Femmes éducatrices au siècle des Lumières (Isabelle Brouard-Arends et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval (dir.) 2007)
JAKUBOSZCZAK, Agnieszka. Entre discours et réalité : l’éducation des aristocrates polonaises sous l’influence des Lumières françaises In : Femmes éducatrices au siècle des Lumières [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2007. ISBN : 9782753547506. http://books.openedition.org/pur/39380

EXTRAIT DU CHAPITRE

Entre discours et réalité : l’éducation des aristocrates polonaises sous l’influence des Lumières françaises

Agnieszka Jakuboszczak

365-377


Plan du chapitre

  • À la recherche de l’éducation
  • Le discours…
  • … de la perspective féminine
  • … de la perspective masculine
  • Réalité de la vie quotidienne

PREMIÈRES PAGES DU CHAPITRE (§ 1-17)

La Pologne connut, comme tous les pays de l’Europe de l’époque moderne, des débats à propos de l’éducation des filles. Parmi les auteurs polonais les plus célèbres, nous trouvons des défenseurs de l’opinion selon laquelle les femmes sont capables de recevoir une formation intellectuelle, comme Andrzej Glaber de Kobylin, Łukasz Górnicki ou Sebastian Petrycy de Pilzno. Mais la société polonaise traitait ces idées avec méfiance, refusant aux jeunes filles le droit à l’éducation parce que, dans la conscience courante, la fille sage reste celle qui est bonne ménagère. Cependant, la compréhension de leurs besoins personnels et, de plus en plus souvent, de leurs ambitions, augmenta à la fin du xviie siècle et surtout au xviiie siècle, lorsque l’exigence de l’éducation devint générale dans les cercles aristocratiques. Une étude estime que le progrès de l’alphabétisation des filles des grandes familles est de l’ordre de 70 à 80 %, et 30 à 50 % pour des filles de la noblesse moyenne


À la recherche de l’éducation

La formation de la jeune fille noble reposait entre les mains des religieuses, des précepteurs ou de ses parents. Les parents pouvaient décider d’éduquer leur fille au couvent. En Pologne, aux xvie-xviiie siècles, les établissements étaient dirigés par des congrégations au caractère plutôt fermé et contemplatif : les Augustines, Bernardines, Cisterciennes, Dominicaines, Carmélites chaussées, Clarisses, Norbertines, sœurs de sainte Brigitte et du Saint-Esprit. Dans le cadre de leur formation, les jeunes filles devaient apprendre les règles de chasteté et d’obéissance. Elles étaient obligées de faire régulièrement leur examen de conscience et de méditer sur les vertus cardinales. Cette époque donna aussi naissance à des congrégations féminines dirigées vers le travail dans la société, qui s’occupaient entre autres de l’éducation des filles (des sœurs de Sainte Catherine). Les programmes de l’éducation des écoles religieuses étaient partout les mêmes. Ils proposaient d’enseigner la lecture et l’écriture, parfois le calcul, et les travaux domestiques.

Au milieu du xviie siècle, nous observons une grande activité des congrégations françaises. La femme des deux derniers rois polonais de la famille Vasa, la reine Louise-Marie de Gonzague de Nevers (1645-1667), a installé les trois couvents, fondés dans la première moitié de ce siècle. En 1651 sont arrivés les Missionnaires, créés par Vincent de Paul. Ensuite, en 1652, s’installent en Pologne les Filles de la Charité, inspirées par le même saint et Louise de Morillac, en 1633. Leur établissement, après des difficultés initiales, se développa et compta environ dix écoles. À partir de 1654, les filles de nobles et de grandes familles pouvaient aller à l’école des Visitandines. Les religieuses de cet ordre, fondé par Saint François de Sales (1567-1622) et Jeanne Françoise Frémiot de Chantal (1572-1642) en 1610, étaient très proches de Louise-Marie dès le temps de son séjour en France. L’église de cette congrégation se trouvait près du château royal, mais les religieuses disposaient d’établissements avec des écoles également à Cracovie, à Lublin et à Vilnius. Le couvent pouvait accueillir les filles des courtisans français et polonais. Pour eux, l’éducation était payante, mais les sœurs conservaient douze places pour les candidates pauvres. Il y avait six institutrices et le contrôle de l’école revenait à la mère supérieure. Les cours duraient toute la journée et ils se concentraient sur l’écriture et la lecture, surtout en français. Bien évidemment, on enseignait le catéchisme, le chant et la pratique des instruments. Les filles devaient apprendre tous les travaux féminins, comme la broderie et la couture.

