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Georges Doriot, inventeur du capital-risque
Claude Barjonet, pour Enjeux Les Echos – CLAUDE BARJONET | Le 08/07/14 à 09H22

Général de l’armée américaine et professeur de management à Harvard, le Français créa la première société de capital-risque en 1957. Avant de participer à la fondation de l’Insead. Retrouvez les débuts de près de 25 grands groupes d’aujourd’hui dans le numéro spécial d’Enjeux « Comment naissent les géants », juillet/août 2014.
Son nom, Digital Equipment Corporation, appelé DEC ou Digital, ne dira rien aux jeunes générations car le groupe américain a disparu en 1998, racheté par son concurrent Compaq. Mais DEC a été un géant avant de s’enfoncer dans la crise au début des années 90. Au sommet de sa gloire, l’entreprise de Maynard, près de Boston, était le deuxième fabricant mondial d’ordinateurs derrière IBM, avec 14 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 120 000 salariés.
Ingénieurs formés au MIT (Massachusetts Institute of Technology), Ken Olsen et Harlan Anderson, ses deux fondateurs, avaient révolutionné le monde de l’informatique en développant une gamme de mini-ordinateurs bien moins chers que les traditionnels ordinateurs centraux de l’époque. Mais la réussite de DEC permit aussi de populariser le principe du financement par le capital-risque de jeunes pousses, dont certaines (Apple, Google, Microsoft…) se sont muées en empires. Car la société American Research & Development (ARD) – qui avait permis en 1957 la naissance de DEC en lui octroyant 70 000 dollars en échange de 70% du capital – empocha une monstrueuse plus-value quand elle revendit ses titres. Preuve était faite que, sur un portefeuille de dix start-up financées, la réussite éclatante d’une seule permettait, et largement, de compenser les pertes ou les faibles gains générés par la faillite ou la croissance décevante des autres.
L’un des pères de l’Insead
A l’origine d’ARD, un Français nommé Georges Doriot. Né en 1899 à Paris, ce fils d’un ingénieur en automobile part en 1921 aux Etats-Unis y étudier le management. Son diplôme de Harvard en poche, il y retourne bien vite pour y enseigner le management industriel. Sa réputation devient telle qu’en 1941, l’armée américaine lui confie la direction de la R&D à l’état-major, et le nomme général. De la confrontation des idées au sein de l’équipe très diverse réunie par Georges Doriot – scientifiques, industriels, chercheurs en sciences sociales… -, naîtra une foule d’innovations au service de l’armée américaine engagée dans la Seconde Guerre mondiale.
La guerre terminée, l’homme reprend ses cours à Harvard. Mais parallèlement, conscient de la difficulté des créateurs d’entreprises innovantes à lever des capitaux (seules quelques fondations familiales, comme celle des Rockefeller, s’intéressaient à eux), il crée avec l’aide du MIT et de compagnies d’assurances la société ARD, première firme de capital-risque non familiale à voir le jour. Dès cette époque, il développe quelques règles d’or du métier. Ainsi, le capital-risqueur investit sur le long terme, et il suit pas à pas les progrès de sa jeune pousse, y compris en débarquant ses dirigeants si nécessaire.
Décédé en 1987 à Boston, salué en 1999 par le Wall Street Journal comme l’une des dix personnalités du XXe siècle ayant changé la vie des entreprises, Georges Doriot laisse aussi deux héritages sur sa terre natale. En 1930, il avait aidé la Chambre de commerce et d’industrie de Paris à créer le Centre de perfectionnement aux affaires (aujourd’hui dans le groupe HEC). Et en 1957, il avait contribué à la naissance de l’Insead à Fontainebleau.