéditionnaire. Sur cinq corps d’armée, quatre étaient d’ailleurs placés sous les ordres d’anciens serviteurs de l’Empire, les commandements secondaires étant dévolus aux royalistes fidèles aux Bourbons.

Dès le 23 mai, les Français entrèrent dans Madrid. Les Cortes, dont Ferdinand VII était le prisonnier, se réfugièrent dans Cadix, devenue provisoirement la capitale de l’Espagne. Le 30 septembre, les libéraux furent contraints de capituler. Le 23 novembre 1823, le duc d’Angoulême revenait en France, laissant derrière lui une armée d’occupation de 45 000 hommes. L’humiliation des défaites napoléoniennes en Espagne était effacée, et Chateaubriand, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Villèle du 28 décembre 1822 au 6 juin 1824, pouvait écrire triomphalement dans ses Mémoires d’outre-tombe : « Enjamber d’un pas les Espagnes, réussir là où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armes de l’homme fantastique avaient eu des revers, faire en sept mois ce qu’il n’avait pu faire en sept ans, c’était un véritable prodige ! » La victoire de l’armée française en Espagne était surtout un succès personnel pour Louis XVIII, dont elle renforçait la légitimité.

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