L’école connut un grand succès, et en 1661 elle eut besoin d’un bâtiment plus grand. Parfois les filles se décidaient à rester après leurs études au couvent et à devenir religieuses. Dans la vague des nouvelles congrégations qui venaient en Pologne sous l’influence de reines se trouvent les sœurs du Saint Sacrement, en Pologne dès 1687. Cet ordre, issu de Bernardines, a été fondé à Paris en 1653 par Catherine de Bar et, dès le début de leur mission, sur les bords de la Vistule, à la demande de la reine Marie-Casimire (épouse du roi Jean III Sobieski), les religieuses avaient pour mission l’éducation des filles – celles de la noblesse seulement, toutefois. Au xviiie siècle, les sœurs du Saint Sacrement avaient deux écoles : dans la capitale et à Léopol, et elles enseignaient le catéchisme franco-polonais. Il faut souligner que tous les établissements religieux français influençaient le fonctionnement des écoles monastiques en Pologne

Des pensions privées pour les filles existaient dans les grandes villes et leurs élèves venaient des familles de moyenne bourgeoisie, d’artisans et de commerçants. Le niveau était varié et les institutrices étaient souvent en même temps les propriétaires des établissements, mais on pouvait rencontrer des pédagogues nomades ou des artisans. À la sortie de l’école, les filles savaient lire, écrire, compter, parfois parler une langue étrangère et pratiquer les travaux manuels. Au xviie et xviiie siècles, à Gdańsk il y avait beaucoup d’écoles de ce type, où les filles du patriciat savaient très bien tenir les comptes

Dans les riches maisons du patriciat, de la noblesse et de l’aristocratie, les filles recevaient leur éducation sur place. Au cours du xviie siècle, le nombre de gouvernantes étrangères augmentait. On note la diffusion de la connaissance de langues telles que l’allemand, le français et parfois le latin. Les filles profitaient des leçons données par les pédagogues engagés pour leurs frères. Toutefois, la mère jouait le rôle le plus important dans l’éducation morale des filles. Elle devait surveiller leur vertu, s’occuper de leur éducation morale et du développement de leur dévotion, « car ni les sciences humaines, ni la gymnastique, ni la peinture ne conviennent aux femmes autant qu’elles font aux hommes. Il est à désirer que toutes les femmes sachent lire et écrire, et certaines encore connaissent quelque chose de la musique, mais sans leur donner une instruction complète ». Plusieurs menaces guettaient les filles – le regard d’un homme, les cadeaux ou l’alcool par exemple. Il fallait donc limiter les visites rendues et bien sélectionner les invités. Une fille ne doit jamais rester seule avec un homme car « Comme l’état de vierge est une chose bonne, belle et placide, il est également fort difficile et mélancolique, car le diable agit à chaque instant pour le souiller, dans l’esprit et dans le corps. » Il fallait toujours la surveiller pour éviter l’occasion de danser. Les parents étaient également obligés d’interdire à leur fille les sourires, les touchers, les baisers, les lettres et toutes les sortes d’écrits.

Selon D. Żołądź-Strzelczyk, spécialiste de l’histoire de l’enfance, aux xvie et xviie siècles, il y avait en Pologne deux approches de l’éducation féminine à la maison. D’un côté l’approche « conservatrice », très fréquente, qui s’appuyait sur la religion et la morale. Dans cette conception, la fille devait se préparer à être l’épouse, la mère et, selon la couche sociale, la maîtresse de la maison ou la ménagère. De l’autre, nous avons la vision « progressiste » qui pose pour principe l’égalité entre les femmes et les hommes. En conséquence, celles-ci peuvent recevoir la même éducation que les garçons. Les représentants de cette conception trouvaient que la négligence intellectuelle dans laquelle le « beau » sexe était gardé était une conséquence de la peur d’une concurrence possible des femmes. D’après eux, une Polonaise, peut-être pas si bien éduquée et si féminine qu’une Italienne, était sûrement capable d’apprendre. Plus, elle pouvait faire tout ce que faisait l’homme. Dans le milieu catholique, Aleksander Maksymilian [Alexandre Maximilien] Fredro (vers 1620-1679) propageait déjà les idées de Fénelon. Il proposait d’enseigner la lecture et l’écriture, l’arithmétique, un cours de base d’astronomie et de cosmographie, de géographie, la lecture de la Sainte Écriture et des auteurs antiques. Il pensait, en revanche, que la jeune fille ne pouvait pas apprendre des langues étrangères, comme le latin ou le français.

