
TEXTE INTÉGRAL
Les rapports franco-hongrois remontent à l’époque de la la chrétienté et de la royauté hongroises. Les deux peuples, depuis Saint-Etienne, pendant tout le règne de la dynastie arpadienne, furent en rapports continuels, tant en ce qui concerne les relations ecclésiastiques et politiques, que les liens de familles. Évidemment, ces relations ont exercé une influence considérable sur la culture de notre pays.
C’est notamment vers 1200, que les Français ont joué un rôle prépondérant dans toute l’Europe, en matières politiques et culturelles. En Hongrie, c’est précisément à cette époque, sous le roi Béla III et ses successeurs, que l’influence française a atteint son apogée. Nous voulons esquisser en ce qui suit, cette époque culminante de l’influence française en Hongrie.
Béla III, un des plus remarquables souverains de la maison arpadienne, fut celui qui introduit dans notre pays l’influence française la plus étroite et la plus variée. Il avait reçu une éducation d’un caractère très français à la cour grecque de Constantinople, laquelle, présidée par l’empereur Manuel, le petit-fils plein de talents de Saint Ladislas de Hongrie, était alors complètement sous l’influence de l’esprit français.
On saurait à peine douter que Béla, dès les premières années de son séjour à Constantinople, parlait déjà le français. Ses rapports avec la France furent encore plus resserrés par le fait que sa femme en premières noces, Anne de Châtillon, princesse d’Antioche, cousine de Marie, „la plus belle femme du monde », épouse de l’empereur Manuel, était une Française, appartenant à une famille souveraine de la Terre-Sainte. Il épousa en secondes noces Marguerite, fille du roi Louis VII de France. Ses fils aussi ont contribué à multiplier les alliances françaises. Le roi Eméric épousa Constance princesse d’Aragon, tandis qu’André II, après la mort de la tristement fameuse reine Gertrude. épousa Yolande, de la famille Courtenay, règnant alors à Constantinople.
Par suite de ces alliances françaises dans la famille royale, des influences de coutumes et de mode se firent ressentir dans la cour hongroise, et ces influences se répandirent même dans certains milieux en dehors de la cour. Les épouses royales ne venaient pas seules s’installer à la cour hongroise, mais, chacune d’elles avait une suite et aussi des invités français. Après le second mariage de Béla III, des chevaliers français vinrent aussi en Hongrie. A l’époque de Constance, épouse du roi Eméric, Peire Vidal, le troubadour à vie pleine d aventures a séjourné aussi quelques temps chez nous, et a écrit une poésie très élogieuse sur l’hospitalité du „bon » roi Eméric. Une des dames d’honneur de la seconde femme d’André II était une Française du nom d’Ahalyz (Alice).
Les reines et leurs suites ont habitué les seigneurs hongrois de la cour ou ayant quelque rapport à la cour, aux coutumes et à la mode françaises. C’est surtout l’atmosphère français de la cour qui nous explique le fait, que nous pouvons nous rendre compte qu’à la fin du XII-e et au début du XIII-e siècle, une grande influence française régnait dans les milieux des seigneurs hongrois. C’est aussi à cette influence que nos puissants et riches seigneurs de cette époque devaient leur allure chevaleresque. Ainsi, dans les armées des croisades de 1217, l’extérieur des Hongrois d’André II différait à peine de celui des Français de Syrie. De même que notre roi André II, les ancêtres de la famille des Bariffy de Losoncz, et les membres des souches des Kàn, Csàk, Szàh, Ràtold, Huntpàzmàn et Gutkeled se raisaient le visage à la française ; portaient les mêmes armements, et étaient aussi fiers de leurs bannières et de leurs boucliers armoriés que leurs compagnons français. A peine avait-on commencer en France de porter les casques dits : „bassinets » que les Hongrois eux-aussi en firent une mode. Le bouclier devint de même court et triangulaire, ainsi que l’écu des chevaliers français, et, dans le sceau du maître Ladislas Mn, nous remarquons des flammes de lance semblables à celles des armes des Montmorency.
Le mot teirgy de la langue hongroise est aussi un vestige de la vie chevaleresque française en Hongrie. Originellement, ce mot désignait un sorte de bouclier (targe), plus tard, sa signification se transforma en cible, et devint enfin le mot généralisé du but.
Les hôtes français de la cour et les familles seigneuriales françaises qui s’étaient fixées en Hongrie nous ont fait connaitre les poèmes héroïques, par exemple la Chanson de Roland, et l’Histoire de Lancelot. C’est pourquoi, parmi les noms hongrois de cette époque, nous trouvons tant de Rolands, Olivers, Olivants ou Olifants (nom du célèbre cor de Roland) et Lancelots. Les Français qui ont séjourné dans notre pays nous aussi légué d’autres noms ou formes de noms, comme par exemple Lajos, qui, dans l’ancien langage hongrois se prononçait Lojs, et correspondait à l’ancien Lois (aujourd’hui Louis). La transformation française Moïse, du nom biblique Moschè (en Hongrois Mdzes) se présente aussi chez nous sous la forme de Mois ou Majos. Notre Dénes est l’adaptation du Denis français.
(A suivre).