via Le Printemps des peuples en Allemagne | Histoire et analyse d’images et œuvres


Alexandre SUMPF, « Le Printemps des peuples en Allemagne », septembre 2008 Histoire par l’image  URL : http://www.histoire-image.org/fr/etudes/printemps-peuples-allemagne


Le Printemps des peuples en Allemagne
Combats de barricades sur Alexanderplatz dans la nuit du 18 au 19 mars 1848 © BPK, Berlin, Dist RMN-Grand Palais – Knud Petersen
Contexte historique
La France, foyer de la révolution européenne

En mars 1848, le continent européen s’embrase à nouveau, de Vienne à Venise en passant par Prague et Berlin : c’est le « printemps des peuples », explosion simultanée de populations privées de nation et de droits politiques. Les révolutions de 1848 ont en commun, outre les barricades, un style romantique qu’incarnent les chants ou les habits et appelé « quarante-huitard ». Comme en 1789 et plus encore en 1830, les soulèvements qui ont éclaté à Paris ont mis en branle la contestation violente dans les capitales des États voisins, tout en influençant les modes de la révolte et le contenu des revendications : libertés privées et publiques garanties, démocratisation du pouvoir, reconnaissance des nationalités. En Allemagne, à Francfort, s’installe dès le 31 mars 1848 un Vorparlament (parlement préparatoire) pour surveiller les élections au suffrage universel. Deux pouvoirs s’opposent alors : celui des révolutionnaires et celui du principal monarque d’Allemagne du Nord, Frédéric-Guillaume IV, roi de Prusse.

Analyse des images
Berlin la révolutionnaire, contre la tyrannie

Berlin, ici représentée, est la capitale de la Prusse. Le symbole de la révolte à la parisienne est sans conteste la barricade – obstacle symbolique et enracinement défensif du peuple face au pouvoir répressif. C’est donc sans surprise que l’on retrouve ce lieu-événement-moment fort (on distingue d’ailleurs des barriques, source étymologique du terme) au cœur de la composition. Dans un contexte iconographique paneuropéen qu’alimente une large diffusion des scènes révolutionnaires par l’estampe, l’auteur anonyme choisit de brosser une scène de nuit qui favorise les contrastes et les jeux de lumière. Le seul élément net de coloration est placé quasiment au centre de l’image : c’est le drapeau tricolore allemand appelant à l’unité territoriale et politique. Le reste est plongé dans une pénombre éclairée par la lune, placide témoin, mais aussi par un bâtiment en flammes et, surtout, la fumée blanche des coups de fusil. La scène centrale oppose les révoltés, surélevés par rapport aux soldats prussiens assaillants. La position du peloton, les visages tordus, les corps qui chutent, les blessés achevés au sol, ne sont pas sans rappeler les tableaux où Goya dénonça la barbarie dont les troupes napoléoniennes firent preuve les 2 et 3 mai 1809. La scène est berlinoise, mais elle appartient à l’histoire révolutionnaire du peuple européen.

Interprétation
L’unité allemande, entre république et empire

En 1848, les peuples de langue allemande sont loin d’avoir achevé leur unité au sein d’un État-nation sur le modèle français. Au sud de la Confédération germanique (créée en 1815), l’Empire autrichien rassemble de nombreux Germains catholiques, mais aussi des Hongrois, des Slaves orthodoxes et des juifs. Au nord, la Prusse des Hohenzollern protestants propose aux multiples États et cités de former une union douanière (Deutscher Zollverein, 1834) qui permet de rapprocher les deux parties du royaume. L’estampe met en évidence les visées inconciliables des révolutionnaires rassemblés en parlement à Francfort – où Karl Marx siège – et du roi de Prusse. En effet, Frédéric-Guillaume IV refuse en 1849 la couronne impériale « faite de boue » que lui proposent les parlementaires désireux de faire progresser l’unité allemande. Le Parlement se dissout en mai 1849, signifiant l’échec de la révolution en Allemagne.

 

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