Au xviie siècle, l’éducation domestique des riches filles nobles pouvait être complétée par un séjour à la cour royale (surtout celle de Louise-Marie de Gonzague et de Marie-Casimire d’Arquien) ou de celle d’un grand noble. Les demoiselles y séjournaient comme « demoiselles de la cour ». Après quelques années dans cette société mondaine, elles avaient appris les règles du savoir-vivre, mais leurs horizons intellectuels s’élargissaient par la lecture des livres, par la possibilité de regarder les spectacles et parfois même de jouer des pièces et enfin par la formation au goût européen. La dernière étape, mais rare, du parcours de formation d’une femme bien éduquée était le voyage à l’étranger. Au xvie siècle, la mobilité de femmes était limitée et leurs voyages n’avaient pas de but éducatif. Elles se déplaçaient à l’intérieur du pays pour accompagner leurs maris, visiter les domaines ou les lieux de pèlerinages. Les riches aristocrates allaient aux eaux, par exemple à Cieplice (en Silésie), ou en Italie, où le climat est plus doux qu’au bord de la Vistule. Les escapades à l’étranger, surtout d’une épouse sans son mari, n’étaient pas bien vues par les moralistes, mais au xviiie siècle, les déplacements des femmes sont devenus plus fréquents. Elles allaient en Italie, en France, en Allemagne, en Autriche et en Hollande. Ce n’était plus seulement pour des pèlerinages ou des séjours de santé, mais elles partaient aussi visiter des monuments, et s’amuser au carnaval de Venise. Parfois les aristocrates polonaises avaient une mission politique. À leur retour, la culture tirée de l’éducation à la cour et des voyages leur permettait de dynamiser la carrière de leurs enfants, pour ajouter à la splendeur de leurs familles, ou pour adopter, grâce à leurs connaissances, les nouvelles tendances artistiques en Pologne.


Le discours…

Le xviiie siècle est l’époque de la crise de la société sarmate et traditionnelle de la République nobiliaire. La conscience culturelle de l’importance de l’enfance est née dans une ambiance d’indifférence et de négligence pour l’éducation des filles nobles. Cependant, dans ces circonstances défavorables de rencontre du monde sarmate avec les Lumières, des voix s’élèvent en faveur du changement.


… de la perspective féminine

Parmi les textes d’instruction de mères à leurs filles, le plus connu, écrit au xviiie siècle, est le celui de la princesse Franciszka Urszula [Françoise Ursule] Radziwiłłowa intitulée Przestrogi dla córki Anny [Les avertissements pour ma fille Anne] (Nieśwież, 1753). Ses instructions ont le caractère de conseils moraux. Franciszka Urszula est la seule à montrer une érudition relevant d’un côté de l’époque de la Contre-Réforme (la connaissance de la Sainte Bible et de la loi ecclésiastique), de l’autre du temps des Lumières (la géographie et l’histoire). Elle parlait français et italien. Sa personne est caractéristique du mélange du « vieux » monde avec les « nouveaux ». Restant dans le canon de l’instruction parentale, la princesse Radziwiłłowa soulignait l’importance de la foi et de la pratique religieuse. Dans la hiérarchie, les parents ont leur place juste après Dieu. Il faut expier les sept péchés principaux. Cependant ce texte n’a pas le caractère dévot typique de l’époque des Wettin. La raison gardait son rôle fondamental et elle était au-dessus de la nature corporelle. Dans tous ses conseils, Franciszka Urszula n’oublie jamais la provenance sociale de sa fille. Il est certain pour la mère que la cour et la vie mondaine recèlent beaucoup de pièges, et elle donne donc des conseils sur la conduite à venir vis-à-vis des flatteurs, des invités, des domestiques. Par ailleurs, sa position de princesse l’oblige à être miséricordieuse. L’écrivaine attire notre attention, reprenant les idées de la philosophie antique par les écritures de Gracian, vers les problèmes terrestres, vers la joie et l’acceptation de l’opinion publique16. Tous les avertissements montrent que la femme de la première moitié du xviiie siècle pouvait être la créatrice de sa vie, mais dans un monde créé par les hommes.

Il faut mentionner aussi le texte de la princesse Barbara Sanguszkowa intitulée Nauka matki córce swej, idącej za mąż daną [L’Enseignement d’une mère donné à sa fille] qui présente sa conception de la « formation » de l’esprit des enfants. Son éducation n’est pas bien connue. Nous savons seulement qu’elle était dans l’école du couvent, tenu probablement par la congrégation française. Dans son texte, nous pouvons observer l’influence du xviie siècle et de ses idées introduites par le recueil du cardinal Jean Bona (1609-1674). Dans la partie intitulée « Au sujet des enfants », elle souligne qu’il faut faire attention à l’éducation « des corps », mais aussi à celle des esprits. Selon la princesse, la mère est obligée de surveiller les enfants : « Regarde toujours toutes leurs affaires, sans trop laisser aux personnes qui doivent les accompagner, même si elles semblent les meilleures ; et choisis celles-là avec une grande prudence ; dirige la pensée et le cœur vers Dieu, vers la vertu, depuis leur première jeunesse. » Cependant ce contrôle doit être sage, pour que les enfants voient l’amour dans toutes les décisions de leurs parents, surtout dans les punitions. La plus grande erreur serait de punir de mauvaise humeur ou en colère : « Car [en colère] il ne faut jamais punir personne, et surtout des enfants. » Les filles et les fils doivent être entourés d’amour, mais jamais il ne faut faire preuve de mollesse. Les sentiments à leur égard doivent rester dans les limites de la raison. Barbara pense que l’éducation intellectuelle, adaptée à leur âge, doit également être convenable à leur sexe. Il est très important pour elle qu’ils aient l’amour de la vertu, de la justice et un caractère honnête. Dans l’éducation des enfants, les parents tiennent une place très importante et ils ne doivent pas oublier qu’ils sont pour eux un exemple. En conséquence, les parents doivent rester sensibles aux défauts des jeunes. Il faut détruire chez eux la superbe, l’instabilité, la légèreté, la vivacité, l’indiscrétion, la gourmandise, et surtout l’orgueil et le mensonge. Nous voyons que la princesse se règle sur les dix commandements qui sont le fondement de son point de vue sur la vie, car ils sont universels, et ce modèle de formation peut également s’appliquer à ses fils en tant que futurs pères. Ce qui semble être le plus intéressant, c’est la proposition de la princesse Sanguszkowa de profiter de la raison : « Utilise toutes les puissances de ton âme ; la raison d’abord, pour que tu puisses freiner et harceler par cela les passions maléfiques. » Nous avons ici, ensemble, la religion et la raison – c’est un pas vers les Lumières. Il faut souligner que de nombreuses aristocrates polonaises, surtout bien éduquées, au milieu du xviiie siècle, lient la religiosité de l’époque baroque et l’ouverture de l’esprit aux nouvelles tendances philosophiques.

À l’issue de cette courte analyse, nous voyons que Barbara Sanguszkowa donne des conseils pratiques pour la vie quotidienne qui attend sa fille Anna. Mais pas seulement pour elle, car chaque jeune mariée peut y trouver des remarques utiles pour elle. C’est probablement cette raison qui a fait que ce texte, sous le titre Uwagi pewnej chwalebnej matki… [Les remarques d’une mère glorieuse…] connut quatre nouvelles éditions dans les années 1760-178321.


… de la perspective masculine

Quant à la formation intellectuelle en Pologne, le xviiie siècle continuait d’adopter les idées de Fénelon mais il se rendait compte que l’éducation des filles traversait une crise. Les écoles de couvent et les pensions privées voyaient leur niveau baisser. Les institutrices françaises régnaient dans les villes, provoquant, aux yeux des contemporains, une démoralisation de l’éducation. Cependant nous pouvons observer que le niveau intellectuel des Polonaises ne cédait en rien à celui des autres femmes en Europe. Bien plus, selon l’écrivain des Lumières Hugon [Hugues] Kołłątaj, elles étaient meilleures parce que « Bien éduquées, elles ne devaient pas rougir devant toute personnage régnante d’Europe et devaient pas manquer de politesse à quiconque est inférieur par sa naissance, son instruction ou ses biens. » Les Polonaises lisaient avec plaisir des livres plus ambitieux que les romans, elles connaissaient l’histoire de leur patrimoine et la géographie, et bien sûr elles restaient au courant des questions de tout ce qui était à la mode en Europe. Néanmoins, un besoin de changements se faisait constamment sentir.

Parmi les textes français de l’époque des Lumières sur l’éducation présents en Pologne au xviiie siècle, nous pouvons trouver les travaux de Fénelon, de Rousseau, de Locke, mais aussi de Mme de Genlis et de Mme de Beaumont.

L’idée de l’éducation naturelle, présentée dans Émile ou de l’éducation de Jean-Jacques Rousseau excitait la discussion en Pologne. L’auteur anonyme de l’article du Magazine varsovien partage les idées du philosophe de Genève selon lesquelles cette formation des jeunes gens est un moyen contre l’obscurantisme. Il aborde le problème du droit à l’éducation qui ne doit pas dépendre de la couche sociale. L’auteur allait plus loin que Rousseau parce qu’il trouve que le sexe doit être sans influence sur le processus de formation intellectuelle. D’après son texte, les filles peuvent égaler les garçons mais doivent être traitées de la même manière dès l’enfance pour ne pas créer une disproportion – il faut proposer le même programme éducatif aux enfants des deux sexes.

L’influence de Jean-Jacques Rousseau sur les pédagogues polonais du xviiie siècle est illustrée en personne de l’enseignant Michał Dymitr [Michel Dimitri] Krajewski (1746-1817). Dans son œuvre Podolanka wychwycona w stanie natury, publiée en 1784, il présente une adaptation du livre français de Henri-Joseph Dulaurens Imirce ou la fille de la nature. Il faut mentionner ici que les années 1780 étaient une période de grande popularité de la littérature, de la philosophie et de la pédagogie françaises en Pologne. Quels sont les postulats principaux de Krajewski ? Premièrement, les filles ne peuvent pas perdre de temps en cours d’histoire ou à la lecture de romans. Elles doivent se consacrer essentiellement à leur future vie pratique. Un seul but : être bonne épouse et mère. Il critique l’éducation des jeunes aristocrates à la cour qu’il connaît bien puisqu’il fut engagé par la célèbre famille noble Małachowski. Il préfère, comme le prince Czartoryski, que les filles soient éduquées à l’école. Cependant les idées de Krajewski changent avec le temps et déjà en 1786 il a publié Pani Podczaszyna, où la femme noble est déjà une femme dynamique qui a beaucoup lu.

La réforme de la Commission de l’Éducation Nationale, fondée en 1773, proposait de revenir aux propositions de l’éducation morale du xviie siècle, rénovées par les idées des Lumières. Tous les établissements étaient également sous le contrôle de la Commission, en d’autres termes du gouvernement, qui pouvait aider à maintenir partout le même niveau. Dans ce projet, les filles devaient apprendre la langue polonaise à l’écrit et à l’oral, mais également le français et l’allemand. La place la plus importante était dévolue à l’histoire nationale, mais elles pouvaient aussi s’initier aux mathématiques. Sur ce dernier point, tout le monde n’était pas d’accord. Ignacy Krasicki y était très opposé, même s’il souligne l’importance d’« éclairer » les filles, et tout d’abord dans les écoles publiques. Il insistait surtout sur les cours de religion, de géographie et d’histoire, mais il proposait aussi la rhétorique, la poétique et la connaissance de langues étrangères comme le français et l’italien. Nous voyons que Krasicki se concentrait sur le développement de l’oral. L’« émancipation » des filles en matière de mœurs augmentait encore ce besoin d’apprendre pour pouvoir lire, parce que la lecture donnait une possibilité d’accès au monde, y compris aux mondes étrangers. Des projets concrets de créer des écoles pour les filles nobles ont été proposés par le prince Franciszek [François] Bieliński et August [Auguste] Sułkowski. La Commission de l’Éducation Nationale, dans l’esprit des Lumières, met en avant la question de l’éducation des enfants en tant que citoyens. Elle essaie de proposer un programme d’enseignement qui accorde la formation morale avec les besoins laïques.


Réalité de la vie quotidienne

La suite : http://books.openedition.org/pur/39380#tocto1n5


 

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